UPDATE - CLAP DE FIN POUR LES DONATIONS NOTARIÉES HOLLANDAISES LE 1ER DÉCEMBRE 2020 ?
Publié le 10 juillet 2020Dans une précédente TETRALERT, nous vous indiquions qu’une proposition de loi déposée le 17 juin dernier (Ecolo/Groen/CD&V/Spa/PS) prévoit l’obligation de soumettre tous les actes de donations notariés à l’enregistrement., y compris donc les actes notariés hollandais ou suisses par exemple.
A ce stade, la loi n’est toujours pas votée. En tout état de cause, suite à un amendement adopté lors de la deuxième lecture de la proposition de loi, l’entrée en vigueur de l’obligation d’enregistrement a été reportée au 1er décembre 2020, et non plus dix jours après la publication au Moniteur belge.
Si cette proposition est entérinée par le Parlement, cela signifierait donc la fin des actes notariés effectuées aux Pays-Bas pour éviter de payer en Belgique les droits d’enregistrement de 3%, 3,3%,5,5% ou 7% sur une donation mobilière.
La postposition au 1er décembre 2020 a au moins le mérite de permettre au contribuable de pouvoir encore planifier et organiser une planification de manière plus sereine que dans la précipitation.
I. LE PRINCIPE
Tout acte de notaire belge doit être nécessairement soumis à l’enregistrement. Il s’agit d’une règle du Code des droits d’enregistrement.
Par ailleurs, le Code civil impose, à peine nullité, que toute donation directe (et tel sera, par exemple, nécessairement le cas d’une donation avec réserve d’usufruit) intervienne par acte authentique. La combinaison de ces deux règles entraînera nécessairement, si la donation intervient devant un notaire belge, la soumission de l’acte aux droits de donation.
Depuis des décennies, le contribuable belge a réussi à échapper à cette taxation obligatoire, tout en respectant les règles du Code civil. La solution consiste à faire acter la donation par un notaire à l’étranger, mais pas dans n’importe quel pays toutefois : il fallait se rendre dans un Etat dans lequel des droits de donation ne sont pas dus lorsque l’acte intervient entre deux personnes qui ne sont pas résidentes de cet Etat. Tel est, notamment, le cas des Pays-Bas (ainsi que de quelques cantons de Suisse).
C’est ce que l’on appelle communément la « Kaasroute ».
II. ATTENTION TOUT DE MÊME AU DÉLAI DE 3 ANS
Le Code des droits de succession (et le Code flamand de la fiscalité) prévoit que lorsqu’une donation n’a pas été enregistrée, les droits de succession sont dus si le donateur décède dans les trois ans de la donation (voire sept ans dans certains cas particuliers).
A défaut d’enregistrement spontané, celui qui choisissait la « Kaasroute » court donc le risque de payer des droits de succession si le donateur décède dans les trois ans (ou sept ans) de l’acte (sauf à couvrir ce risque par le recours à un contrat d’assurance).
III. PLANIFICATION DANS LE COLLIMATEUR
Depuis quelques années déjà, l’administration fiscale flamande (le VLABEL) tente de lutter contre cette planification permettant de donner sans payer de droit donation, considérant celle-ci comme injustifiée au vu des tarifs des droits de donation mobilière très faibles.
Ainsi, Vlabel avait pris une position aboutissant à ce qu’une donation avec réserve d’usufruit ne puisse plus être réalisée sans procéder à un enregistrement préalable pour échapper in fine au paiement des droits de succession au décès du donateur. Cette position très critiquée a été annulée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 12 juin 2018, la considérant comme contra legem.
C’est dans ce contexte que le législateur fédéral vient au secours des régions en déposant une proposition de loi qui leur sera profitable puisque ce sont les droits de donation aboutissent dans les caisses des régions.
IV. ENREGISTREMENT DES DONATIONS NOTARIÉES UNIQUEMENT
La proposition de loi vise à mettre un terme à la « Route du fromage » en rendant obligatoire l’enregistrement des actes notariés étrangers de donations mobilières.
Toutes les donations ne sont donc pas visées par cette obligation de soumission aux droits de donation.
La proposition vise ici uniquement les donations intervenant par acte authentique, et après l’adoption d’un amendement, uniquement les donations mobilières. .
Autrement dit, un donateur pourra toujours faire don d’objets mobiliers (des tableaux, des meubles, etc.) de manière « manuelle ». Les donations de comptes bancaires ou de sommes d’argent en pleine propriété avec un pacte adjoint (en vue de prévoir, notamment, une clause de retour ou une charge de rente) seront toujours possibles sans devoir soumettre la donation à l’enregistrement, mais toujours avec les conséquences en droits de succession si le donateur décède dans les trois (ou sept) ans.
L’enregistrement relève certes d’une compétence fédérale, mais cette modification profiterait concrètement aux trois régions : toute donation mobilière qui concerne un donateur flamand, wallon ou bruxellois, devrait être enregistrée et entraînera alors nécessairement des droits d’enregistrement qui arrivent dans les caisses des régions.
Cette question de la répartition des compétences entre l’Etat fédéral et les entités fédérées a fait l’objet d’un débat en commission des finances et du budget le 1er juillet suite à un amendement soutenant qu’il s’agit en réalité d’une proposition de loi qui requiert une majorité spéciale (article 77 de la Constitution ) et non pas seulement une majorité simple (article 74 de la Constitution). Cet amendement a toutefois été rejeté au motif qu’une loi ordinaire suffirait pour modifier une obligation formelle d’enregistrement et que la proposition ne toucherait pas à la matière imposable (qui, elle, relève de la compétence des régions).
V. FAUT-IL SE DÉPÊCHER DE FAIRE DES DONATIONS ?
A ce stade, il ne s’agit que d’une proposition de loi qui doit encore être votée par le Parlement. Si elle est adoptée, elle devrait entrer en vigueur au 1er décembre 2020.
Un contribuable qui envisage de procéder à une donation devant notaire hollandais, sans avoir l’obligation de l’enregistrer en Belgique et qui n’a donc pas l’intention de payer les droits de donation, sait à présent qu’il dispose d’un délai jusqu’au 1er décembre pour transmettre tout ou partie de son patrimoine.
Cette évolution vers une obligation d’assujettissement aux droits d’enregistrement peut laisser craindre d’autres « aggravations » du système : (i) l’augmentation du délai de trois ans, déjà annoncé en Flandre, qui passerait à quatre ans, voire même (ii) l’augmentation des taux forfaitaires, si l’enregistrement devient obligatoire.
En pratique, ceci pourrait accroître davantage la concurrence fiscale entre les différentes régions qui pourraient choisir des voies différentes. On rappellera utilement que la région compétente pour prélever les droits de donation est celle dans laquelle le donateur a son domicile fiscale, ce qui pourrait inciter certains contribuables à déménager dans une autre région dont la législation leur serait plus favorable.
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