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Corporate & Corporate Tax

Nouveautés concernant le registre UBO

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Depuis 2019, les sociétés et autres entités juridiques, telles que les A(I)SBL, trusts, fiducies et les constructions juridiques similaires doivent divulguer l’identité de leurs bénéficiaires effectifs dans le registre UBO (Ultimate Beneficial Owners). Des modifications viennent d’être apportées, par un nouvel Arrêté royal du 23 septembre 2020, à l’Arrêté royal du 30 novembre 2018 qui règle les modalités de fonctionnement de ce registre. Ces modifications entrent en vigueur le 11 octobre 2020.  Que faut-il retenir ?

LA COMMUNICATION D’INFORMATIONS PLUS PRÉCISES

  • Pour les bénéficiaires effectifs indirects (lorsqu’une entité juridique se trouve entre le bénéficiaire effectif « personne physique », dont l’identité doit être communiquée, et l’entité juridique qui fait la déclaration UBO), il faut préciser le pourcentage pondéré des actions ou des droits de vote de chaque entité intermédiaire (auparavant, seul le pourcentage pondéré des actions ou droits de vote détenus par une société belge devait être précisé) ;
  • Pour les bénéficiaires effectifs de la deuxième catégorie, c’est à dire ceux qui contrôlent une société belge par le biais d’ « autres moyens » que des participations ou droits de vote, il devient obligatoire de spécifier par quel(s) autre(s) moyen(s) cette société belge est contrôlée ;
  • En outre, tous les redevables de l’information devront fournir les documents qui démontrent que les renseignements relatifs aux bénéficiaires effectifs sont « adéquats, exacts et actuels ».

ACCÈS ILLIMITÉ

L’accès au registre UBO est ouvert aux données actuelles et historiques. Toutefois, l’accès aux documents justifiant du caractère « adéquat, exact et actuel » des informations publiées dans le registre est, fort heureusement, limité aux autorités compétentes et n’est pas accessible au grand public. Cela s’explique par la nature très large des documents qui peuvent être fournis pour prouver l’exactitude des informations relatives aux bénéficiaires effectifs.

ENREGISTREMENT À LA BCE DES TRUSTS ET FIDUCIES

Les trusts, fiduciaires et constructions juridiques similaires, lorsque ce type de structure est tenu à l’identification de ses bénéficiaires économiques, doivent désormais s'inscrire à la Banque Carrefour des Entreprises afin de remplir leurs obligations UBO. De plus, pour les données concernant les A(I)SBL et les fondations, l’accès au registre est élargi à « tout membre du grand public », tout en étant limité à des données spécifiques (les données relatives aux membres du conseil d’administration de ces A(I)SBL, aux personnes chargées de leur gestion journalière, aux fondateurs, etc.). Cela se limite donc à ces informations-là, qui sont de toute façon accessibles. Pour le surplus, il faudra continuer à pouvoir démontrer un intérêt légitime pour avoir accès à l’identité des bénéficiaires.

QUID DES RECOURS ?

Notons encore l’introduction d’une procédure de recours contre les décisions rendues par l’Administration de la Trésorerie (en charge du registre UBO), sur les demandes de limitation de l’accès au registre UBO pour le grand public. Cette limitation peut être demandée lorsqu’un accès « public » au registre exposerait le ou les bénéficiaires effectifs à des risques disproportionnés, à des risques de fraude, d’enlèvement, de chantage, d’extorsion, etc.

Si l’Administration de la Trésorerie refuse de limiter l’accès, après que les bénéficiaires effectifs en aient fait la demande, le redevable de l’information peut introduire, dans les deux mois, une « demande en révision de la décision » et demander à être entendu par l’Administration. Toutefois, cette demande de révision doit être introduite auprès de la même Administration de la Trésorerie, qui aura par définition déjà rejeté cette demande…

DÉNONCIATION ?

Enfin, l’ancienne version de l’Arrêté royal prévoyait une obligation de notification, de la part des entités soumises à la législation anti-blanchiment (en ce compris les avocats), des différences que ces entités constataient entre les informations reprises dans le registre et celles dont elles avaient connaissance.

Le Conseil d’Etat a annulé cette obligation dès lors qu’elle violait le secret professionnel de l’avocat. Le nouvel Arrêté royal a, quant à lui, supprimé purement et simplement cette obligation.


Les nouvelles adaptations de l’Arrêté royal du 30 novembre 2018 rappellent l’importance et l’attention particulière qui doit être portée à ce registre UBO. Une déclaration complète, précise et actualisée parait essentielle.

En témoignent les sanctions applicables (de 250 à 50.000 euros) en cas de non déclaration des informations requises (sanctions qui sont étendues par ailleurs aux trustees et fiduciaires qui ne rempliraient pas leurs obligations).

Rappelons encore que, lorsqu’elles nouent une nouvelle relation d’affaires, les entités assujetties à la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment d’argent, qui ont accès au registre UBO, ont une double obligation : (i) obtenir la preuve de l’enregistrement des bénéficiaires économiques au registre UBO et (ii) prendre des « mesures complémentaires proportionnées » d’identification de cette nouvelle relation d’affaires, en tenant compte du niveau de risque qu’elle présente.

La simple preuve que la nouvelle relation d’affaires a complété le registre UBO ne suffit donc pas et il faudra, à tout le moins, que l’avocat, le notaire, le comptable et tous les autres entités assujetties à cette loi préventive du blanchiment d’argent et qui ont accès au registre UBO, vérifient l’exactitude des données reprises dans ce registre, pour se conformer à leur obligation d’identification des nouvelles relations d’affaires, prévue par la loi du 18 septembre 2017.

Précisons à ce propos que la loi du 20 juillet 2020 (qui transpose la 5ème directive anti-blanchiment) soumet désormais davantage de professions au dispositif préventif : les conseillers fiscaux de manière large, certains marchands d’œuvres d’art, les clubs de football professionnel et agents de joueur, etc. devront désormais eux aussi s’acquitter, entre autres, de l’obligation d’identification de leurs nouvelles relations d’affaires, en obtenant la preuve de l’enregistrement des bénéficiaires effectifs dans le registre UBO…

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La déduction des charges professionnelles d’un immeuble acquis par une société : l’immeuble à la côte est aussi déductible !

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Dans une précédente Tetralert, nous faisions le point sur le caractère professionnel, et donc fiscalement déductible, des charges liées à un immeuble acquis par une société et mis (gratuitement) à disposition de son dirigeant.

La Cour d’appel d’Anvers a rendu une nouvelle décision allant dans le sens d’une possibilité de déduction des frais d’un appartement à la côte belge détenu par une société, à l’instar de ce qu’avait admis la Cour d’appel de Gand en décembre 2019.

Bref rappel – Pour apprécier le caractère déductible ou non des frais supportés par une société pour rémunérer son gérant, par exemple les frais liés à la mise à disposition d’un immeuble, la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 octobre 2016, faisait référence à la théorie de la rémunération.

Selon cette théorie, bien qu’un avantage de toute nature constitue une rémunération de dirigeant (article 32 CIR92), considérée comme un frais professionnel dans le chef de la société (article 195 CIR92), encore faut-il que ces frais répondent aux conditions générales de l’article 49 CIR92, à savoir qu’ils soient supportés par la société en vue d’acquérir ou conserver des revenus. En ce qui concerne les rémunérations, la Cour de cassation considère donc que la société doit être en mesure de prouver la réalité des prestations effectuées par son dirigeant en contrepartie de ces rémunérations.  

Application par les juridictions de fond - Cette jurisprudence avait été suivie de manière assez stricte par les Cours d’appel de Gand et d’Anvers, considérant que les frais relatifs à un immeuble, supportés par la société, servaient uniquement les intérêts privés du gérant et ne lui permettaient donc pas d’acquérir ni conserver des revenus.

A l’inverse, la Cour d’appel de Mons rappelait, dans deux arrêts de mai et août 2019, qu’il n’appartenait pas à l’administration d’apprécier la pertinence et l’importance de la rémunération octroyée par une société à son gérant. Il lui est donc loisible de choisir la voie la moins imposée et bénéficier, entre autres, de l’évaluation forfaitaire de certains avantages de toute nature.

Dans ce contexte, difficile de cerner les contours de la théorie de la rémunération et les éléments permettant de démontrer la réalité des prestations effectuées par le gérant d’une société en contrepartie des avantages de toute nature qu’elle lui attribue.                                                         

Précisions quant aux éléments probants  - Dans son arrêt du 14 janvier 2020, la Cour d’appel d’Anvers accepte non seulement le caractère professionnel des frais relatifs à un appartement à la mer détenu par une société en pleine propriété (en indivision avec son gérant), mais apporte également des précisions bienvenues quant aux éléments permettant de justifier le caractère professionnel de ces frais.

Elle motive sa décision sur la base des éléments de fait avancés par le contribuable. L’avantage de toute nature découlant de la mise à disposition de cet appartement était bien repris sur les fiches individuelles de rémunération du gérant. De plus, le gérant (un dentiste) était la seule personne prestant des activités pour cette société, preuve que la rémunération en nature est bien la contrepartie de prestations réelles. Les revenus générés par ces activités dépassaient le montant des frais liés à l’immeuble mis à sa disposition. Il ne pouvait donc s’agir d’une libéralité consentie par ladite société à son gérant. Enfin, les procès-verbaux de l’assemblée générale de la société précisaient la politique de rémunération du dirigeant, à savoir que son « package » de rémunération comprenait la mise à disposition d’un immeuble.  

Ces différents éléments, idéalement cumulés à des « relevés de prestations » aussi complets que possible, apparaissent donc comme un prescrit minimum mais néanmoins suffisant, en tout cas pour des sociétés à administrateur unique, pour démontrer le caractère professionnel des dépenses supportées pour la mise à disposition d’un immeuble à son gérant.

La rentabilité inhérente à l’immeuble – La Cour d’appel d’Anvers rejoint par ailleurs la jurisprudence récente de la Cour d’appel de Gand (arrêt du 3 décembre 2019 que nous commentions dans notre Tetralert précédente) en constatant que l’immeuble, détenu en pleine propriété par la société, présente un rendement certain pour la société, qui réalisera une plus-value lors de la revente de ce bien.

Alors que la Cour d’appel de Gand avait analysé le retour sur investissement de l’immeuble en cause, la Cour d’appel d’Anvers se fonde ici sur la rentabilité générale du marché immobilier (plus particulièrement celui de la côté belge). Acheté en 2006 par la société, il est incontestable, selon la Cour, que ce bien a pris de la valeur et que la société réalisera un bénéfice à la revente.

La Cour rappelle que ceci diffère des situations où la société n’est qu’usufruitière de l’immeuble.

L’évolution croissante du marché immobilier implique que (presque) tout immeuble contiendrait une sorte de plus-value latente à long terme, justifiant son acquisition par la société, au-delà de l’unique objectif de rémunérer son gérant en contrepartie de ses prestations.

Le libre choix du type de rémunération - Enfin, à l’instar de son homologue montoise, la Cour d’appel d’Anvers rappelle qu’il n’appartient pas à l’administration, ni à la Cour, d’apprécier les causes ou les justifications économiques du choix de tel ou tel type de rémunération.

Ce qui peut sonner comme une évidence ne l’est plus forcément aux yeux de l’administration qui, dans ce type de dossier, à tendance à oublier que chaque contribuable est libre de choisir la voie la moins imposée. Ceci nous parait d’autant plus fondamental que, en l’espèce, cette voie est tracée par le législateur fiscal lui-même lorsqu’il détermine les méthodes d’évaluations forfaitaires de certains avantages de toute nature. En outre, emprunter cette voie est régulièrement validé par le Service des Décisions Anticipées, notamment en matière de plan cafétéria (permettant au personnel d’une société de « troquer » certains aspects de sa rémunération contre des avantages de toute nature, moins fiscalisés).

Bien entendu, à charge de ceux qui souhaitent privilégier des rémunérations en nature de s’assurer du respect des dispositions législatives et des enseignements de la jurisprudence que nous venons de développer.

A ce titre, nous ne pouvons que saluer le fait que les cours d’appel semblent désormais aller dans la même direction... celle de la mer du Nord ?

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LA DÉDUCTION DES CHARGES PROFESSIONNELLES RELATIVES À UN IMMEUBLE ACQUIS PAR UNE SOCIÉTÉ : LE POINT SUR LA QUESTION

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De nombreuses décisions de jurisprudence, notamment de la Cour de cassation, ont créé de véritables difficultés en matière de prévision lorsqu’une société acquiert un immeuble qu’elle met à la disposition de son dirigeant.  D’un rejet fondé sur la théorie de l’objet social à une acceptation basée sur la théorie de la rémunération, un équilibre semble se dessiner même si les contours demeurent assez flous.

Il est toutefois difficile de pouvoir poser avec certitude les règles en la matière, surtout que les juridictions du Nord et du Sud tirent des enseignements assez différents de ces arrêts.

LE PROBLÈME

Bien que la Cour de cassation considère qu’il n’est plus nécessaire d’avoir égard à l’objet social de la société pour apprécier le respect des conditions de l’article 49 CIR92 sur la déduction des frais professionnels et que le fait de rémunérer son dirigeant est en soi une dépense, encore faut-il pouvoir, selon la Cour, démontrer que cet avantage de toute nature (ci-après ATN) rémunère des prestations réellement effectuées (Cass., 14 octobre 2016). Or, selon nous, la règle est toujours la même : les frais dont la déduction est postulée doivent avoir été supportés en vue d’acquérir des revenus ou de les conserver.  Pourquoi la règle serait-elle différente ou plus sévèrement appréciée selon que l’on rémunère son dirigeant par un montant en espèces et/ou par un ATN ?

La jurisprudence de fond est d’ailleurs très élastique quant à l’application de ce principe.

AU NORD

Les Cours d’appel de Gand - le 8 janvier 2019 – et d’Anvers - le 26 mars 2019 – ont fait preuve d’une grande  sévérité dans leur appréciation du caractère effectif des prestations alors  même qu’un avantage en nature était imposé dans le chef du dirigeant, à l’impôt des personnes physiques.  Peu importe que l’ATN soit bien une rémunération et que celle-ci soit déductible dans le chef de la société (conformément à l’article 195 du CIR 92), il faut encore passer le test de l’article 49 du CIR 92 et prouver que la dépense a été supportée en vue d’acquérir ou de conserver des revenus professionnels.  En l’espèce, il faut donc prouver le lien entre la dépense relative à l’immeuble et les prestations effectives fournies par le dirigeant.  Dans ces deux affaires, les Cours d’appel ont considéré que les investissements avaient été effectués dans l’intérêt privé du dirigeant.  En outre, selon elles, arguer de la taxation de l’ATN dans le chef dudit dirigeant ne serait pas un argument en soi mais plutôt une distorsion du système fiscal en vue de servir un intérêt privé.

AU SUD

Au printemps et durant l’été, un vent du sud est néanmoins venu réchauffer le cœur de certains contribuables.  La Cour d’appel de Mons a validé – le 29 mai 2019 - le caractère déductible, dans le chef d’une société, des frais déduits à titre de charge professionnelle et relatifs à un immeuble mis à disposition de ses dirigeants (tels les amortissements, les intérêts, les factures d’eau et d’électricité et le précompte immobilier). Certes, le contrat de gestion conclu entre ceux-ci et la société prévoyait expressément la mise à disposition de l’immeuble en sus d’une rémunération fixe. La Cour a toutefois tenu à rappeler qu’il n’appartient pas à l’administration d’apprécier la pertinence et le montant de la rémunération attribuée au dirigeant, si elle n’est pas excessive (ce dernier point n’était pas soutenu par l’Etat belge en l’espèce).

Le 13 août 2019, dans une affaire relative à la déduction des frais de chauffage et d’électricité d’un immeuble, à la fois pour la partie privée et professionnelle, la même Cour a rappelé le principe du libre choix de la forme de rémunération attribuée au dirigeant. Ce libre choix doit être admis même s’il permet de bénéficier d’un traitement fiscal avantageux, comme un utile rappel de la validité du libre choix de la voie la moins imposée. Enfin, elle confirme que, dans la mesure où l’avantage octroyé au dirigeant a permis d’augmenter sa motivation et par conséquent, pour la société, d’acquérir ou de conserver des revenus, ces frais répondent aux conditions de l’article 49 CIR92 et sont donc déductibles (sans que la Cour se penche sur les mentions d’un éventuel contrat de gestion). 

LA COUR DE CASSATION PERSISTE ET SIGNE

Dans un arrêt du 21 juin 2019, la Cour de cassation a rappelé sa jurisprudence selon laquelle l’objet social ne doit plus nécessairement être pris en compte pour juger de la déductibilité des frais professionnels. Nonobstant, dans cette décision,  elle a refusé la déduction des frais d’acquisition, par une société, d’un droit d’usufruit sur un immeuble (un cabinet dentaire et trois appartements mis en location) détenu par le gérant. La Cour a motivé sa décision en invoquant que l’opération n’avait pas eu pour but d’engendrer des profits dans le chef de la société (à cause d’un emprunt hypothécaire trop élevé par rapport aux rendements locatifs, notamment). L’opération visait en réalité à « servir les intérêts de son gérant ». Les conditions de l’article 49 CIR92 n’étaient donc pas remplies, selon la Cour.

ESPOIR ?

La Cour d’appel de Gand, qui a rendu sa décision le 3 décembre 2019, a - se fondant pourtant sur cette jurisprudence - admis que les frais liés à un appartement à la côte belge, détenu par une société et mis à disposition de son dirigeant, étaient déductibles en l’espèce. 

Dans cet arrêt, la Cour a apprécié l’applicabilité de l’article 53, 9° CIR92, qui empêche la déduction des frais liés aux résidences d’agrément (un appartement à la côte), sauf à ce qu’ils soient nécessités par l’objet social ou compris dans la rémunération imposable de celui qui en bénéficie. Elle rappelle toutefois que la non-applicabilité de cet article n’empêche pas d’avoir égard aux conditions générales de l’article 49 CIR92 pour évaluer la déductibilité des frais.

La Cour procède à cette analyse et rappelle à cette occasion la jurisprudence de la Cour de cassation évoquée ci-dessus. Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre de sa part, elle constate ici que les frais relatifs à un appartement à la côte, s’il est détenu en pleine propriété par une société et repris comme immobilisation corporelle à l’actif du bilan, peuvent être déductibles à l’impôt des sociétés. La Cour précise également que la seule circonstance qu’un investissement est réalisé en vue d’obtenir un gain, même à long terme - par exemple lors de la revente du bien -, répond aux conditions de l’article 49 CIR92.

En l’espèce, la Cour a effectué une véritable analyse du retour sur investissement pour la société, constatant que la valeur de l’immeuble aura certainement doublé lors de la vente de ce dernier, les rendements locatifs faibles (avancés par l’administration) n’étant dès lors pas pertinents.

Elle évoque encore la jurisprudence de la Cour de cassation ci-dessus, a contrario, pour préciser que c’est bien la société qui bénéficiera des retombées économiques puisque, in casu, elle est pleine propriétaire du bien.

L’ART SUBTIL DE PRÉDIRE LA MÉTÉO

Doit-on voir, dans ces arrêts, l’arrivée d’un vent plus doux que celui qui a soufflé sur les immeubles détenus en société durant l’hiver dernier ? Rien n’est moins sûr.  Toutefois, ce qui peut être retenu : (i) il conviendra de se ménager la preuve de l’effectivité de la prestation du dirigeant (en se calquant en réalité sur ce qui est déjà devenu la règle en matière de management fees) et (ii) la société qui investit dans un immeuble doit y avoir un intérêt économique, ce qui sera plus souvent le cas lorsqu’elle acquiert le bien en pleine propriété (fut-ce par la plus-value à long terme) que lorsqu’elle n’en a que l’usufruit et qu’elle n’en tire aucun loyer (de par la mise à disposition).

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DISPOSITIF PREVENTIF DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET DU FINANCEMENT DU TERRORISME : LES ADMINISTRATEURS DOIVENT IDENTIFIER LES BENEFICIAIRES EFFECTIFS ET COMMUNIQUER LEURS INFORMATIONS AU REGISTRE UBO

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Un article 14/1 a été inséré dans le Code des sociétés par la loi du 18 septembre 2017 transposant la quatrième directive AML (ci-après « Directive BC/FT »). Un article 58/11 a, quant à lui, été inséré dans la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les fondations, les partis politiques européens et les fondations politiques européennes.

I. Obligation des administrateurs

Ainsi, les ASBL, les fondations et les sociétés doivent recueillir et conserver des informations adéquates, exactes et actuelles sur qui sont leurs bénéficiaires effectifs. Que vise-t-on ? Au moins le nom, la date de naissance, la nationalité et l’adresse du ou des bénéficiaire(s) effectif(s).

Les administrateurs des ASBL, des fondations et des sociétés devront transmettre, dans le mois, à partir du moment où les informations relatives aux bénéficiaires effectifs sont connues ou modifiées, et ce, par voie électronique, les données collectées au registre des bénéficiaires effectifs, plus communément appelé « registre UBO ».

A défaut d’agir en ce sens, les administrateurs seront punis d’une amende de 50 à 5.000 euros.

Par ailleurs, les administrateurs des personnes morales visées ci-dessus devront bien évidemment communiquer aux entités assujetties  - lorsqu’elles respectent leur obligation d’identification du bénéficiaire effectif - les informations ainsi recueillies, outre les informations sur le propriétaire légal.

Rappelons qu’à défaut d’agir en ce sens, l’entité assujettie ne pourra nouer la relation d’affaires (puisqu’elle ne peut respecter son obligation d’identification du bénéficiaire effectif) et que la question d’une éventuelle déclaration en cas de soupçon de ce chef sera analysée.

II. Bénéficiaires effectifs

La notion de « bénéficiaire effectif », déjà introduite par la loi du 18 janvier 2010 dans le dispositif préventif, a été modifiée et précisée.

Aujourd’hui, la notion de « bénéficiaire effectif » vise trois hypothèses :

(i) la ou les personne(s) physique(s) qui, en dernier ressort, possède(nt) ou contrôle(nt) le client, le mandataire du client ;

(ii) le bénéficiaire des contrats d’assurance-vie ;

(iii) la ou les personne(s) physique(s) pour lesquelles une opération est exécutée ou une relation d’affaires nouée.

Les sociétés, ASBL et les fondations doivent recueillir les informations sur la première catégorie.

Sont considérés comme possédant ou contrôlant en dernier ressort :

(i) Dans les cas des sociétés :

A. La ou les personne(s) physique(s) qui possède(nt), directement ou indirectement, un pourcentage suffisant de droit de vote ou une participation suffisante dans le capital de cette société, y compris au moyen d’actions au porteur.

La Loi dispose que sera considérée comme une participation directe suffisante le fait qu’une personne physique possède plus de 25% des droits de vote ou plus de 25% des actions ou du capital de la société. Cette détention de plus de 25% est un indice de pourcentage suffisant de droit de vote ou de participation directe suffisante.

La Loi dispose en outre qu’une participation détenue par une société contrôlée par une ou plusieurs personne(s) physique(s), ou par plusieurs sociétés qui sont contrôlées par la ou les même(s) personne(s) physique(s), à hauteur de plus de 25% pour des actions ou de plus 25% du capital de la société est un indice de participation indirecte suffisant.

B. La ou les personne(s) physique(s) qui exerce(nt) le contrôle de cette société par d’autres moyens.

L’exercice du contrôle par d’autres moyens peut être établi notamment, précise le texte, conformément aux critères visés à l’article 22, §§1er à 5 de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, ou aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises.

C. Si, après avoir épuisé tous les moyens possibles, et pour autant qu’il n’y ait pas de motif de suspicion, aucune des personnes visées aux points (i) et (ii) n’est identifiée, ou s’il n’est pas certain que la ou les personne(s) identifiée(s) soi(en)t les bénéficiaires effectifs, la ou les personne(s) physique(s) qui occupe(nt) la position de dirigeant principal.

(ii) Dans le cas des associations sans but lucratif et des fondations :

A. Les administrateurs et membres des conseils d’administration ;

B. Les personnes habilitées à la représenter;

C. Les fondateurs des fondations ;

D. Les personnes chargées de la gestion journalière ;

E. Les personnes physiques ou, lorsque ces personnes n’ont pas encore été désignées, la catégorie de personnes physiques dans l’intérêt principal desquelles l’association sans but lucratif ou la fondation a été constituée ou opère;

F. Toute autre personne physique exerçant par d’autres moyens le contrôle en dernier ressort sur l’association sans but lucratif ou la fondation.

III. Registre UBO

Il est créé, au sein de l’administration générale de la Trésorerie du Service Public Fédéral Finances, un service chargé d’un registre centralisé des bénéficiaires effectifs dénommé « registre UBO ».

Nous avons vu que les administrateurs des ASBL, des fondations et des sociétés l’alimenteront. Mais qui y aura accès ? Réponse dans un arrêté royal encore à paraître…

En réalité, la question de l’accès au registre UBO est controversée.

Selon les travaux parlementaires, celui-ci est accordé uniquement aux fins de permettre aux entités assujetties de respecter leurs obligations en matière préventive. Toutefois, dans l’avant-projet de loi-programme, il était prévu de modifier les articles 322 et 338 du CIR 92 pour permettre à l’administration fiscale (i) d’avoir accès audit registre et (ii) d’échanger les informations avec les autorités fiscales étrangères.

IV. Obligation de l’actionnaire ?

L’article 515bis du Code des sociétés a été inséré, pour rappel, par la loi du 18 janvier 2010 implémentant la troisième directive. Cette disposition emporte l’obligation pour toute personne physique ou morale qui acquiert les titres représentatifs ou non du capital, conférant le droit de vote dans des sociétés anonymes (autres que celles soumises à l’obligation de transparence) et qui ont émis des actions au porteur ou dématérialisées, de déclarer à la société, au plus tard le cinquième jour ouvrable suivant le jour de l’acquisition, le nombre de titres qu’elle possède lorsque les droits de vote afférents à ces titres atteignent une quantité de 25% ou plus du total des droits de vote existant au moment de la réalisation de l’opération donnant lieu à la déclaration.

Cette disposition est modifiée et prévoit aujourd’hui que cette obligation pèse sur toute personne physique qui acquiert lesdits titres directement ou indirectement.

V. Conclusion

Le dispositif préventif a été fortement remanié à l’occasion de la transposition de la quatrième directive. La cinquième directive est, quant à elle, en cours de préparation.

L’on constate, en ce qui concerne l’identification du bénéficiaire effectif, que la boucle est bouclée :

(i) l’actionnaire doit déclarer à la société ses participations de plus de 25% ;

(ii) les ASBL, les fondations et les sociétés doivent recueillir les informations exactes, adéquates et utiles concernant leurs bénéficiaires effectifs et doivent les communiquer (i) au registre UBO et (ii) aux entités assujetties lorsqu’elles accomplissent leur obligation d’identification en matière préventive ;

(iii) les entités assujetties ne peuvent nouer la relation d’affaires ni procéder à l’opération si l’identification n’est pas effectuée.

Ainsi, le dispositif préventif du blanchiment d’argent aura amené une transparence.

Celle-ci n’est pas encore suffisante aux yeux de certains Etats qui souhaiteraient que le registre UBO soit accessible bien évidemment à toute autorité fiscale, mais pas uniquement. La France soutient une accessibilité dudit registre à tout tiers, notamment aux journalistes d’investigation…

Affaire à suivre…

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MISE À DISPOSITION GRATUITE D’UN IMMEUBLE PAR UNE SOCIÉTÉ À SON DIRIGEANT : OÙ EN SOMMES-NOUS SUR LA THÉORIE DE LA RÉMUNÉRATION ?

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Tout avantage perçu par un dirigeant de sa société constitue une rémunération.  Tel sera également le cas si la société prend en charge des frais privés. Cet avantage de toute nature sera donc imposé comme tel.  En principe, sur la base de la valeur réelle de l’avantage ainsi octroyé ou, lorsque l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus y déroge, de manière forfaitaire.  Tel sera notamment le cas pour :

  • Les frais de véhicule ;
  • La mise à disposition d’un immeuble ;
  • La prise en charge du chauffage et/ou de l’électricité ;
  • La mise à disposition d’un PC et/ou d’une connexion internet ;
  • Etc.

Il est indéniable que ce mécanisme permet un allégement de la charge fiscale.  L’économie de cette optimisation suppose toutefois que les frais exposés demeurent déductibles dans le chef de la société.  C’est par ce biais que l’administration lutte, depuis de nombreuses années, contre les structures qu’elle juge (trop) abusives.  C’est tout particulièrement vrai pour les sociétés-villas et/ou les frais liés à des immeubles (quasi-)exclusivement affectés à l’usage privé du(des) dirigeant(s).

Après plus de quinze ans d’une jurisprudence manifestement contra legem (point I & II ci-dessous), le nouvel état de la jurisprudence développé par la Cour de cassation, poussée dans le dos par les Cours d’appel d’Anvers et de Gand, est plus inquiétant encore (point III ci-dessous).

I. DE l’ARRÊT DERWA à LA THÉORIE DE LA RÉMUNÉRATION

Le Code des impôts sur les revenus (CIR 92) a toujours prévu qu’une charge est déductible dès lors qu’elle :

  • se rattache à l’activité professionnelle ;
  • a été consentie en vue d’acquérir ou de conserver des revenus ;
  • a été exposée pendant l’exercice imposable ;
  • est établie au moyen de documents probants.

Aussi redoutable que soit déjà cette disposition qui laisse au contribuable l’intégralité de la charge de la preuve, ceci n’avait pas empêché la Cour de cassation d’en renforcer encore la rigueur en limitant les charges déductibles aux dépenses « inhérentes à l'exercice de la profession, c'est-à-dire qu'elles se rattachent nécessairement à l'activité sociale ».

Quoiqu’elle ajoutait une condition à la loi, cette jurisprudence avait conduit la pratique à développer deux pis-aller et ce, en particulier dans le cadre d’opérations d’achat scindé d’immeubles affectés en tout ou en partie à l’usage privé des dirigeants de la société :

II. QUAND LA COUR DECASSATION REVIENT À PLUS DE RIGUEUR, LE GOUVERNEMENT PREND PEUR…

Dans deux arrêts rendus en juin 2015, la Cour de cassation est revenue frontalement sur cette jurisprudence. Elle a considéré, en effet, que l’administration ajoutait une condition à loi lorsqu’elle refusait la déduction d’une dépense au motif que celle-ci aurait pour seul objectif d’obtenir une avantage fiscal et ne serait  donc pas liée à l’objet social de la société qui l’a exposée.

Ce revirement a créé un certain émoi au sein du gouvernement qui prônait, à l’époque, une modification de la loi motivée, selon lui, par le fait que « les constructions dans le cadre desquelles des résidences secondaires sont intégrées dans une société peuvent être contrecarrées moyennant une réécriture de l’article 49 CIR ».

Cette modification législative ne sera peut-être même pas nécessaire…

III. RETOUR DE MANIVELLE

Dans deux arrêts rendus le 14 octobre 2016 - l’un confirmant un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers, l’autre confirmant un arrêt de la Cour d’appel de Gand -, la Cour de cassation est venue fourbir les armes de l’administration.

Elle considère désormais que des frais pris en charge par la société pour son dirigeant et qui constituent une rémunération imposable dans le chef de ce dernier ne sont pas pour autant automatiquement déductibles dans le chef de la société.

Selon cette jurisprudence, encore faut-il que la société qui postule la déduction de ces frais soit en mesure de démontrer que ceux-ci ont été consentis en vue d’acquérir ou de conserver des revenus et qu’ils rémunèrent, par conséquent, des prestations réellement fournies par le dirigeant à la société et dont cette dernière est en mesure d’établir la preuve.

Cette nouvelle jurisprudence interpelle d’autant plus que l’un de ces deux arrêts concernait une société unipersonnelle de médecin dont les frais d’immeubles, constitutifs de rémunération dans le chef du gérant, ont été rejetés au motif que la société n’établissait pas la réalité des prestations fournies…  On imagine mal comment la société a pu, dans le cas d’espèce, générer de quelconques revenus sans ces prestations.

IV. CONCLUSION

Les circonstances dans lesquelles ces décisions ont été rendues interpellent.

La seule manière, selon nous, de comprendre ces décisions sans porter atteinte au principe de non-ingérence de l’administration dans l’opportunité des décisions de gestion d’une société, consiste à faire le lien avec la jurisprudence, par ailleurs constante, de la Cour de cassation en matière de management fees :

  • la réalité des prestations peut être établie sur la base  d’un ensemble d’éléments sans qu’un contrat et des factures non-contestées ne suffisent à cet effet ;
  • l’administration ne peut, cependant et sur cette seule base, remettre en cause le niveau ou la structure de la rémunération ;
  • sauf évidemment, si elle parvient à démontrer que les frais exposés « dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels », mais ceci implique une toute autre démarche.

Ce n’est malheureusement pas la direction adoptée dans les deux ressorts de Cour d’appel qui sont à l’origine de cette jurisprudence.  Un arrêt récent rendu par la Cour d’appel d’Anvers le 28 mars 2017 en témoigne encore.

Espérons donc que la Cour de cassation sera (très) rapidement appelée à clarifier sa jurisprudence et ceci, avec, cette fois, la rigueur qui s’impose.

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