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Nouvelle procédure de rupture du contrat de travail pour force majeure médicale en vigueur depuis le 28 novembre 2022 !

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Dans notre récente Tetralert sur la fin de l’instrumentalisation du trajet de réintégration, nous vous expliquions, d’une part, les modifications apportées au trajet de réintégration, dorénavant appelé le « trajet de réintégration 2.0. », par un arrêté royal du 11 septembre 2022, publié le 20 septembre 2022.

Nous vous parlions, d’autre part, d’un projet de loi déposé à la Chambre le 14 septembre 2022, introduisant, quant à lui, via une modification de l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail (ci-après « la LCT »), une nouvelle procédure spécifique de rupture du contrat de travail pour force majeure médicale.

Dans notre récente Tetralert sur la fin de l’instrumentalisation du trajet de réintégration, nous vous expliquions, d’une part, les modifications apportées au trajet de réintégration, dorénavant appelé le « trajet de réintégration 2.0. », par un arrêté royal du 11 septembre 2022, publié le 20 septembre 2022.

Nous vous parlions, d’autre part, d’un projet de loi déposé à la Chambre le 14 septembre 2022, introduisant, quant à lui, via une modification de l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail (ci-après « la LCT »), une nouvelle procédure spécifique de rupture du contrat de travail pour force majeure médicale.

Ce projet de loi a été adopté en séance plénière de la Chambre le 27 octobre dernier et a été publié au Moniteur Belge le 18 novembre 2022. Le nouvel article 34 de la LCT est donc entré en vigueur 10 jours après sa publication, soit le 28 novembre dernier.

Pour rappel, jusqu’à aujourd’hui, le trajet de réintégration et la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale étaient liés, puisqu’en vertu de l’ancien article 34 de la LCT, le contrat de travail d’un travailleur définitivement inapte ne pouvait être résilié pour force majeure médicale qu’après avoir parcouru un trajet de réintégration. En vertu du nouvel article 34 de la LCT, la rupture pour force majeure médicale ne pourra dorénavant s’envisager qu’après avoir parcouru la nouvelle procédure, distincte du trajet de réintégration.

En déconnectant ainsi le trajet de réintégration de la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale, le gouvernement a résolument opté pour une approche positive, en encourageant l’atteinte de l’objectif principal du trajet de réintégration, à savoir la réintégration des travailleurs malades, et en mettant fin à l’instrumentalisation du trajet de réintégration, trop souvent initié avec l’objectif « caché » d’une rupture du contrat de travail pour force majeure médicale (pour rappel, sans préavis ni indemnité).

 

Retrouvez ci-dessous l'ensemble de la Tetralert.

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Le « deal » pour l’emploi entre en vigueur le 1er janvier 2023 !

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Le jeudi 29 septembre 2022, la Chambre des représentants a approuvé le projet de loi (du 28 septembre 2022, portant dispositions diverses relatives au travail) du gouvernement belge, qui met en œuvre le « deal pour l’emploi ». La loi devrait être publiée sous peu au Moniteur belge pour entrer en vigueur le 1er janvier 2023.

Elle introduit un ensemble de mesures dont l’objectif est double : améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des travailleurs salariés et augmenter le taux d’emploi à 80% d’ici 2030.

Voici un bref aperçu des mesures les plus importantes, qui visent à réformer le marché de l’emploi belge, en modernisant le droit du travail et en y introduisant plus de flexibilité. Nous y consacrerons un prochain article, plus exhaustif, dans notre Tetracademy du mois de décembre.

 

Le jeudi 29 septembre 2022, la Chambre des représentants a approuvé le projet de loi (du 28 septembre 2022, portant dispositions diverses relatives au travail) du gouvernement belge, qui met en œuvre le « deal pour l’emploi ». La loi devrait être publiée sous peu au Moniteur belge pour entrer en vigueur le 1er janvier 2023.

Elle introduit un ensemble de mesures dont l’objectif est double : améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des travailleurs salariés et augmenter le taux d’emploi à 80% d’ici 2030.

Voici un bref aperçu des mesures les plus importantes, qui visent à réformer le marché de l’emploi belge, en modernisant le droit du travail et en y introduisant plus de flexibilité. Nous y consacrerons un prochain article, plus exhaustif, dans notre Tetracademy du mois de décembre.

 

  • Introduction d’une semaine de travail de 4 jours

Pour autant que l’employeur décide d’introduire ce régime dans son règlement de travail, tout travailleur salarié aura dorénavant la possibilité d’opter pour une semaine de travail raccourcie de 4 jours, tout en maintenant sa durée hebdomadaire de travail. L’accord devra être concrétisé dans une convention et vaudra pour une durée de 6 mois (renouvelable). L’employeur devra motiver un éventuel refus.

La durée de travail hebdomadaire restant identique, le raccourcissement de la semaine de travail implique nécessairement des journées de travail plus longues. Dans le cadre de ce régime, il sera donc autorisé de travailler jusqu’à maximum 9,5 h par jour (au lieu de 9h aujourd’hui), afin de maintenir la durée hebdomadaire à 38h. Les entreprises qui ont une durée de travail effective de 40h/semaine (avec l’octroi de 12 jours de récupération), pourront augmenter la durée de travail journalière à maximum 10 heures, moyennant la conclusion d’une convention collective de travail d’entreprise.

  • Alternance d’heures de travail hebdomadaires

Afin de permettre une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle et à condition que l’employeur ait introduit ce régime dans le règlement de travail, les travailleurs salariés pourront alterner une semaine de travail de maximum 45H/semaine (sans dépasser 9H/jour) avec une semaine à durée de travail réduite, tout en respectant la moyenne hebdomadaire de 38H. L’accord devra être concrétisé dans une convention et vaudra pour une durée de 6 mois (renouvelable). Tout refus de l’employeur devra être motivé. Le cycle sera en principe limité à deux semaines consécutives, mais pourra être étendu à quatre semaines pendant les vacances ou en raison de circonstances particulières.

  • Horaires de travail hebdomadaire variables pour les employés à temps partiel

Aujourd’hui, il faut afficher l’horaire des travailleurs à temps partiel avec horaire variable 5 jours ouvrables à l’avance. Ce délai passe à 7 jours. Les dérogations introduites par convention collective de travail sectorielle restent possible, étant entendu que le délai minimum est également porté à 3 jours ouvrables au lieu de 1.

  • Droit à la déconnexion

Chaque entreprise d’au moins 20 travailleurs salariés devra obligatoirement introduire, soit via convention collective de travail d’entreprise soit dans le règlement de travail, les règles applicables en matière de droit à la déconnexion. Par droit à la déconnexion, on entend le droit de ne pas répondre aux appels ou aux courriels après les heures de travail normales ou le week-end.

  • Mesures visant à augmenter le taux d’emploi à 80% d’ici 2030

Afin de renforcer l’employabilité des travailleurs licenciés, le préavis sera dorénavant divisé en deux parties, lorsqu’il a une durée d’au moins 30 semaines. La première partie correspond à 2/3 du délai de préavis, avec un minimum de 26 semaines, tandis que la seconde partie correspond au solde restant du délai. En cas de prestation du préavis, le travailleur licencié pourra dès le début de celui-ci s’absenter du travail avec maintien de sa rémunération, afin de suivre des formations ou du coaching pour une valeur correspondante aux cotisations de sécurité sociale patronales durant cette période. En cas de licenciement moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis, le travailleur devra se rendre disponible pour suivre de telles formations. Ces mesures s’ajoutent aux droits des  travailleurs en matière d’outplacement.

Ces mesures ne s’appliqueront pas lorsque l'employé suit un trajet de transition (cf. infra).

  • Trajet de transition : travailler pour un nouvel employeur pendant la période de préavis

Lorsque l’employeur met fin au contrat de travail moyennant un préavis à prester, il pourra proposer au travailleur, le cas échéant à la demande de ce dernier, de travailler pour un autre employeur-utilisateur durant le préavis, et ce en vue d'un engagement définitif. Le trajet sera organisé par un bureau de travail intérimaire ou les services régionaux de l'emploi. L’accord doit être consigné dans une convention quadripartite (employeur initial, employeur-utilisateur, travailleur et agence).

La durée du trajet de transition sera au maximum égale à la période de préavis (une période minimale doit encore être déterminée par arrêté royal).

Pendant le trajet de transition, l'employeur continuera à payer le salaire, mais pourra l’imputer en tout ou en partie à l'employeur-utilisateur, conformément à l’accord des parties.

Le travailleur et l’employeur utilisateur pourront mettre fin anticipativement au trajet de transition, moyennant le respect d’un préavis calculé sur la base de l’ancienneté acquise depuis le début du trajet. Si le trajet est mené à terme, à défaut d’engager le travailleur via un contrat à durée indéterminée, l'employeur-utilisateur devra lui verser une indemnité de préavis correspondant à la moitié du trajet.

  • Droit individuel à la formation

L’obligation pour l’employeur d’offrir des formations à ses travailleurs ne se calcule plus en moyenne, mais est transformé en un droit individuel de formation de minimum 3 jours en 2022, 4 jours en 2023 et 5 jours par an et par ETP à partir de 2024, étant entendu que les secteurs pourront augmenter ou diminuer le nombre de jours, tout en respectant un minimum de deux jours par travailleur.

Les formations pourront être suivies pendant ou en dehors des heures de travail. Dans le second cas, le travailleur a droit au paiement du salaire normal.

Le plan sera concrétisé dans une CCT, conclue pour une période de deux ans, ou par l'octroi de jours de formation sur le compte de formation individuel, introduit par la loi sur le travail faisable et maniable.

 

Si ces mesures sont certes de nature à introduire plus de flexibilité dans notre législation du travail, notamment en matière de durée du travail, et à permettre une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, il est peu probable qu’elles permettent de faire grimper le taux d’emploi à 80 % d’ici 2030. L’avenir nous en dira plus.

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Le trajet de réintégration - Un processus désormais uniquement utilisé à des fins de réintégration et plus pour constater la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale

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Le 14 septembre 2022, un projet de loi portant des dispositions diverses relatives à l’incapacité de travail a été déposé à la Chambre (ci-après « le Projet de loi »). Il introduit, notamment, un changement de paradigme majeur en matière de fin de contrat de travail pour force majeure médicale, en prévoyant une nouvelle procédure spécifique, nécessitant ainsi une modification de l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail (ci-après « la LCT »).

Le 14 septembre 2022, un projet de loi portant des dispositions diverses relatives à l’incapacité de travail a été déposé à la Chambre (ci-après « le Projet de loi »). Il introduit, notamment, un changement de paradigme majeur en matière de fin de contrat de travail pour force majeure médicale, en prévoyant une nouvelle procédure spécifique, nécessitant ainsi une modification de l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail (ci-après « la LCT »).

L’arrêté royal du 11 septembre 2022 modifiant le Code du bien-être au travail concernant le trajet de réintégration pour les travailleurs en incapacité de travail (ci-après « l’Arrêté Royal »), qui met en œuvre la procédure spécifique prévue par le Projet de loi, a, quant à lui, déjà été publié le 20 septembre dernier, mais ne pourra entrer en vigueur que lorsque l’article 34 de la LCT aura été modifié. Il ne reste donc qu’à attendre l’adoption du Projet de loi.

Dans le numéro 7 de notre Tetracademy, nous passions en revue les différents parcours de remise au travail d’une personne en incapacité de travail, parmi lesquels le « trajet de réintégration », visant à réintégrer les travailleurs malades de longue durée. C’est précisément ce trajet qui est profondément modifié par l’Arrêté Royal, en même temps que la mise en œuvre de la nouvelle procédure de rupture d’un contrat de travail pour force majeure médicale.

 

I. Pour rappel
 

En vertu de l’actuel article 34 de la LCT, le contrat de travail d’un travailleur définitivement inapte ne peut être résilié pour force majeure médicale qu’après avoir parcouru un trajet de réintégration, initié soit par le travailleur, soit par l’employeur ou encore par le médecin-conseil de la mutuelle.

Il se fait que la majorité des trajets initiés ne vise en réalité pas l’objectif premier de cette procédure, à savoir la réintégration effective du travailleur malade, mais la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale.

Le gouvernement a manifestement décidé de mettre fin à cette instrumentalisation du trajet de réintégration, afin que celui-ci puisse atteindre son objectif de réintégration.

C’est ainsi que, dès l’entrée en vigueur du Projet de loi, le trajet de réintégration et la procédure de rupture du contrat de travail pour force majeure médicale seront dissociés l’un de l’autre.

 
II. Nouvelle procédure de rupture du contrat de travail pour force majeure médicale
 

Le nouvel article 34 de la LCT introduira une procédure inédite spécifique de constat de la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale, laquelle ne pourra être mise en œuvre par l’employeur ou par le travailleur qu’après un minimum de 9 mois d’incapacité de travail ininterrompue et pour autant qu’aucun trajet de réintégration ne soit en cours.

Le conseiller en prévention-médecin du travail (« CP-MT ») devra examiner si le travailleur est réellement et définitivement incapable d’effectuer le travail convenu. Dans l’affirmative, le travailleur disposera d’une possibilité de recours dans un délai de 21 jours calendrier. Alternativement, il aura la possibilité de demander au CP-MT d’examiner les possibilités relatives à un travail adapté ou un autre travail au sein de l’entreprise. Dans la négative, la procédure spécifique prendra fin et ne pourra être réinitiée que lorsque le travailleur aura atteint une nouvelle période d’au moins 9 mois d’incapacité de travail ininterrompue.

Il ne pourra être mis fin au contrat de travail du travailleur déclaré définitivement incapable d’effectuer le travail convenu par le CP-MT que dans les trois hypothèses suivantes : (i) lorsque le travailleur n’a pas demandé d’examiner les possibilités relatives à un travail adapté ou à un autre travail, (ii) lorsque l’employeur établit via un rapport motivé l’impossibilité de réintégrer le travailleur dans un travail adapté ou un autre travail, ou encore (iii) lorsque le travailleur refuse le plan de réintégration proposé par l’employeur pour un travail adapté ou un autre travail.

Les modalités concrètes de la procédure spécifique seront intégrées dans le Code du bien-être au travail par l’Arrêté Royal.

 

III. Le nouveau trajet de réintégration
 

Le trajet de réintégration, tel que nous le connaissons aujourd’hui, subit également d’importantes modifications, entrées en vigueur le 1er octobre 2022.

En voici les plus notables :

  • Jusqu’à présent, le trajet de réintégration ne pouvait pas être initié en cas d’incapacité résultant d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, puisqu’il existe une autre procédure spécifique de remise au travail prévue par les législations en matière d’accidents de travail et de maladies professionnelles, pouvant être engagée par l’assureur-loi ou par Fedris (voy. le numéro 7 de notre Tetracademy). Dorénavant, le trajet de réintégration n’est plus exclu en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle, mais ne peut être démarré au plus tôt que lorsque l’incapacité temporaire résultant de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle a pris fin ;
  • Le trajet de réintégration peut dorénavant être initié par le travailleur ou par l’employeur après une période ininterrompue de 3 mois d’incapacité de travail du travailleur (ou en cas de remise d’un certificat d’incapacité définitive émanant du médecin traitant), mais plus par le médecin-conseil de la mutuelle, ce dernier disposant de la possibilité de commencer un Trajet Retour Au Travail, prévu par la loi du 12 décembre 2021 (voy. le numéro 7 de notre Tetracademy) ;
  • Le nombre de décisions que peut prendre le CP-MT à l’issue de l’évaluation de réintégration, passe de cinq à trois, et devront être plus précis :
DECISION A : Possibilité de reprendre, à terme, le travail convenu, le cas échéant avec une adaptation du poste de travail, et d’effectuer entretemps un travail adapté ou un autre travail. Le CP-MT doit décrire les conditions et modalités auxquelles le travail adapté ou l'autre travail, ou encore le poste de travail, doivent répondre sur la base de l'état de santé actuel et le potentiel du travailleur ;
 
DECISION B : Inaptitude définitive à effectuer le travail convenu, mais possibilité d’effectuer un travail adapté ou un autre travail. Ici aussi, le CP-MT doit décrire avec précision à quelles conditions et modalités devront répondre le travail adapté ou l’autre travail ou le poste de travail, tenant compte de l'état de santé actuel et du potentiel du travailleur ;
 
DECISION C : Impossibilité (temporaire) de procéder à une évaluation de réintégration pour des raisons médicales (ex. lorsqu’il n’est pas encore clair si l’incapacité est temporaire ou définitive ou si le travailleur doit encore subir un traitement). Dans ce cas, le trajet de réintégration prend fin et ne pourra être relancé qu’au plus tôt 3 mois après cette décision (sauf autre décision du CP-MT) ;
  • Les obligations de l'employeur lors de l'examen des possibilités de réintégration et de l'élaboration d'un plan de réintégration sont renforcées : il doit tenir compte au maximum des recommandations du CP-MT, de la politique collective de réintégration de l’entreprise et, le cas échéant, du droit à l'aménagement raisonnable pour les personnes handicapées ;
  • Les délais prévus dans le cadre du trajet de réintégration sont désormais explicitement définis en jours calendrier, plutôt qu'en jours ouvrables. Certains délais sont rallongés, tel le délai d’appel de la décision B dans le chef du travailleur, qui passe à 21 jours calendrier (au lieu de 7), et le délai de réponse du travailleur au plan de réintégration proposé par l’employeur qui passe à 14 jours calendrier (au lieu de 5)  ;
  • Le trajet de réintégration prend fin dans les cinq hypothèses suivantes :1) si le travailleur ne réserve aucune suite à l'invitation du CP-MT pour une évaluation de réintégration, à raison de 3 fois dans une période de 3 mois avec un intervalle d'au moins 14 jours calendrier entre chaque invitation ; 2) en cas de décision C du CP-MT ; 3) en cas de rapport motivé de l’employeur attestant de l’impossibilité d’établir un plan de réintégration ; 4) en cas d’acceptation par le travailleur du plan de réintégration ; et enfin 5) en cas de refus par le travailleur du plan de réintégration. La mutuelle sera toujours tenue informée de la fin d’un trajet de réintégration et pourra le cas échéant entamer ou poursuivre un Trajet Retour au Travail.

 

Si l’instauration de ces nouveautés a le mérite d’apporter de la sécurité juridique et de viser une approche positive – en supprimant l’utilisation du trajet de réintégration pour mettre fin au contrat de travail sans préavis ni indemnité plutôt qu’à des fins de réintégration –, il reste que ces avancées ne seront véritablement rencontrées que lorsque l’article 34 de la LCT aura été modifié. Jusqu’à son entrée en vigueur, la situation semble en effet peu claire.

En vertu de l’actuel article 34 de la LCT, une rupture de contrat de travail pour force majeure n’est possible qu’à deux conditions : une incapacité définitive qui empêche le travailleur d’exécuter le travail convenu et un trajet de réintégration mené à son terme. Ce principe, articulé avec le trajet de réintégration tel que modifié au 1er octobre 2022, semble impliquer que, aujourd’hui, la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale ne peut être constatée qu’en présence d’une décision B du CP-MT prise après le 1er octobre 2022, assortie soit d’un rapport motivé de l’employeur attestant de l’impossibilité d’établir un plan de réintégration, soit du refus du travailleur du plan de réintégration proposé par l’employeur.

Dès l’entrée en vigueur du nouvel article 34 de la LCT, la situation devrait cependant se clarifier. La rupture du contrat de travail pour force majeure médicale ne pourra plus intervenir qu’en suivant la procédure spécifique qui y sera prévue et qui sera, en principe, totalement dissociée du (nouveau) trajet de réintégration.

 

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120 HEURES SUPPLÉMENTAIRES VOLONTAIRES ADDITIONNELLES « HEURES DE RELANCE » : APPLICABLES DÈS LE 1ER JUILLET 2021

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En application de l’accord interprofessionnel du 8 juin 2021 et à la demande du Conseil National du Travail, la possibilité de prester 120 heures supplémentaires volontaires est non seulement prolongée pour les secteurs essentiels/cruciaux mais est aussi étendue au reste du secteur privé. Ces heures, anciennement appelées « heures supplémentaires corona », sont désormais nommées « heures de relance ».

Pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2021, les heures supplémentaires volontaires déjà effectuées au cours des 1er et 2e trimestres 2021 dans les secteurs essentiels seront déduites du contingent additionnel de 120 heures supplémentaires de relance. Les employeurs du secteur privé qui ne pouvaient pas user des heures supplémentaires corona peuvent désormais faire usage des 120 heures de relance durant les 3e et 4e trimestres 2021. En 2022, l’intégralité des travailleurs du secteur privé disposera à nouveau de la possibilité d’effectuer 120 heures de relance.

Bien que la base légale ou réglementaire n’ait pas encore été publiée, le S.P.F. Emploi, Travail et Concertation sociale a annoncé le 20 juillet 2021 qu’il accepte l’application immédiate des dispositions relatives aux heures de relance en raison de l’existence de l’accord de principe entre le gouvernement et les partenaires sociaux.

 

Les particularités des heures de relance sont les suivantes :

1. Aucun sursalaire n’est dû pour ces prestations.
2. Aucune cotisation ONSS n’est retenue sur ces heures. L’O.N.S.S. a confirmé le 2 août 2021 que, dès le 1er juillet 2021, ces 120 heures additionnelles sont exonérées de cotisations de sécurité sociale et ne doivent donc pas être déclarées en DmfA.
3. Elles ne sont pas soumises au précompte professionnel. Toutefois, le S.P.F. Finances a précisé le 30 juillet 2021 que le précompte professionnel reste dû sur les heures de relance tant que la législation/réglementation y relative n’est pas en vigueur. Une initiative législative est néanmoins attendue pour donner un effet rétroactif à cette exonération fiscale à compter du 1er juillet 2021.
4. Ces heures ne sont pas prises en compte pour le respect de la limite interne (le nombre maximal d’heures supplémentaires durant une période de référence déterminée) ni pour le calcul de la durée de travail.
5. Ces heures sont totalement indépendantes des 100 heures supplémentaires volontaires au sens de la loi sur le travail faisable et maniable (art. 4 à 7).
6. Le travailleur doit donner son accord par écrit pour les heures de relance et ce pour une période renouvelable de six mois. L'accord doit être conclu expressément et préalablement à la période concernée. Cette obligation ne s'applique pas lorsque le travailleur a déjà donné son accord pour des heures supplémentaires volontaires corona dans les secteurs essentiels (en application de la loi du 20 décembre 2020) et ce, pour la période restante de 6 mois.
 

En conclusion, les heures de relance sont applicables avec effet rétroactif au 1er juillet 2021 dans tout le secteur privé. Elles ne sont pas soumises aux cotisations sociales et ne doivent pas faire l’objet d’une déclaration multifonctionnelle. Par contre, le précompte professionnel est dû sur ces heures tant qu’aucune base légale ou réglementaire n’est entrée en vigueur.

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Bénéficier d’indemnités d’incapacité de travail après l’âge de la pension est à présent possible

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Certains travailleurs, bien qu’étant en incapacité de travail le jour où ils atteignent l’âge de la pension, souhaitent pouvoir continuer leur carrière par la suite, sans prendre leur pension. En l’état actuel des textes normatifs, le passage à l’âge légal de la pension entraîne la perte du droit à des indemnités d’incapacité de travail. C’est pourquoi la plupart se résignaient à prendre leur pension afin de bénéficier d’un revenu de remplacement.

I. Base légale attaquée et ses conséquences

En application de l’article 108, 1°, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994, les indemnités d’incapacité de travail sont refusées au travailleur à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le travailleur atteint l’âge légal de la pension. Par conséquent, le travailleur qui décide de poursuivre sa carrière au-delà de l’âge légal de la pension sans prendre celle-ci et qui atteint l’âge de la pension pendant une période d’incapacité de travail est privé d’indemnités dès le mois suivant et n’a d’autre choix que de prendre sa pension s’il veut bénéficier d’un revenu de remplacement pendant cette période. Il lui est certes toujours possible de ne pas prendre sa pension, de ne bénéficier d’aucun revenu durant l’incapacité de travail et de reprendre son activité professionnelle à l’issue de l’incapacité.

II. Question préjudicielle

Le Tribunal du travail de Liège a eu à connaître d’une affaire où un travailleur était en incapacité de travail depuis un mois et dix jours seulement au moment où il a atteint l’âge de la retraite. Aucun élément ne permettait de constater qu’il ne pourrait pas reprendre le travail dans un délai raisonnable. Il a effectivement repris le travail deux mois et dix-sept jours après avoir atteint l’âge légal de la pension. Ce cas particulier a poussé le Tribunal à poser, à la Cour constitutionnelle, une question préjudicielle relative à l’article 108, 1°, de la loi précitée.

Ladite question préjudicielle porte sur la différence de traitement, créée par l’article 108, 1°, de la loi précitée, entre :

  1. les travailleurs salariés en incapacité de travail qui n’ont pas atteint l’âge de la pension et
  2. les travailleurs qui poursuivent leur carrière au-delà de l’âge légal de la pension sans prendre celle-ci et qui ont atteint cet âge tandis qu’ils étaient en incapacité de travail.

Alors que les premiers peuvent prétendre aux indemnités d’incapacité de travail tant que leur incapacité de travail dure, les seconds en sont privés à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel ils ont atteint l’âge légal de la pension et sont contraints, pour bénéficier d’un revenu de remplacement, de faire valoir leur droit à la pension. De ce fait, ils ne peuvent plus, non plus, se constituer des droits supplémentaires à la pension de retraite. En effet, l’exercice d’une activité professionnelle autorisée après la prise de la pension ne constitue aucun droit de pension supplémentaire.

III. Arrêt du 1er juillet 2021 de la Cour Constitutionnelle

Dans son arrêt du 1er juillet 2021, la Cour Constitutionnelle constate que l’article 108, 1° en cause utilise uniquement le moment auquel les intéressés atteignent l’âge de la pension comme point de référence pour calculer le délai au terme duquel les indemnités d’incapacité de travail prennent fin. Ce faisant, le législateur ne tient pas compte de la durée et de la nature de l’incapacité de travail ni de la faculté du travailleur de reprendre le travail dans un délai raisonnable. Le simple fait qu’une personne atteigne l’âge légal de la pension durant une période d’incapacité de travail aussi brève soit-elle ne permet pas, en soi, de considérer qu’il souhaite prendre sa pension de retraite.

La Cour admet que la différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir l’âge légal de la pension, et est pertinente eu égard à l’objectif poursuivi par le législateur, c’est-à-dire réserver les fonds collectifs de l’assurance maladie-invalidité aux cas dans lesquels la sécurité d’existence de la population active est compromise. Cependant, la Cour conclut que l’article 108,1° produit des effets disproportionnés, en ce que, dès le premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’âge légal de la pension est atteint, il prive des indemnités d’incapacité de travail les personnes qui choisissent de ne pas prendre immédiatement leur pension de retraite, notamment afin de continuer à se constituer des droits à la pension, et à l’égard desquelles aucun élément ne permet de considérer qu’elles ne pourront pas reprendre le travail dans un délai raisonnable.

A ce titre, l’article en cause n’est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution. La Cour donne ainsi une réponse affirmative à la question préjudicielle du Tribunal du travail de Liège.

Conclusion

Grâce à cet arrêt, il sera possible pour un travailleur de bénéficier d’un revenu de remplacement durant son incapacité de travail au-delà de l’âge de la retraite. Il pourra par la suite poursuivre sa carrière et continuer à se créer des droits supplémentaires à la pension de retraite bien qu’il soit en incapacité de travail au moment où il atteint l’âge légal de la pension.

Toutefois, il y a lieu de se demander si cela ne risque pas de créer des abus. En effet, sans limite définie de l’octroi des indemnités d’incapacité de travail, certains pourraient être tentés de ne pas prendre leur pension de retraite, même s’ils ne souhaitent en réalité aucunement reprendre leur carrière par la suite, pour continuer à :

  1. bénéficier de ces indemnités, dont le montant est parfois plus élevé que celui de la pension, et
  2. se constituer des droits supplémentaires à la pension. En effet, les périodes d’incapacité de travail pour cause de maladie ou d’invalidité sont assimilées à des périodes de travail pour la constitution des droits à la pension.

Le législateur devrait intervenir afin d’établir une nouvelle limite à l’octroi des indemnités d’incapacité de travail en utilisant un autre critère que celui de l’atteinte de l’âge légal de la pension. Il pourrait notamment s’agir du critère mentionné par la Cour Constitutionnelle, à savoir la possibilité de reprendre un travail dans un délai raisonnable.

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Vigilance de mise en cas de succession alternée de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement !

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Règlementation distincte pour les contrats de travail conclus à durée déterminée (ou pour un travail nettement défini) et les contrats de remplacement

Les contrats conclus à durée déterminée ou pour un travail nettement défini et les contrats de remplacement sont des contrats de nature différente, qui sont, en droit belge, soumis à des règles différentes, notamment en matière de résiliation.

Un contrat de travail conclu à durée déterminée ou pour un travail nettement défini (ci-après « CDD ») est un contrat de travail qui suppose l’indication d’un jour déterminé ou d’un événement devant se produire à une date fixe, après lesquels les parties sont déchargées de leurs obligations réciproques, sauf tacite reconduction. Le contrat de travail prend automatiquement fin à l’expiration du terme ou à l’achèvement du travail convenu, sans préavis ni indemnité.

Afin d’assurer une stabilité d’emploi aux travailleurs engagés sur la base de ce type de contrats temporaires, la loi relative aux contrats de travail (« la LCT ») interdit la succession de ces contrats, sans interruption attribuable au travailleur entre eux, sauf si l’employeur prouve que la conclusion de ce type de contrats temporaires est justifiée par la nature du travail ou par d’autres raisons légitimes (art. 10 LCT). À défaut pour l’employeur d’apporter cette preuve, ces contrats sont qualifiés de contrat conclu pour une durée indéterminée et il ne pourra y être mis fin que moyennant le respect du préavis légal ou le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.

Afin toutefois d’octroyer une certaine flexibilité aux employeurs dans le cadre de l’organisation de leur travail, la LCT prévoit une exception à cette interdiction, en permettant la succession de (i) maximum quatre contrats à durée déterminée (ou pour un travail nettement défini), dont la durée ne peut chaque fois être inférieure à trois mois, pour une durée maximum totale de deux ans OU (ii) moyennant l’autorisation préalable de l’inspection sociale, de contrats dont la durée ne peut chaque fois être inférieure à six mois, pour une durée maximum totale de trois ans (art. 10bis LCT)

Un contrat de remplacement est un contrat de travail qui tend au remplacement d’un travailleur dont le contrat de travail est suspendu et dont le retour dans l’entreprise ne peut être déterminé dans le temps de manière exacte. Un contrat de remplacement peut être conclu pour une durée indéterminée, si l’événement qui doit mettre fin au remplacement est déterminé mais pas le moment précis de sa survenance, ou pour une durée déterminée, lorsque le moment de la fin du remplacement est fixé. À l’instar des CDD, la LCT prévoit également, en raison de la ratio legis particulière du contrat de remplacement, une dérogation aux règles relatives aux délais de préavis applicables aux contrats de travail à durée indéterminée, en ce qu’elle permet aux parties de prévoir que le contrat prendra fin moyennant le respect d’un délai de préavis abrégé ou sans délai de préavis, lorsque la cause du remplacement prend fin ou qu’il est mis fin au contrat du travailleur remplacé.

Que le contrat de remplacement soit conclu à durée déterminée ou indéterminée, il ne peut dépasser une durée de deux ans, et ce qu’il s’agisse d’un contrat ou d’une succession de contrats de remplacement (art. 11 ter LCT). En cas de dépassement de cette durée de deux ans, le contrat de remplacement est soumis aux mêmes conditions que les contrats conclus pour une durée indéterminée et il ne pourra y être mis fin que moyennant le respect du préavis légal ou le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.

➔ Une succession de CDD est limitée à une durée de deux ans (ou trois ans moyennant autorisation préalable de l’inspection sociale), sauf si la nature du travail ou d’autres raisons légitimes le justifient

➔ Une succession de contrats de remplacement est autorisée pour une durée maximale de deux ans

Quid en cas de succession alternée de CDD et de contrats de remplacement ?

Il était admis jusqu’il y a peu que, en raison de leur nature et règlementation différentes, les règles des CDD successifs ne s’appliquent pas en cas de succession de CDD et de contrats de remplacement.

A ce jour, nous nous pouvons encore lire sur le site du SPF Emploi Travail et Concertation Sociale que cette forme de succession reste autorisée, pour autant qu’elle n’ait pas pour objectif de contourner les dispositions impératives de la loi relative aux contrats de travail, illustré avec l’exemple suivant :

  • du 01/01/2014 au 31/03/2014 : contrat à durée déterminée (CDD);
  • du 01/04/2014 au 15/05/2014 : contrat de remplacement;
  • du 16/05/2014 au 31/08/2014 : contrat à durée déterminée (CDD);
  • du 01/09/2014 au 31/12/2014 : contrat à durée déterminée (CDD). 

Il y est expliqué que la chaîne des CDD a été interrompue par la conclusion du deuxième contrat, qui est un contrat de remplacement à durée indéterminée, et que, par conséquent, la succession des CDD ne reprend qu’à la conclusion du troisième contrat conclu à durée déterminée. Concrètement, dans l’exemple donnée, la succession des CDD pourrait donc encore se poursuivre jusqu’au 15 mai 2016. Au-delà de cette date, le contrat devient un CDI.

Mais la Cour Constitutionnelle en a décidé autrement

Dans une affaire soumise à la Cour du travail de Gand, division Bruges, un travailleur avait été occupé depuis 2001 de manière ininterrompue via des CDD et contrats de remplacement successifs. Son employeur l’avait licencié en octobre 2017 moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis correspondant à la rémunération restant à courir jusqu’à la date de fin du CDD en cours, le 31 décembre 2017. Le travailleur avait réclamé une indemnité compensatoire de préavis complémentaire affirmant qu’il était question d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis 2001.

À la question, posée par la Cour du travail à la Cour Constitutionnelle, de savoir si les règlementations distinctes applicables aux CDD et aux contrats de remplacement violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les « interdictions » de conclure des CDD ou des contrats de remplacement successifs ne peuvent être appliquées lorsqu’il y a une succession alternée de CDD et de contrats de remplacement, la Cour Constitutionnelle a répondu par la positive dans un arrêt du 17 juin dernier.

Compte tenu de l’objectif poursuivi par ces réglementations d’assurer la stabilité de l’emploi et de protéger le travailleur contre le recours abusif de l’employeur à des CDD successifs, la Cour Constitutionnelle a jugé qu’il n’est pas raisonnablement justifié que cette garantie s’applique uniquement soit en cas de CDD successifs, soit en cas de contrats de remplacement successifs, mais pas dans le cas d’une succession de CDD et de contrats de remplacement.

Le législateur devra donc adapter la réglementation actuelle. Dans cette attente, les juridictions belges ne peuvent plus appliquer la réglementation qualifiée d’inconstitutionnelle.

➔ Dans l’attente de l’intervention du législateur belge, il est dorénavant déconseillé de recourir à une succession alternée de CDD et de contrats de remplacement pour une durée dépassant deux ans. En cas de litige, les juridictions belges devront appliquer les règles applicables aux contrats de travail conclus à durée indéterminée, notamment en matière de préavis.

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NOUVEAUTÉ - LE CERTIFICAT D’APTITUDE AU TRAVAIL

Département : 

Sous sa forme actuelle, le certificat médical a des effets pervers. Il implique un choix binaire (être malade ou être au travail) et a pour conséquence que, dans de nombreux cas, les travailleurs attendent plus longtemps que nécessaire avant de reprendre le travail.  Ceci présente évidemment des inconvénients majeurs pour le travailleur comme pour l’employeur : la réinsertion sur le marché du travail se complique au fil du temps, le revenu du travailleur diminue et l’employeur doit investir dans le salaire garanti d’un travailleur inactif et dans le recrutement de son remplaçant, qui doit éventuellement être formé.

En 2018, le trajet de réintégration avait précisément été instauré avec l’objectif de réinsérer les travailleurs en incapacité (de longue durée ou non). Force est de constater que cet objectif n’est que très partiellement atteint. En effet, 67 % des trajets de réintégration ont mené à la fin du contrat de travail pour force majeure médicale depuis l’entrée en vigueur du trajet et seuls 20% de ces trajets se concluent par un retour effectif dans l’entreprise.

Pour tenter de résoudre ce problème, une proposition de loi a été déposée à la Chambre afin que soit instauré un certificat d'aptitude au travail qui faciliterait la reprise rapide du travail par les travailleurs malades.

ORIGINE

Cette idée vient du Royaume-Uni où un certificat d’aptitude au travail (fit note) a été lancé en 2010 dans le but de transformer le certificat de maladie traditionnel (sick note) en un certificat qui incite davantage à la reprise du travail. Cela a été bien accueilli par les médecins généralistes et les employeurs de ce pays.

Au Royaume-Uni, près de 7,3 % des certificats d’aptitude au travail délivrés en septembre 2019 mentionnaient que l’exercice d’un travail adapté ou d’un autre travail était possible durant la période de maladie (maybe fit for work), les 92,7 % restants comportant la mention contraire (not fit for work). Sur les 7,3 % de travailleurs ayant reçu, au travers d’un certificat d’aptitude au travail, un avis favorable à l’exercice d’un travail adapté ou d’une autre fonction, environ 51 % ont reçu un avis recommandant l’exercice de tâches aménagées, 31 % un avis recommandant l’aménagement de leurs horaires de travail, 29 % un avis recommandant un retour progressif au travail, et 15 % un avis recommandant l’aménagement de leurs lieux de travail. Dans 13 % des cas environ, le médecin généraliste n’a formulé aucun avis spécifique. La fit note n’a donc pas encore atteint tout son potentiel.  C’est pourquoi, en Belgique, la proposition de loi déposée insiste sur le besoin de sensibilisation des acteurs concernés afin de maximiser l’utilisation du certificat d’aptitude au travail.

UN CERTIFICAT DE PLUS ?

Précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un certificat distinct du certificat médical actuel mais plutôt de l’intégration d’une nouvelle rubrique au sein de ce dernier. Concrètement, un espace libre permettra au médecin généraliste de décrire succinctement, en utilisant ses propres mots, les alternatives de travail possibles. Ce dispositif pourrait éventuellement être complété par une rubrique où seraient cochées les options « inapte au travail » et « apte au travail moyennant (conditions) ».

QUEL AVANTAGE ?

Le certificat d’aptitude au travail informera l’employeur et le travailleur concernant les possibilités subsistantes et les limitations en matière d’emploi et les incitera à envisager un travail adapté ou un autre travail pendant la période d’incapacité. Ledit certificat ne sera pas contraignant et laissera ainsi de la liberté et de la flexibilité aux acteurs concernés.

AVIS DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE

Le médecin généraliste devra se forger un avis sur la possibilité d’une reprise du travail sur la base d’un entretien avec son patient et de questions concrètes. Il pourra ensuite formuler, dans le certificat d’aptitude au travail, une proposition autorisant le retour du patient au travail sous la forme (1) d’un retour progressif, (2) d’un aménagement de son horaire de travail, (3) d’un aménagement des tâches, ou (4) d’un aménagement de son lieu de travail.

Il  devra formuler les modalités de ce retour au travail plus concrètement dans un avis spécifique. Cependant, il ne sera évidemment pas possible pour lui de transposer ses recommandations dans la pratique sur le lieu de travail. L’employeur et le travailleur devront donc se concerter pour concrétiser eux-mêmes l’éventuelle reprise du travail (avec la potentielle contribution du médecin du travail). Ils pourront s’accorder sur une base totalement spontanée et informelle. Cela pourrait donner lieu à une visite de pré-reprise du travail. Un trajet de réintégration pourrait également être envisagé.

SUPPRESSION DU DELAI D’ATTENTE DE L’EMPLOYEUR POUR ENTAMER UN TRAJET DE RÉINTEGRATION

La proposition de loi supprime le délai d’attente de quatre mois d’incapacité du travailleur pour entamer un trajet de réintégration à l’initiative de l’employeur. Un tel délai est contre-productif car les experts indiquent que les travailleurs sont beaucoup plus difficiles à réintégrer sur le marché du travail lorsqu’ils restent chez eux durant trois mois.

MAINTIEN DU SALAIRE GARANTI EN CAS DE REPRISE PARTIELLE DU TRAVAIL

Cette proposition de loi promeut aussi la reprise partielle du travail plus rapidement. Actuellement, reprendre le travail à temps partiel durant les trente premiers jours de l’incapacité de travail fait perdre le droit au salaire garanti. Pour y remédier, la proposition de loi permet à tout travailleur en incapacité de travail de reprendre partiellement le travail tout en conservant son salaire garanti durant la première période de trente jours.


La proposition de loi n’entrerait en vigueur que douze mois après sa publication au Moniteur belge. Ce délai permettrait de donner suffisamment de temps aux décideurs politiques et aux administrations pour élaborer, en pratique, le certificat d’aptitude au travail et laisserait également au gouvernement le temps d’organiser la sensibilisation, la formation et le soutien nécessaires pour permettre aux médecins généralistes et aux employeurs (et aux travailleurs) de se familiariser avec le certificat d’aptitude au travail.  Cette innovation pourrait alors pleinement sortir ses effets.

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Nouveautés concernant le registre UBO

Département : 

Depuis 2019, les sociétés et autres entités juridiques, telles que les A(I)SBL, trusts, fiducies et les constructions juridiques similaires doivent divulguer l’identité de leurs bénéficiaires effectifs dans le registre UBO (Ultimate Beneficial Owners). Des modifications viennent d’être apportées, par un nouvel Arrêté royal du 23 septembre 2020, à l’Arrêté royal du 30 novembre 2018 qui règle les modalités de fonctionnement de ce registre. Ces modifications entrent en vigueur le 11 octobre 2020.  Que faut-il retenir ?

LA COMMUNICATION D’INFORMATIONS PLUS PRÉCISES

  • Pour les bénéficiaires effectifs indirects (lorsqu’une entité juridique se trouve entre le bénéficiaire effectif « personne physique », dont l’identité doit être communiquée, et l’entité juridique qui fait la déclaration UBO), il faut préciser le pourcentage pondéré des actions ou des droits de vote de chaque entité intermédiaire (auparavant, seul le pourcentage pondéré des actions ou droits de vote détenus par une société belge devait être précisé) ;
  • Pour les bénéficiaires effectifs de la deuxième catégorie, c’est à dire ceux qui contrôlent une société belge par le biais d’ « autres moyens » que des participations ou droits de vote, il devient obligatoire de spécifier par quel(s) autre(s) moyen(s) cette société belge est contrôlée ;
  • En outre, tous les redevables de l’information devront fournir les documents qui démontrent que les renseignements relatifs aux bénéficiaires effectifs sont « adéquats, exacts et actuels ».

ACCÈS ILLIMITÉ

L’accès au registre UBO est ouvert aux données actuelles et historiques. Toutefois, l’accès aux documents justifiant du caractère « adéquat, exact et actuel » des informations publiées dans le registre est, fort heureusement, limité aux autorités compétentes et n’est pas accessible au grand public. Cela s’explique par la nature très large des documents qui peuvent être fournis pour prouver l’exactitude des informations relatives aux bénéficiaires effectifs.

ENREGISTREMENT À LA BCE DES TRUSTS ET FIDUCIES

Les trusts, fiduciaires et constructions juridiques similaires, lorsque ce type de structure est tenu à l’identification de ses bénéficiaires économiques, doivent désormais s'inscrire à la Banque Carrefour des Entreprises afin de remplir leurs obligations UBO. De plus, pour les données concernant les A(I)SBL et les fondations, l’accès au registre est élargi à « tout membre du grand public », tout en étant limité à des données spécifiques (les données relatives aux membres du conseil d’administration de ces A(I)SBL, aux personnes chargées de leur gestion journalière, aux fondateurs, etc.). Cela se limite donc à ces informations-là, qui sont de toute façon accessibles. Pour le surplus, il faudra continuer à pouvoir démontrer un intérêt légitime pour avoir accès à l’identité des bénéficiaires.

QUID DES RECOURS ?

Notons encore l’introduction d’une procédure de recours contre les décisions rendues par l’Administration de la Trésorerie (en charge du registre UBO), sur les demandes de limitation de l’accès au registre UBO pour le grand public. Cette limitation peut être demandée lorsqu’un accès « public » au registre exposerait le ou les bénéficiaires effectifs à des risques disproportionnés, à des risques de fraude, d’enlèvement, de chantage, d’extorsion, etc.

Si l’Administration de la Trésorerie refuse de limiter l’accès, après que les bénéficiaires effectifs en aient fait la demande, le redevable de l’information peut introduire, dans les deux mois, une « demande en révision de la décision » et demander à être entendu par l’Administration. Toutefois, cette demande de révision doit être introduite auprès de la même Administration de la Trésorerie, qui aura par définition déjà rejeté cette demande…

DÉNONCIATION ?

Enfin, l’ancienne version de l’Arrêté royal prévoyait une obligation de notification, de la part des entités soumises à la législation anti-blanchiment (en ce compris les avocats), des différences que ces entités constataient entre les informations reprises dans le registre et celles dont elles avaient connaissance.

Le Conseil d’Etat a annulé cette obligation dès lors qu’elle violait le secret professionnel de l’avocat. Le nouvel Arrêté royal a, quant à lui, supprimé purement et simplement cette obligation.


Les nouvelles adaptations de l’Arrêté royal du 30 novembre 2018 rappellent l’importance et l’attention particulière qui doit être portée à ce registre UBO. Une déclaration complète, précise et actualisée parait essentielle.

En témoignent les sanctions applicables (de 250 à 50.000 euros) en cas de non déclaration des informations requises (sanctions qui sont étendues par ailleurs aux trustees et fiduciaires qui ne rempliraient pas leurs obligations).

Rappelons encore que, lorsqu’elles nouent une nouvelle relation d’affaires, les entités assujetties à la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment d’argent, qui ont accès au registre UBO, ont une double obligation : (i) obtenir la preuve de l’enregistrement des bénéficiaires économiques au registre UBO et (ii) prendre des « mesures complémentaires proportionnées » d’identification de cette nouvelle relation d’affaires, en tenant compte du niveau de risque qu’elle présente.

La simple preuve que la nouvelle relation d’affaires a complété le registre UBO ne suffit donc pas et il faudra, à tout le moins, que l’avocat, le notaire, le comptable et tous les autres entités assujetties à cette loi préventive du blanchiment d’argent et qui ont accès au registre UBO, vérifient l’exactitude des données reprises dans ce registre, pour se conformer à leur obligation d’identification des nouvelles relations d’affaires, prévue par la loi du 18 septembre 2017.

Précisons à ce propos que la loi du 20 juillet 2020 (qui transpose la 5ème directive anti-blanchiment) soumet désormais davantage de professions au dispositif préventif : les conseillers fiscaux de manière large, certains marchands d’œuvres d’art, les clubs de football professionnel et agents de joueur, etc. devront désormais eux aussi s’acquitter, entre autres, de l’obligation d’identification de leurs nouvelles relations d’affaires, en obtenant la preuve de l’enregistrement des bénéficiaires effectifs dans le registre UBO…

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UPDATE - CLAP DE FIN POUR LES DONATIONS NOTARIÉES HOLLANDAISES LE 1ER DÉCEMBRE 2020 ?

Département : 

Dans une précédente TETRALERT, nous vous indiquions qu’une proposition de loi déposée le 17 juin dernier (Ecolo/Groen/CD&V/Spa/PS) prévoit l’obligation de soumettre tous les actes de donations notariés à l’enregistrement., y compris donc les actes notariés hollandais ou suisses par exemple.

A ce stade, la loi n’est toujours pas votée. En tout état de cause, suite à un amendement adopté lors de la deuxième lecture de la proposition de loi, l’entrée en vigueur de l’obligation d’enregistrement a été reportée au 1er décembre 2020, et non plus dix jours après la publication au Moniteur belge.

Si cette proposition est entérinée par le Parlement, cela signifierait donc la fin des actes notariés effectuées aux Pays-Bas pour éviter de payer en Belgique les droits d’enregistrement de 3%, 3,3%,5,5% ou 7% sur une donation mobilière.

La postposition au 1er décembre 2020 a au moins le mérite de permettre au contribuable de pouvoir encore planifier et organiser une planification de manière plus sereine que dans la précipitation.

I. LE PRINCIPE

Tout acte de notaire belge doit être nécessairement soumis à l’enregistrement. Il s’agit d’une règle du Code des droits d’enregistrement.

Par ailleurs, le Code civil impose, à peine nullité, que toute donation directe (et tel sera, par exemple, nécessairement le cas d’une donation avec réserve d’usufruit) intervienne par acte authentique. La combinaison de ces deux règles entraînera nécessairement, si la donation intervient devant un notaire belge, la soumission de l’acte aux droits de donation.

Depuis des décennies, le contribuable belge a réussi à échapper à cette taxation obligatoire, tout en respectant les règles du Code civil. La solution consiste à faire acter la donation par un notaire à l’étranger, mais pas dans n’importe quel pays toutefois : il fallait se rendre dans un Etat dans lequel des droits de donation ne sont pas dus lorsque l’acte intervient entre deux personnes qui ne sont pas résidentes de cet Etat. Tel est, notamment, le cas des Pays-Bas (ainsi que de quelques cantons de Suisse).

C’est ce que l’on appelle communément la « Kaasroute ».

II. ATTENTION TOUT DE MÊME AU DÉLAI DE 3 ANS

Le Code des droits de succession (et le Code flamand de la fiscalité) prévoit que lorsqu’une donation n’a pas été enregistrée, les droits de succession sont dus si le donateur décède dans les trois ans de la donation (voire sept ans dans certains cas particuliers).

A défaut d’enregistrement spontané, celui qui choisissait la « Kaasroute » court donc le risque de payer des droits de succession si le donateur décède dans les trois ans (ou sept ans) de l’acte (sauf à couvrir ce risque par le recours à un contrat d’assurance).

III. PLANIFICATION DANS LE COLLIMATEUR

Depuis quelques années déjà, l’administration fiscale flamande (le VLABEL) tente de lutter contre cette planification permettant de donner sans payer de droit donation, considérant celle-ci comme injustifiée au vu des tarifs des droits de donation mobilière très faibles.

Ainsi, Vlabel avait pris une position aboutissant à ce qu’une donation avec réserve d’usufruit ne puisse plus être réalisée sans procéder à  un enregistrement préalable pour échapper in fine au paiement des droits de succession au décès du donateur. Cette position très critiquée a été annulée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 12 juin 2018, la considérant comme contra legem.

C’est dans ce contexte que le législateur fédéral vient au secours des régions en déposant une proposition de loi qui leur sera profitable puisque ce sont les droits de donation aboutissent dans les caisses des régions. 

IV. ENREGISTREMENT DES DONATIONS NOTARIÉES UNIQUEMENT

La proposition de loi vise à mettre un terme à la « Route du fromage » en rendant obligatoire l’enregistrement des actes notariés étrangers de donations mobilières.

Toutes les donations ne sont donc pas visées par cette obligation de soumission aux droits de donation.

La proposition  vise ici uniquement les donations intervenant par acte authentique, et après l’adoption d’un amendement, uniquement les donations mobilières. .

Autrement dit,  un donateur pourra toujours faire don d’objets mobiliers (des tableaux, des meubles, etc.) de manière « manuelle ». Les donations de comptes bancaires ou de sommes d’argent en pleine propriété avec un pacte adjoint (en vue de prévoir, notamment, une clause de retour ou une charge de rente) seront toujours possibles sans devoir soumettre la donation à l’enregistrement, mais toujours avec les conséquences en droits de succession si le donateur décède dans les trois (ou sept) ans.

L’enregistrement relève certes d’une compétence fédérale, mais cette modification profiterait concrètement aux trois régions : toute donation mobilière qui concerne un donateur flamand, wallon ou bruxellois, devrait être enregistrée et entraînera alors nécessairement des droits d’enregistrement qui arrivent dans les caisses des régions.

Cette question de la répartition des compétences entre l’Etat fédéral et les entités fédérées a fait l’objet d’un débat en commission des finances et du budget le 1er juillet suite à un amendement soutenant qu’il s’agit en réalité d’une proposition de loi qui requiert une majorité spéciale (article 77 de la Constitution ) et non pas seulement une majorité simple (article 74 de la Constitution). Cet amendement a toutefois été rejeté au motif qu’une loi ordinaire suffirait pour modifier une obligation formelle d’enregistrement et que la proposition ne toucherait pas à la matière imposable (qui, elle, relève de la compétence des régions).  

V. FAUT-IL SE DÉPÊCHER DE FAIRE DES DONATIONS ?

 

A ce stade, il ne s’agit que d’une proposition de loi qui doit encore être votée par le Parlement. Si elle est adoptée, elle devrait entrer en vigueur au 1er décembre 2020.  

Un contribuable qui envisage de procéder à une donation devant notaire hollandais, sans avoir l’obligation de l’enregistrer en Belgique et qui n’a donc pas l’intention de payer les droits de donation,  sait à présent qu’il dispose d’un délai jusqu’au 1er décembre pour transmettre tout ou partie de son patrimoine.

 

Cette évolution vers une obligation d’assujettissement aux droits d’enregistrement peut laisser craindre d’autres « aggravations » du système : (i) l’augmentation du délai de trois ans, déjà annoncé en Flandre, qui passerait à quatre ans, voire même (ii) l’augmentation des taux forfaitaires, si l’enregistrement devient obligatoire.

En pratique, ceci pourrait accroître davantage la concurrence fiscale entre les différentes régions qui pourraient choisir des voies différentes. On rappellera utilement que la région compétente pour prélever les droits de donation est celle dans laquelle le donateur a son domicile fiscale, ce qui pourrait inciter certains contribuables à déménager dans une autre région dont la législation leur serait plus favorable.


N’hésitez pas à nous contacter pour toute question : rt@tetralaw.com.
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TOUTES LES DONATIONS MOBILIÈRES NOTARIÉES BIENTÔT SOUMISES OBLIGATOIREMENT AUX DROITS DE DONATION ?

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Une proposition de loi déposée le 17 juin dernier (Ecolo/Groen/CD&V/Spa/PS) prévoit l’obligation de soumettre tous les actes de donations notariés à l’enregistrement.

Si cette proposition est entérinée, cela signifierait donc la fin des actes notariés effectuées aux Pays-Bas pour éviter de payer en Belgique les droits d’enregistrement de 3%, 3,3%,5,5% ou 7% sur une donation mobilière.

I. LE PRINCIPE

Tout acte de notaire belge doit être nécessairement soumis à l’enregistrement. Il s’agit d’une règle du Code des droits d’enregistrement.

Par ailleurs, le Code civil impose, à peine nullité, que toute donation directe (et tel sera, par exemple, nécessairement le cas d’une donation avec réserve d’usufruit) intervienne par acte authentique. La combinaison de ces deux règles entraînera nécessairement, si la donation intervient devant un notaire belge, la soumission de l’acte aux droits de donation.

Depuis des décennies, le contribuable belge a réussi à échapper à cette taxation obligatoire, tout en respectant les règles du Code civil. La solution consiste à faire acter la donation par un notaire à l’étranger, mais pas dans n’importe quel pays toutefois : il fallait se rendre dans un Etat dans lequel des droits de donation ne sont pas dus lorsque l’acte intervient entre deux personnes qui ne sont pas résidentes de cet Etat. Tel est, notamment, le cas des Pays-Bas (ainsi que de quelques cantons de Suisse).

C’est ce que l’on appelle communément la « Kaasroute ».

II. ATTENTION TOUT DE MÊME AU DÉLAI DE 3 ANS

Le Code des droits de succession (Article 2.7.1.0.5., § 1er du Code flamand de la fiscalité en Région flamande) prévoit que lorsqu’une donation n’a pas été enregistrée, les droits de succession sont dus si le donateur décède dans les trois ans de la donation (voire sept ans dans certains cas particuliers).

A défaut d’enregistrement spontané, celui qui choisissait la « Kaasroute » coure donc le risque de payer des droits de succession si le donateur décède dans les trois ans de l’acte (sauf à couvrir ce risque par le recours à un contrat d’assurance).

III. PLANIFICATION DANS LE COLLIMATEUR

Depuis quelques années déjà, l’administration fiscale flamande (le VLABEL) tente de lutter contre cette planification permettant de donner sans payer de droit donation, considérant celle-ci comme injustifiée au vu des tarifs des droits de donation mobilière très faibles.

Ainsi, Vlabel avait pris une position aboutissant à ce qu’une donation avec réserve d’usufruit ne puisse plus être réalisée sans procéder à  un enregistrement préalable pour échapper in fine au paiement des droits de succession au décès du donateur. Cette position très critiquée a été annulée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 12 juin 2018, la considérant comme contra legem.

C’est dans ce contexte que le législateur fédéral vient au secours des régions en déposant une proposition de loi qui leur sera profitable puisque ce sont les droits de donation aboutissent dans les caisses des régions.

IV. ENREGISTREMENT DES DONATIONS NOTARIÉES UNIQUEMENT

La proposition de loi vise à mettre un terme à la « Route du fromage » en rendant obligatoire l’enregistrement des actes notariés étrangers de donations mobilières.

Toutes les donations ne sont donc pas visées par cette obligation de soumission aux droits de donation.

La proposition  vise ici uniquement les donations intervenant par acte authentique (par contre, assez paradoxalement, toute donation – mobilière ou immobilière – est visée par le texte tel que rédigé actuellement alors que l’objectif est de viser uniquement les donations mobilières).

Autrement dit,  un donateur pourra toujours faire don d’objets mobiliers (des tableaux, des meubles, etc.) de manière « manuelle ». Les donations de comptes bancaires ou de sommes d’argent en pleine propriété avec un pacte adjoint (en vue de prévoir, notamment, une clause de retour ou une charge de rente) seront toujours possibles sans devoir soumettre la donation à l’enregistrement, mais toujours avec les conséquences en droits de succession si le donateur décède dans les trois (ou sept) ans.

L’enregistrement relève certes d’une compétence fédérale, mais cette modification profiterait concrètement aux trois régions : toute donation mobilière qui concerne un donateur flamand, wallon ou bruxellois, devrait être enregistrée et entraînera alors nécessairement des droits d’enregistrement qui arrivent dans les caisses des régions.

V. FAUT-IL SE DÉPÊCHER DE FAIRE DES DONATIONS ?

A ce stade, il ne s’agit que d’une proposition de loi qui doit encore suivre son chemin parlementaire L’urgence a toutefois été adoptée. Le processus législatif devrait donc être rapide si le texte est, in fine, approuvé.

Un contribuable qui envisage de procéder à une donation devant notaire hollandais doit certainement le faire rapidement, puisque la loi – si elle est adoptée - entrera en vigueur dix jours après sa publication au Moniteur belge.

Cette évolution vers une obligation d’assujettissement aux droits d’enregistrement peut laisser craindre d’autres « aggravations » du système : (i) l’augmentation du délai de trois ans, déjà annoncé en Flandre, qui passerait à quatre ans, voire même (ii) l’augmentation des taux forfaitaires, si l’enregistrement devient obligatoire.

En pratique, ceci pourrait accroître davantage la concurrence fiscale entre les différentes régions qui pourraient choisir des voies différentes. On rappellera utilement que la région compétente pour prélever les droits de donation est celle dans laquelle le donateur à son domicile fiscale, ce qui pourrait inciter certains contribuables à déménager dans une autre région dont la législation leur serait plus favorable.


N’hésitez pas à nous contacter pour toute question : rt@tetralaw.com.

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LA DOUBLE IMPOSITION EN MATIERE SUCCESSORALE POUR LES BIENS MOBILIERS : LA QUESTION PREJUDICELLE EST POSEE

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Le principe : la taxation du patrimoine mondial. - Lorsqu’un habitant du Royaume décède, des droits de succession sont dus sur l’ensemble de ses avoirs mobiliers et immobiliers. La localisation de ceux-ci en Belgique ou à l’étranger n’a pas d’incidence, la Belgique retient comme critère de taxation la résidence sur son territoire au jour du décès.

Toutefois, certains Etats retiennent  d’autres critères de taxation tels que la localisation du bien immobilier (tel est aussi le cas en Belgique et alors des droits de mutation sont dus), la nationalité du défunt, le lieu de résidence des héritiers et la résidence du débiteur de capitaux.

Dès lors que chaque Etat étant maître dans le choix du critère de taxation, il se peut qu’une succession comporte des avoirs taxables dans différents pays. On est alors face à un cas de double imposition due à l’absence d’harmonisation fiscale à ce sujet. 

Les Etats ont également le pouvoir de remédier à une telle situation en adoptant des conventions dites préventives à la double imposition. La Belgique n’a, à ce jour, conclu une telle convention qu’avec la France (signée à Bruxelles le 20 janvier 1959).

Et quand il n’y a pas de convention préventive ? - Il est en effet rare qu’une succession ne comprenne que des avoirs situés en Belgique, ou tout au plus en France.

Le législateur belge a prévu depuis toujours la possibilité d’imputer l’impôt successoral perçu dans le pays étranger où est situé le bien immeuble. Cependant, l’article 17 du Code des droits de succession, qui prévoit le principe et les conditions d’application, vise uniquement les biens immeubles étrangers.

Qu’en est-il alors des biens et avoirs mobiliers ? - Ce sont les laissés pour compte de l’histoire. Rien n’a été prévu par le législateur belge pour diminuer la facture successorale à ce niveau… Or, de telles situations sont également courantes alors pourquoi ne pas avoir prévu un même mécanisme pour les avoirs mobiliers situés à l’étranger ? Pourquoi cette différence de traitement de la part du législateur ? Ne pouvions-nous pas y voir une violation du principe d’égalité ?

Cette question a été soulevée en justice par les héritiers d’un défunt, résident belge, qui détenait, entre autres, des avoirs mobiliers en Espagne. Or, l’Espagne retenant comme critère de taxation la résidence des capitaux, nous étions donc face à une double imposition « sans remède ».

La Cour d’appel d’Anvers a estimé que la différence de traitement en fonction de la nature du bien, à savoir mobilier ou immobilier, critère objectif selon elle, suffisait à justifier la différence de traitement et par conséquent, n’a pas jugé utile de poser la question à la Cour constitutionnelle.

Une lueur d’espoir - Heureusement les héritiers ne se sont pas découragés et à l’occasion du pourvoi, la Cour de cassation a, par un arrêt du 13 février 2020, posé, quant à elle, la question préjudicielle à la Cour constitutionnelle de la justification ou non de la différence de traitement selon la nature du bien.  Il est heureux que la Cour de cassation, contrairement à la Cour d’appel d’Anvers, ait décidé de porter le débat d’une telle question de principe devant la juridiction naturellement compétente à ce sujet.  On rappellera en effet que la constitutionnalité d’une norme au regard des principes d’égalité et de non-discrimination implique que pour que des situations en principe identiques soient traitées différemment, encore faut-il pouvoir justifier que cette différence est fondée sur des critères objectifs qui viennent soutenir cette différenciation.  L’article 17 du Code des droits de succession ne vise que les biens immeubles.  Il faudra vérifier la ratio de ce texte et comprendre pourquoi le législateur n’a visé que ce type de bien d’une part et si cette exclusivité se justifie  au regard des motivations de la norme d’autre part.

Le débat devait donc à tout le moins être posé et nous espérons que la position de la Cour permettra de mettre fin à tant de situations de double imposition.

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La déduction des charges professionnelles d’un immeuble acquis par une société : l’immeuble à la côte est aussi déductible !

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Dans une précédente Tetralert, nous faisions le point sur le caractère professionnel, et donc fiscalement déductible, des charges liées à un immeuble acquis par une société et mis (gratuitement) à disposition de son dirigeant.

La Cour d’appel d’Anvers a rendu une nouvelle décision allant dans le sens d’une possibilité de déduction des frais d’un appartement à la côte belge détenu par une société, à l’instar de ce qu’avait admis la Cour d’appel de Gand en décembre 2019.

Bref rappel – Pour apprécier le caractère déductible ou non des frais supportés par une société pour rémunérer son gérant, par exemple les frais liés à la mise à disposition d’un immeuble, la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 octobre 2016, faisait référence à la théorie de la rémunération.

Selon cette théorie, bien qu’un avantage de toute nature constitue une rémunération de dirigeant (article 32 CIR92), considérée comme un frais professionnel dans le chef de la société (article 195 CIR92), encore faut-il que ces frais répondent aux conditions générales de l’article 49 CIR92, à savoir qu’ils soient supportés par la société en vue d’acquérir ou conserver des revenus. En ce qui concerne les rémunérations, la Cour de cassation considère donc que la société doit être en mesure de prouver la réalité des prestations effectuées par son dirigeant en contrepartie de ces rémunérations.  

Application par les juridictions de fond - Cette jurisprudence avait été suivie de manière assez stricte par les Cours d’appel de Gand et d’Anvers, considérant que les frais relatifs à un immeuble, supportés par la société, servaient uniquement les intérêts privés du gérant et ne lui permettaient donc pas d’acquérir ni conserver des revenus.

A l’inverse, la Cour d’appel de Mons rappelait, dans deux arrêts de mai et août 2019, qu’il n’appartenait pas à l’administration d’apprécier la pertinence et l’importance de la rémunération octroyée par une société à son gérant. Il lui est donc loisible de choisir la voie la moins imposée et bénéficier, entre autres, de l’évaluation forfaitaire de certains avantages de toute nature.

Dans ce contexte, difficile de cerner les contours de la théorie de la rémunération et les éléments permettant de démontrer la réalité des prestations effectuées par le gérant d’une société en contrepartie des avantages de toute nature qu’elle lui attribue.                                                         

Précisions quant aux éléments probants  - Dans son arrêt du 14 janvier 2020, la Cour d’appel d’Anvers accepte non seulement le caractère professionnel des frais relatifs à un appartement à la mer détenu par une société en pleine propriété (en indivision avec son gérant), mais apporte également des précisions bienvenues quant aux éléments permettant de justifier le caractère professionnel de ces frais.

Elle motive sa décision sur la base des éléments de fait avancés par le contribuable. L’avantage de toute nature découlant de la mise à disposition de cet appartement était bien repris sur les fiches individuelles de rémunération du gérant. De plus, le gérant (un dentiste) était la seule personne prestant des activités pour cette société, preuve que la rémunération en nature est bien la contrepartie de prestations réelles. Les revenus générés par ces activités dépassaient le montant des frais liés à l’immeuble mis à sa disposition. Il ne pouvait donc s’agir d’une libéralité consentie par ladite société à son gérant. Enfin, les procès-verbaux de l’assemblée générale de la société précisaient la politique de rémunération du dirigeant, à savoir que son « package » de rémunération comprenait la mise à disposition d’un immeuble.  

Ces différents éléments, idéalement cumulés à des « relevés de prestations » aussi complets que possible, apparaissent donc comme un prescrit minimum mais néanmoins suffisant, en tout cas pour des sociétés à administrateur unique, pour démontrer le caractère professionnel des dépenses supportées pour la mise à disposition d’un immeuble à son gérant.

La rentabilité inhérente à l’immeuble – La Cour d’appel d’Anvers rejoint par ailleurs la jurisprudence récente de la Cour d’appel de Gand (arrêt du 3 décembre 2019 que nous commentions dans notre Tetralert précédente) en constatant que l’immeuble, détenu en pleine propriété par la société, présente un rendement certain pour la société, qui réalisera une plus-value lors de la revente de ce bien.

Alors que la Cour d’appel de Gand avait analysé le retour sur investissement de l’immeuble en cause, la Cour d’appel d’Anvers se fonde ici sur la rentabilité générale du marché immobilier (plus particulièrement celui de la côté belge). Acheté en 2006 par la société, il est incontestable, selon la Cour, que ce bien a pris de la valeur et que la société réalisera un bénéfice à la revente.

La Cour rappelle que ceci diffère des situations où la société n’est qu’usufruitière de l’immeuble.

L’évolution croissante du marché immobilier implique que (presque) tout immeuble contiendrait une sorte de plus-value latente à long terme, justifiant son acquisition par la société, au-delà de l’unique objectif de rémunérer son gérant en contrepartie de ses prestations.

Le libre choix du type de rémunération - Enfin, à l’instar de son homologue montoise, la Cour d’appel d’Anvers rappelle qu’il n’appartient pas à l’administration, ni à la Cour, d’apprécier les causes ou les justifications économiques du choix de tel ou tel type de rémunération.

Ce qui peut sonner comme une évidence ne l’est plus forcément aux yeux de l’administration qui, dans ce type de dossier, à tendance à oublier que chaque contribuable est libre de choisir la voie la moins imposée. Ceci nous parait d’autant plus fondamental que, en l’espèce, cette voie est tracée par le législateur fiscal lui-même lorsqu’il détermine les méthodes d’évaluations forfaitaires de certains avantages de toute nature. En outre, emprunter cette voie est régulièrement validé par le Service des Décisions Anticipées, notamment en matière de plan cafétéria (permettant au personnel d’une société de « troquer » certains aspects de sa rémunération contre des avantages de toute nature, moins fiscalisés).

Bien entendu, à charge de ceux qui souhaitent privilégier des rémunérations en nature de s’assurer du respect des dispositions législatives et des enseignements de la jurisprudence que nous venons de développer.

A ce titre, nous ne pouvons que saluer le fait que les cours d’appel semblent désormais aller dans la même direction... celle de la mer du Nord ?

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La fin des 6.000 € exonérés : la Cour constitutionnelle annule les nouveaux statuts liés au travail associatif, aux services occasionnels entre citoyens et à l’économie collaborative

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Une activité complémentaire non imposée pour des activités à forte plus-value sociale

Par la loi du 18 juillet 2018 « relative à la relance économique et au renforcement de la cohésion sociale », le législateur avait créé deux nouveaux statuts : le travail associatif et le service occasionnel entre citoyens. Il adaptait également le régime fiscal et social applicable à l’économie collaborative, intégré au Code des impôts sur les revenus depuis 2016.

Dans le cadre de ces nouveaux statuts, une personne possédant déjà un statut principal (salarié, indépendant ou pensionné) pouvait gagner 6 000 euros de revenus complémentaires par an exonérés d’impôt et de cotisations sociales en exerçant une activité dans un secteur à « plus-value sociale ».

Certains balises étaient, en outre, mises en place pour éviter que ces nouveaux statuts ne rendent le statut de volontaire obsolète et ne remplacent des emplois plus stables en raison de l’économie réalisée par l’employeur sur les cotisations sociales notamment.

Un recours en annulation dénonçant un régime discriminatoire a été introduit par certaines associations syndicales devant la Cour constitutionnelle.

Le Conseil des ministres les a défendus en invoquant, notamment, la nécessité d’encourager les citoyens à s’investir dans le secteur associatif et à se rendre des services mutuels tout en leur permettant d’acquérir ; ce faisant, un complément de rémunération.

La Cour constitutionnelle dans son arrêt du 23 avril 2020 (n°53/2020) a néanmoins suivi les syndicats : les discriminations créées entre ces nouveaux régimes et les anciens statuts (salariés, indépendants et volontaires) sont non raisonnablement justifiés.

S’agissant tout d’abord du travail associatif :

  1. l’écartement presque total de la législation sur le travail visant à protéger le travailleur n’est pas raisonnablement justifié de même que la volonté d’assouplir le cadre administratif ;
  2. La Cour a aussi relevé l’absence de pertinence d’un argument fondé sur la motivation animant d’une part le travailleur associatif (pour lequel la rémunération serait secondaire) et d’autre part, celle d’un travailleur salarié (pour lequel la rémunération serait l’objectif principal poursuivi) ;
  3. le régime mis en place ne permet pas une lutte  efficace contre d’éventuels abus au statut de volontaire.

S’agissant ensuite de l’exonération de cotisations sociales et fiscales pour les travailleurs associatifs et pour les prestataires de services occasionnel :

La Cour condamne une discrimination non justifiée entre les personnes exerçant dans le cadre des nouveaux statuts et les travailleurs salariés et indépendants pouvant fournir le même type de travail/services. Il n’est, selon la Cour, pas raisonnablement justifié que les premiers échappent totalement à l’impôt et à la législation sociale alors que les seconds y restent soumis.

Selon la Cour, à nouveau, la justification selon laquelle le travailleur associatif ou occasionnel exercerait durant son temps libre et que la rémunération y attachée ne serait que secondaire à ses yeux n’est pas fondée. En outre, ajoute la Cour, même à considérer cet assertion fondée, elle ne justifierait pas qu’une indemnisation, même  « complémentaire » pour l’intéressé, puisse relever d’un régime plus favorable qu’une indemnisation censée permettre à l’intéressé de pourvoir à ses besoins. De même, la lutte contre le travail au noir ne justifierait pas davantage la création d’un statut déchargé d’impôt et de cotisations sociales.

Enfin, s’agissant de la modification du régime applicable à l’économie collaborative, la Cour, pour des motifs similaires, annule les dispositions modificatives.

Un retour au pristin état… après le 1er janvier 2021 - La Cour constitutionnelle annule les deux nouveaux statuts crées par la loi du 18 juillet 2018 mais en maintient les effets pour les prestations fournies jusqu’au 31 décembre 2020 inclus.

Après cette date, les régimes du travail associatif et des prestations de services occasionnels entre citoyens seront purement et simplement supprimés

En ce qui concerne l’économie collaborative, le régime applicable redeviendra celui mis en place par la loi-programme du 1er juillet 2016.

Une bonne chose ?

La création de ces nouveaux statuts répondait partiellement (et imparfaitement) à une demande du secteur qui souhaitait un cadre adapté à la pratique et plus souple que le statut de volontaire, notamment concernant les règles complexes applicables en matière d’indemnités et de défraiements.

Il est regrettable que le législateur ne soit pas parvenu à assurer le délicat équilibre entre la nécessité de faciliter la poursuite d’une activité sociale aux personnes désireuses d’investir de leur temps libre et de leur énergie à une telle cause et celle de s’assurer que ni les volontaires, ni les salariés et indépendants ne soient préjudiciés au profit de ces nouveaux travailleurs particuliers.

A nouveau, la solution n’est toutefois pas, selon nous, à rechercher dans la création de nouveaux statuts dérogatoires. Il convient, avant tout, d’assurer une fiscalité plus juste du travail, quel qu’il soit et quel que soit sa motivation, alimentaire ou sociale.

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COVID 19 : Report des élections sociales : les principes dégagés par le CNT sont confirmés – Plus de protection avant le 18 août ?

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Les élections sociales 2020 devaient initialement se dérouler entre le 11 et le 24 mai 2020 (X+90/Y).

Les partenaires sociaux au sein du CNT ont convenu le 24 mars dernier de suspendre temporairement la procédure à partir du jour X+36 du calendrier électoral initial, soit le lendemain du dépôt des listes de candidats qui devait avoir lieu entre le 17 et le 30 mars 2020 selon la date choisie pour les élections. Un arrêté royal doit fixer la nouvelle période des élections, dont dépendra le nouveau jour X+36 à partir duquel le processus électoral reprendra.

Cet arrêté royal validera ou modifiera la nouvelle période des élections du 16 au 29 novembre 2020 suggérée dans l’avis du CNT du 24 mars 2020, en fonction de l’évaluation de la situation sanitaire liée au coronavirus (A).

Les questions techniques et juridiques que soulève la suspension de la procédure électorale ont fait l’objet de propositions dans l’avis du CNT, traduites ensuite dans une proposition de loi qui a été adoptée le 23 avril 2020, clarifiant ainsi les conséquences de la suspension (B). 

I. NOUVEAU CALENDRIER DES ÉLECTIONS

Sur la base de la nouvelle période électorale suggérée par le CNT (devant encore être validée par arrêté royal), toutes les entreprises devront fixer leur nouveau jour Y et établir le nouveau calendrier électoral qui en résultera, à partir du jour X+36.

Sous réserve de cette validation, le calendrier se présentera comme suit compte tenu de la nouvelle période électorale suggérée du 16 au 29 novembre 2020 :

X

18/08/20 – 31/08/20

Début de la période occulte pour les potentiels candidats remplaçants

X+36

23/09/20 – 6/10/20

Reprise de la procédure électorale

X+40

27/09/20 – 10/10/20

Premier affichage des listes des candidats par l’employeur et désignation des présidents des bureaux de vote

X+47

4/10/20 – 17/10/20

Retrait éventuel par les travailleurs concernés de leur candidature et réclamations auprès de l’employeur concernant les listes de candidats

X+48

5/10/20  – 18/10/20

Transmission des réclamations aux syndicats

X+54

11/10/20  – 24/10/20

Modification possible des listes de candidats par les syndicats suite aux réclamations et désignation des membres des bureaux de vote

X+56

13/10/20  – 26/10/20

Deuxième affichage par l’employeur des listes de candidats modifiées ou non et accord sur le vote par correspondance

X+60

17/10/20  – 30/10/20

Affichage de la composition des bureaux de vote

X+61

18/10/20  – 31/10/20

Recours auprès du tribunal du travail contre les listes de candidats en cas de réclamation

X+70

27/10/20  – 09/11/20

Désignation des témoins

X+75

01/11/20  – 14/11/20

Décision du tribunal au sujet des recours contre les listes de candidats

X+76

2/11/20  – 15/11/20

Remplacement des candidats (retrait de la candidature/décès d'un candidat/démission d'un candidat de son emploi dans l’entreprise/démission d'un candidat de son syndicat/changement de catégorie d'un candidat)

Fin de la période de protection occulte

X+77

03/11/20  – 16/11/20

Clôture définitive des listes de candidats et troisième affichage par l’employeur de ces listes, modifiées ou non + toilettage des listes électorales (rayer les travailleurs qui ne satisfont plus aux conditions d’électorat)

X+80

06/11/20  – 19/11/20

Date butoir pour la remise des convocations aux électeurs (envoi par recommandé des convocations à X+82 au plus tard en l’absence de confirmation de réception

Y

16/11/20  – 29/11/20

Vote

Y+1

17/11/20  – 30/11/20

Remise des documents électoraux à l’employeur qui les conserve pendant 25 jours après la clôture des élections et les remet à la juridiction compétente en cas de recours

Y+2*

18/11/20  – 01/12/20

Date butoir pour l’affichage par l’employeur des résultats des élections et de la composition du CE et/ou du CPPT

Y+15*

01/12/20  – 14/12/20

Date butoir pour les recours auprès du tribunal du travail contre les résultats des élections

Y+45*

31/12/20 – 13 /01/21

Première réunion du CE et/ou du CPPT

* Ces dates varient en fonction de la date réelle de l’affichage qui doit avoir lieu au plus tard 2 jours après la clôture des opérations électorales. Si l’employeur affiche les résultats le jour même des élections (Y et non Y+2), Y+15 devient Y+13 et Y+45 devient Y+43.

II. CONSÉQUENCES DU REPORT DES ÉLECTIONS

La proposition de loi « visant à réglementer la suspension de la procédure des élections sociales de l’année 2020 suite à la pandémie du coronavirus COVID-19 » adoptée le 23 avril 2020 confirme les conséquences suivantes :

  1. Sur les accord conclus (art. 9 et 10)

Les accords déjà conclus avant le jour X+36 sont définitivement acquis, à l’exception des accords explicitement liés au Covid-19 devenus sans objet et des décisions relatives au calendrier électoral, à la date et à l’horaire des élections, ces dernières devant être adaptées en fonction de la nouvelle date des élections sociales qui sera fixée par AR. Les listes électorales, le nombre de mandats à délivrer et leur répartition restent inchangés.

  1. Sur les conditions d’éligibilité des candidats (art. 15)

Les conditions d'éligibilité des candidats sont évaluées sur la base du jour d’élection Y initialement fixé en mai 2020, en ce compris pour les candidats remplaçants qui seront présentés au plus tard au nouveau jour X+76, pour qui la condition d’ancienneté par exemple (6 mois ininterrompus ou 9 mois discontinus en 2019) sera vérifiée au jour Y initial.

  1. Sur la deuxième condition d’ancienneté du travailleur intérimaire pour être électeur (art. 12)

Une nouveauté des élections sociales 2020 est le droit de vote donné aux travailleurs intérimaires s’ils remplissent deux conditions d’ancienneté cumulatives auprès de l’utilisateur, vérifiées sur deux périodes de référence :

  1. Entre le 1er août 2019 et le jour X : au moins 3 mois ininterrompus ou 65 jours de travail discontinus ;
  2. Entre le jour X et le jour X+77 : au moins 26 jours de travail 

Pour la première condition, il sera tenu compte du jour X initial. Pour la deuxième condition par contre, il ne sera pas tenu compte des jours d’occupation se situant durant la période de suspension des élections. Elle sera vérifiée en tenant compte des périodes allant du jour X initial jusqu’au jour X+35 et du nouveau jour X+36 jusqu’au nouveau jour X+77.

  1. Sur les organes existants (art. 14)

Les organes existants continuent de fonctionner jusqu’à l’installation des nouveaux organes, qui doit avoir lieu au plus tard au nouveau jour Y+45 (première réunion du CE et/ou du CPPT).

  1. Sur la protection contre le licenciement

a. Des candidats aux élections sociales de 2020 (art.18)

Tous les candidats présentés sur les listes électorales au jour X+35 sont protégés contre le licenciement depuis le jour X-30 jusqu’à l’installation des nouveaux organes suite aux élections de 2024.

La période occulte, commençant au jour X-30 initial s’est terminée au jour X+35 pour la majorité des candidats (soit au plus tard le 30 mars), puisque les listes de candidats devaient être communiquées à cette date.

Pour les nouveaux candidats potentiels qui pourraient remplacer certains candidats figurant actuellement sur les listes, en règle, la période de protection occulte se poursuit jusqu’à la présentation des listes définitives au jour X+76.

Toutefois, en raison de la suspension de la procédure électorale, la période occulte pour ces nouveaux candidats potentiels est désormais également suspendue depuis le jour X+36 initial - soit depuis le 31 mars 2020 au plus tard - jusqu'au nouveau jour X, à savoir 36 jours avant le nouveau jour X+36.

Cela signifie que les travailleurs qui n’ont pas été présentés comme candidats au jour initial X+35 et qui sont licenciés pendant la période allant du jour X+36 initial jusqu’au nouveau jour X (entre le 18 et le 31 août selon les dates suggérées par le CNT - à confirmer) ne bénéficieront pas de la protection contre le licenciement.  La protection contre le licenciement de ces candidats remplaçants reprendra à partir du 18 août au plus tôt.

        b. Des représentants des travailleurs et des candidats non-élus aux élections sociales de 2016 qui ne se présentent pas en 2020 (art. 14 et 19)

Les représentants des travailleurs membres des organes existants qui ne sont pas candidats bénéficient de la protection contre le licenciement jusqu’à ce que les nouveaux organes soient installés (soit au plus tard jusqu’au nouveau jour Y+45). Il en va de même pour les candidats non-élus en 2016 qui ne se présentent pas en 2020 (à l’exception des candidats de 2016 dont la protection était limitée à 2 ans en raison d’une première candidature infructueuse lors des élections de 2012).

Toutefois, le calcul de l’indemnité de protection dite « variable » (à laquelle l’employé peut prétendre en cas de non-acceptation de sa demande (valable) de réintégration) variera en fonction de la date du licenciement :

  • Jusqu’au 17 mars 2020 : l’indemnité correspondra à la rémunération pour la période allant de la date du licenciement à la date initiale - si la procédure n’avait pas été suspendue -  de la première réunion du CE ou du CPPT (au plus tard au jour Y+45), soit en principe fin juin/début juillet 2020.
  • Après le 17 mars 2020 : l’indemnité correspondra à la rémunération pour la période allant de la date du licenciement jusqu’à la nouvelle date de la première réunion du CE ou du CPPT (au plus tard au nouveau jour Y+45), soit en principe fin décembre/début janvier si les dates suggérées par le CNT sont confirmées.

        c. Des représentants des travailleurs protégés dans les entreprises qui ne doivent pas renouveler leur CE ou leur CPPT (art. 17)

S’il n’y a pas de raison de renouveler le CE ou le CPPT parce que le seuil d’occupation requis pour l’instauration de ces organes n’est plus atteint en 2020 ou en l'absence des candidatures requises, les candidats élus en 2016 continueront de bénéficier de la protection pendant six mois à compter du nouveau jour Y.

III. CE QUI PEUT ÊTRE RETENU…

Tout est parfaitement prévu pour que la procédure électorale soit suspendue.

Il y a un fait sur lequel il faut attirer l’attention du lecteur : les candidats aux élections de 2016 et les candidats de 2020 qui sont à présent connus sont protégés contre le licenciement. Il en va autrement pour tous les autres travailleurs pendant la période du 1er avril jusqu’au 18 août 2020 au plus tôt (ou une date ultérieure si l’évolution de la pandémie est telle que des dates plus tardives que celles suggérées par le CNT sont retenues pour les élections) : même s’ils se portent ultérieurement candidats de remplacement, ils ne sont pas protégés pendant cette période. C’est la conséquence de la suspension de la période occulte, qui reprendra au plus tôt le 18 août (sous réserve de confirmation).  

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LA DÉDUCTION DES CHARGES PROFESSIONNELLES RELATIVES À UN IMMEUBLE ACQUIS PAR UNE SOCIÉTÉ : LE POINT SUR LA QUESTION

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De nombreuses décisions de jurisprudence, notamment de la Cour de cassation, ont créé de véritables difficultés en matière de prévision lorsqu’une société acquiert un immeuble qu’elle met à la disposition de son dirigeant.  D’un rejet fondé sur la théorie de l’objet social à une acceptation basée sur la théorie de la rémunération, un équilibre semble se dessiner même si les contours demeurent assez flous.

Il est toutefois difficile de pouvoir poser avec certitude les règles en la matière, surtout que les juridictions du Nord et du Sud tirent des enseignements assez différents de ces arrêts.

LE PROBLÈME

Bien que la Cour de cassation considère qu’il n’est plus nécessaire d’avoir égard à l’objet social de la société pour apprécier le respect des conditions de l’article 49 CIR92 sur la déduction des frais professionnels et que le fait de rémunérer son dirigeant est en soi une dépense, encore faut-il pouvoir, selon la Cour, démontrer que cet avantage de toute nature (ci-après ATN) rémunère des prestations réellement effectuées (Cass., 14 octobre 2016). Or, selon nous, la règle est toujours la même : les frais dont la déduction est postulée doivent avoir été supportés en vue d’acquérir des revenus ou de les conserver.  Pourquoi la règle serait-elle différente ou plus sévèrement appréciée selon que l’on rémunère son dirigeant par un montant en espèces et/ou par un ATN ?

La jurisprudence de fond est d’ailleurs très élastique quant à l’application de ce principe.

AU NORD

Les Cours d’appel de Gand - le 8 janvier 2019 – et d’Anvers - le 26 mars 2019 – ont fait preuve d’une grande  sévérité dans leur appréciation du caractère effectif des prestations alors  même qu’un avantage en nature était imposé dans le chef du dirigeant, à l’impôt des personnes physiques.  Peu importe que l’ATN soit bien une rémunération et que celle-ci soit déductible dans le chef de la société (conformément à l’article 195 du CIR 92), il faut encore passer le test de l’article 49 du CIR 92 et prouver que la dépense a été supportée en vue d’acquérir ou de conserver des revenus professionnels.  En l’espèce, il faut donc prouver le lien entre la dépense relative à l’immeuble et les prestations effectives fournies par le dirigeant.  Dans ces deux affaires, les Cours d’appel ont considéré que les investissements avaient été effectués dans l’intérêt privé du dirigeant.  En outre, selon elles, arguer de la taxation de l’ATN dans le chef dudit dirigeant ne serait pas un argument en soi mais plutôt une distorsion du système fiscal en vue de servir un intérêt privé.

AU SUD

Au printemps et durant l’été, un vent du sud est néanmoins venu réchauffer le cœur de certains contribuables.  La Cour d’appel de Mons a validé – le 29 mai 2019 - le caractère déductible, dans le chef d’une société, des frais déduits à titre de charge professionnelle et relatifs à un immeuble mis à disposition de ses dirigeants (tels les amortissements, les intérêts, les factures d’eau et d’électricité et le précompte immobilier). Certes, le contrat de gestion conclu entre ceux-ci et la société prévoyait expressément la mise à disposition de l’immeuble en sus d’une rémunération fixe. La Cour a toutefois tenu à rappeler qu’il n’appartient pas à l’administration d’apprécier la pertinence et le montant de la rémunération attribuée au dirigeant, si elle n’est pas excessive (ce dernier point n’était pas soutenu par l’Etat belge en l’espèce).

Le 13 août 2019, dans une affaire relative à la déduction des frais de chauffage et d’électricité d’un immeuble, à la fois pour la partie privée et professionnelle, la même Cour a rappelé le principe du libre choix de la forme de rémunération attribuée au dirigeant. Ce libre choix doit être admis même s’il permet de bénéficier d’un traitement fiscal avantageux, comme un utile rappel de la validité du libre choix de la voie la moins imposée. Enfin, elle confirme que, dans la mesure où l’avantage octroyé au dirigeant a permis d’augmenter sa motivation et par conséquent, pour la société, d’acquérir ou de conserver des revenus, ces frais répondent aux conditions de l’article 49 CIR92 et sont donc déductibles (sans que la Cour se penche sur les mentions d’un éventuel contrat de gestion). 

LA COUR DE CASSATION PERSISTE ET SIGNE

Dans un arrêt du 21 juin 2019, la Cour de cassation a rappelé sa jurisprudence selon laquelle l’objet social ne doit plus nécessairement être pris en compte pour juger de la déductibilité des frais professionnels. Nonobstant, dans cette décision,  elle a refusé la déduction des frais d’acquisition, par une société, d’un droit d’usufruit sur un immeuble (un cabinet dentaire et trois appartements mis en location) détenu par le gérant. La Cour a motivé sa décision en invoquant que l’opération n’avait pas eu pour but d’engendrer des profits dans le chef de la société (à cause d’un emprunt hypothécaire trop élevé par rapport aux rendements locatifs, notamment). L’opération visait en réalité à « servir les intérêts de son gérant ». Les conditions de l’article 49 CIR92 n’étaient donc pas remplies, selon la Cour.

ESPOIR ?

La Cour d’appel de Gand, qui a rendu sa décision le 3 décembre 2019, a - se fondant pourtant sur cette jurisprudence - admis que les frais liés à un appartement à la côte belge, détenu par une société et mis à disposition de son dirigeant, étaient déductibles en l’espèce. 

Dans cet arrêt, la Cour a apprécié l’applicabilité de l’article 53, 9° CIR92, qui empêche la déduction des frais liés aux résidences d’agrément (un appartement à la côte), sauf à ce qu’ils soient nécessités par l’objet social ou compris dans la rémunération imposable de celui qui en bénéficie. Elle rappelle toutefois que la non-applicabilité de cet article n’empêche pas d’avoir égard aux conditions générales de l’article 49 CIR92 pour évaluer la déductibilité des frais.

La Cour procède à cette analyse et rappelle à cette occasion la jurisprudence de la Cour de cassation évoquée ci-dessus. Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre de sa part, elle constate ici que les frais relatifs à un appartement à la côte, s’il est détenu en pleine propriété par une société et repris comme immobilisation corporelle à l’actif du bilan, peuvent être déductibles à l’impôt des sociétés. La Cour précise également que la seule circonstance qu’un investissement est réalisé en vue d’obtenir un gain, même à long terme - par exemple lors de la revente du bien -, répond aux conditions de l’article 49 CIR92.

En l’espèce, la Cour a effectué une véritable analyse du retour sur investissement pour la société, constatant que la valeur de l’immeuble aura certainement doublé lors de la vente de ce dernier, les rendements locatifs faibles (avancés par l’administration) n’étant dès lors pas pertinents.

Elle évoque encore la jurisprudence de la Cour de cassation ci-dessus, a contrario, pour préciser que c’est bien la société qui bénéficiera des retombées économiques puisque, in casu, elle est pleine propriétaire du bien.

L’ART SUBTIL DE PRÉDIRE LA MÉTÉO

Doit-on voir, dans ces arrêts, l’arrivée d’un vent plus doux que celui qui a soufflé sur les immeubles détenus en société durant l’hiver dernier ? Rien n’est moins sûr.  Toutefois, ce qui peut être retenu : (i) il conviendra de se ménager la preuve de l’effectivité de la prestation du dirigeant (en se calquant en réalité sur ce qui est déjà devenu la règle en matière de management fees) et (ii) la société qui investit dans un immeuble doit y avoir un intérêt économique, ce qui sera plus souvent le cas lorsqu’elle acquiert le bien en pleine propriété (fut-ce par la plus-value à long terme) que lorsqu’elle n’en a que l’usufruit et qu’elle n’en tire aucun loyer (de par la mise à disposition).

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La Cour constitutionnelle confirme sa jurisprudence concernant les clauses sur préavis

Département : 

Le problème

Avant la Loi sur le Statut Unique de décembre 2013, qui a modifié les délais de préavis, un employé « supérieur » (c’est-à-dire qui gagnait plus de 32.254 EUR en 2013) pouvait avoir conclu une clause de préavis plus avantageuse que ce qui lui revient en application de la loi.

Dans le cas qui a donné lieu à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 6 juin 2019, l’employé bénéficiait depuis avril 2013 d’un préavis de 60 mois.

Lors de discussions sur la Loi sur le Statut Unique, en 2013, le Conseil d’Etat avait rappelé à la Ministre du Travail de ne pas oublier de prévoir que les conventions sur préavis des employés supérieurs devaient être respectées.

La Ministre a non seulement oublié, mais le texte de la loi est rédigé de manière telle qu’il est interdit de tenir compte de ces conventions sur préavis.

Par conséquent, depuis 2014, les employeurs plaident que les clauses prévoyant des préavis plus avantageux sont caduques et les employés plaident que le législateur a voulu faire le contraire de ce qu’il a écrit dans la loi.

LA SOLUTION ?

Le Tribunal du travail d’Anvers a demandé à la Cour constitutionnelle si l’article de la loi qui interdit de tenir compte de la clause de préavis de 60 mois, était constitutionnel ou non.

Comme il fallait s’y attendre, la Cour a décidé que cet article était anticonstitutionnel parce qu’il interdisait de respecter un accord légalement conclu et créait une discrimination par rapport aux employés « inférieurs », pour qui le même article de la loi conserve le bénéfice des clauses de préavis.

Le Tribunal du travail d’Anvers devra donc appliquer la clause de 60 mois de préavis.

MAIS ENCORE…

Mais il y a plus. La Loi sur le Statut Unique prévoit – tout le monde le sait – la détermination des délais de préavis en deux temps. La première partie détermine le préavis dû le 31 décembre 2013. La seconde correspond à un nombre de semaines en fonction de l’ancienneté acquise depuis le 1er janvier 2014.

Le Tribunal du travail d’Anvers a demandé à la Cour constitutionnelle si la clause de 60 mois était valable pour déterminer la première partie du délai de préavis, c’est-à-dire au 31 décembre 2013.

L’Etat belge, à qui son avis est toujours demandé, avait plaidé que les 60 mois devaient valoir pour toute la durée du préavis, à savoir aussi pour la période postérieure au 1er janvier 2014.

La Cour constitutionnelle ne l’a pas suivi. En d’autres termes, cet employé aura donc droit à 60 mois comme première partie du préavis et à 11 semaines supplémentaires en vertu de l’ancienneté acquise depuis le 1er janvier 2014.

Un premier arrêt avait été rendu en ce sens le 18 octobre 2018.

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Accompagnement des travailleurs en incapacité de travail de longue durée: Après le trajet de réintégration, le reclassement professionnel

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Jusqu’il y a peu, seuls deux régimes coercitifs de « reclassement professionnel » étaient prévus pour les travailleurs licenciés : (1) le régime général et (2) le régime particulier pour les travailleurs âgés d’au moins 45 ans (I).

Dans une volonté d’accompagnement des travailleurs en incapacité de travail de longue durée, et dans la continuité de l’instauration du trajet de réintégration mis en place par l’arrêté royal du 28 octobre 2016, un troisième régime coercitif de reclassement professionnel pour « les travailleurs dont le contrat de travail prend fin du fait que l’employeur invoque la force majeure médicale à la suite d’un trajet de réintégration » a fait son apparition dans la loi du 7 avril 2019 relative aux dispositions sociales de l’accord pour l’emploi (II).

I. Ce qui existe : Deux régimes coercitifs de reclassement professionnel (rappel)

1. Régime coercitif général

Le régime général de reclassement professionnel est organisé aux articles 11/1 à 11/11 de la première section du chapitre V de la loi du 5 septembre 2001 visant à améliorer le taux d'emploi des travailleurs (ci-après, « la Loi »).

Champ d’application :

  • Travailleurs licenciés hors faute grave et hors licenciement collectif, qui ont droit à un délai de préavis d’au moins 30 semaines (a) ou à une indemnité compensatoire de préavis équivalente à au moins 30 semaines de rémunération (b) ;
  • Employeurs du secteur privé et public (travailleurs contractuels).

Offre de reclassement :

(a) Travailleur licencié moyennant prestation de préavis :

  • Offre écrite de l’employeur dans les 4 semaines après le début du préavis ;
  • A défaut, mise en demeure par le travailleur dans les 4 semaines suivant l’expiration de ce terme et offre écrite de l’employeur dans les 4 semaines de la mise en demeure ;
  • Offre acceptée ou refusée par le travailleur dans les 4 semaines.

(b) Travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis :

  • Offre écrite de l’employeur dans les 15 jours après la fin du contrat de travail ;
  • A défaut, mise en demeure par le travailleur dans les 39 semaines suivant l’expiration de ce terme et offre écrite de l’employeur dans les 4 semaines ;
  • Offre acceptée ou refusée par le travailleur dans les 4 semaines.

Contenu et déroulement de la procédure de reclassement :

(a) Travailleur licencié moyennant prestation de préavis :

  • 60 heures de reclassement durant une période maximale de 12 mois ;
  • Les heures de reclassement sont imputées sur les congés rémunérés pour rechercher un nouvel emploi;
  • Possibilité de redémarrage de la procédure de reclassement en cas de non-commencement ou d’interruption.

(b) Travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis :

  • 60 heures de reclassement durant une période maximale de 12 mois, divisée en 3 phases de maximum 20 heures d’accompagnement :
    I.Pendant 2 mois au maximum à partir du début du programme ;
    II.Pendant les 4 mois suivants ;
    III.Pendant le dernier délai de 6 mois.
  • Possibilité de redémarrage de la procédure de reclassement en cas de non-commencement ou d’interruption.

L’offre de reclassement professionnel doit répondre aux critères de qualité prévus par la Loi.

Coût :

(a) Travailleur licencié moyennant prestation de préavis :

  • Pas d’évaluation financière dans la Loi ;
  • À charge de l’employeur.
    Situation particulière de licenciement avec effet immédiat durant le préavis : Possibilité pour l’employeur de réduire l’indemnité de préavis selon la formule suivante : A/60 x 4 semaines de rémunération, ‘A’ représentant les heures de reclassement encore à suivre.

(b) Travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis :

  • Valeur du reclassement correspond à 1/12ème de la rémunération annuelle de l’année civile précédant le licenciement, avec une valeur minimale de 1.800 euros et une valeur maximale de 5.500 euros (fourchettes proratisées en cas de régime de travail à temps partiel) ;
  • Droit de l’employeur de réduire l’indemnité compensatoire de préavis à concurrence de 4 semaines de rémunération (tant en cas d’acceptation que de refus de l’offre).
    Attention ! : Réduction non plafonnée à la valeur maximale de 5.500 euros.
    Exception : Pas de réduction en cas d’incapacité du travailleur de suivre le reclassement pour des raisons médicales (certificat médical remis endéans les 7 jours de la prise de connaissance du licenciement ou constat par deuxième médecin mandaté par l’employeur).

2. Régime coercitif particulier

Le cadre du régime particulier de reclassement professionnel est organisé aux articles 12 à 17 de la seconde section du chapitre V de la Loi et a été mis en œuvre par la CCT n°82 du 10 juillet 2002 relative au droit au reclassement professionnel pour les travailleurs de 45 ans et plus qui sont licenciés. Il s’agit d’un régime résiduaire, qui s’applique aux travailleurs qui ne remplissent pas les conditions du régime général.

Champ d’application :

  • Travailleurs licenciés hors faute grave et hors licenciement collectif, âgés d’au moins 45 ans et comptant au moins 1 an d’ancienneté ininterrompue au sein de l’entreprise ;
    Exclusion des (i) travailleurs qui peuvent bénéficier de la pension de retraite (ii) travailleurs à temps partiel (dont la durée hebdomadaire de travail moyenne est inférieure à la moitié de la durée de travail à temps plein), (iii) travailleurs qui ne devraient pas être disponibles pour le marché de l’emploi en cas de chômage complet indemnisé à l’issue du délai de préavis ou de la période couverte par une indemnité compensatoire de préavis.
    Exception : Obligation d’offrir une procédure de reclassement au travailleurs à temps partiel (situation (ii)) qui en fait la demande dans les 2 mois de la notification du congé, sauf s’il se trouvent également dans la situation (iii). Dans ce cas, l’offre doit être faite dans les 15 jours de la demande
  • Employeurs du secteur privé.

Offre de reclassement :

(a) Travailleur licencié moyennant prestation de préavis :

  • Offre écrite de l’employeur durant le préavis ou avant l’expiration d’un délai de 15 jours après expiration du préavis ;
  • À défaut, mise en demeure par le travailleur dans le mois après expiration de ce terme et offre de l’employeur dans le mois suivant la mise en demeure ;
  • Offre acceptée ou refusée par le travailleur dans le mois à dater du moment où l’employeur fait l’offre ou dans le mois après la fin du contrat de travail.

(b) Travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis :

  • Offre formulée par l’employeur dans les 15 jours après la fin du contrat de travail ;
  • A défaut, mise en demeure du travailleur dans les 9 mois qui suivent l’expiration de ce terme. Le cas échéant, employeur tenu de faire une offre dans le mois qui suit la mise en demeure ;
  • Offre ensuite acceptée ou rejetée dans le mois par le travailleur.

Contenu et déroulement de la procédure de reclassement :

Idem procédure de reclassement du régime général applicable au travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis d’au moins 30 semaines (b).

Si la procédure de reclassement professionnel se déroule durant le préavis, les jours et heures utilisés sont imputés sur le congé rémunéré pour sollicitation.

Possibilité de démarrage ou reprise du programme de reclassement professionnel en cas de non-commencement ou d’interruption.

Coût :

À charge de l’employeur, sauf dans les secteurs prévoyant une prise en charge collective.

II. Ce qui est nouveau : Troisième régime coercitif de reclassement professionnel

La rupture du contrat de travail pour force majeure médicale ne constituant pas un licenciement, aucune procédure de reclassement professionnel ne devait être offerte aux travailleurs malades dont le contrat de travail prenait fin de cette manière.

La loi du 7 avril 2019 relative aux dispositions sociales de l’accord pour l’emploi a introduit, en insérant des articles 18 à 18/4 dans la Loi, un nouveau régime de reclassement professionnel coercitif, défini comme suit : « un ensemble de services et de conseils de guidance adaptés à un employé ayant un problème de santé, fournis par un prestataire de services, pour le compte d’un employeur, afin de permettre à ce travailleur de retrouver lui-même et le plus rapidement possible un emploi auprès d’un nouvel employeur ou de développer une activité professionnelle en tant qu’indépendant ».

Ce nouveau régime est entré en vigueur le 29 avril 2019.

Champ d’application :

  • Travailleurs dont le contrat de travail prend fin pour force majeure médicale invoquée par l’employeur ;
  • Employeurs du secteur privé (sauf s’ils relèvent d’un secteur qui organise un accompagnement équivalent à charge d’un Fonds sectoriel de sécurité d’existence) et du secteur public (travailleurs contractuels).

Offre de reclassement :

  • Offre formulée par l’employeur dans les 15 jours de la rupture du contrat de travail ;
  • Acceptation par le travailleur dans les 4 semaines suivant la formulation de l’offre. À défaut, extinction du droit au reclassement professionnel.

 Contenu et déroulement de la procédure de reclassement :

  • Au moins 30 heures au cours d’une période de maximum 3 mois (prenant fin à l’issue de maximum 6 mois après le début de celle-ci) ;
  • Possibilité de redémarrage de la procédure de reclassement en cas de non-commencement ou d’interruption.

L’offre doit répondre aux mêmes critères qualitatifs que ceux prévus pour le régime coercitif général et doit être adaptée aux capacités du travailleur souffrant d’un problème de santé.

Le médecin-conseil de la mutuelle est informé du début et du contenu de l’offre dans les 15 jours suivant le début de la procédure (par le bureau de reclassement professionnel avec l’accord du travailleur ou par le travailleur même).

Coût :

1.800 euros à charge de l’employeur.

***

Après la tentative de reclassement préalable qu’impose de facto le trajet de réintégration pour les travailleurs en incapacité de longue durée, dont le succès en pratique reste mitigé, le législateur a souhaité instaurer une mesure supplémentaire visant à augmenter l’employabilité de ces travailleurs sur le marché du travail après la rupture de leur contrat de travail pour force majeure médicale.

Cette nouvelle mesure d’accompagnement sur mesure remplira-t-elle mieux son objectif que ne l’a fait jusqu’ici le trajet de réintégration, à savoir, permettre aux travailleurs ayant des problèmes de santé de retravailler ? On ne peut que l’espérer.

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Donation de contrat d’assurance vie en Flandre, arrêt de La Cour constitutionnelle : on ne compare pas des pommes et des poires

Département : 

Dans son arrêt du 28 février 2019 (rôle n° 6075) la Cour constitutionnelle a validé la position du législateur décrétal flamand en matière de donation de contrat d’assurance-vie (ci-après « CAV ») : des droits de succession seront dus sur la plus-value réalisée au sein du contrat d’assurance vie entre le moment de la donation, soumise à l’impôt sur les donations, et le décès.

I. Rappel de la question : administration fiscale flamande vs. administration centrale fédérale et SDA

Les droits de succession sont dus sur tout ce qui est recueilli dans la succession d’un habitant du Royaume. Cela vise donc – notamment – tous les biens présents dans son patrimoine au moment du décès, que ceux-ci soient transmis suivant la dévolution légale, par legs ou en raison d’institutions contractuelles.  Outre, les biens existants au moment du décès, les droits de succession peuvent également s’appliquer par le biais de fictions légales à des biens qui ont juridiquement quitté le patrimoine du défunt avant (voire bien avant) son décès.

Lorsqu’une personne souscrit un contrat d’assurance-vie, elle devient le preneur et dispose ce faisant de droits : celui de racheter partiellement ou totalement le contrat, celui de le mettre en gage, celui de nommer des bénéficiaires, etc.  Lorsque la tête assurée décède, le contrat se dénoue et la compagnie d’assurance est obligée de verser les sommes auxdits bénéficiaires qui jouissent – en droit – d’une stipulation effectuée à leur profit par le défunt.  A défaut d’une fiction légale, ces sommes ne pourraient être soumises à l’impôt successoral.  Cette fiction est reprise à l’article 8 du Code des droits de succession : toutes sommes, rentes ou valeurs qu'une personne est appelée à recevoir à titre gratuit au décès de celui qui a contracté une assurance sur la vie à ordre ou au porteur sont imposables.  La stipulation pour autrui renfermée dans le CAV est donc fictivement assimilée à un legs.

Quid en cas de don du contrat ?

Si le preneur (et tête assurée – A –) transmet le contrat à son enfant ou à tout autre bénéficiaire du contrat (B), y aura-il encore une stipulation pour autrui ? Il s’agit donc d’une configuration A-A-B qui devient B-A-B à la suite de la donation.  Il était admis que cette donation permettrait d’éviter tout droit de succession - puisque, par hypothèse, le nouveau preneur stipulait alors pour lui-même (cf. lettre n°EE/105.349 du 9 avril 2013 de l’administration centrale ou différentes décisions du SDA – 2016.813 du 6 juillet 2017, 2018.0332 du 5 juin 2018).

Standpunt 15133 et 15142 des 12 octobre 2015 et 21 décembre 2015

Le Vlabel a considéré que, même en cas de donation, il n’était pas possible d’échapper à la taxation (équivalente) reprise à l’article 2.7.1.0.6. et 2.7.1.0.8. du Code fiscal flamand (CFF).  Au moment du décès, selon le Vlabel, le bénéficiaire initial percevait les fonds de la compagnie de par la stipulation originaire à son profit, la donation du contrat, comportant pourtant la donation du droit à la désignation des bénéficiaires, ne permettant pas d’échapper à cet impôt successoral.

Décret du 23 décembre 2016 : fin de la controverse ?

Le législateur décrétal a dû intervenir et mettre fin à toutes ces controverses et pluie de critiques à l’encontre de l’administration fiscale flamande.  Qu’on ne s’y trompe pas, le législateur a validé la position du Vlabel : le but de la loi est bien de soumettre à l’impôt successoral les sommes que perçoit tout bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie au moment du décès du preneur initial et ce, que le contrat ait ou non fait l’objet d’une donation et que celle-ci ait ou non été soumise à l’impôt des donations.

Petite consolation

Dans un souci d’équité, et afin d’éviter une double imposition économique – la loi permet toutefois de déduire de la base imposable à l’impôt successoral celle qui a permis de fixer l’impôt sur les donations.  En d’autres mots, seule la plus-value survenue entre la donation – soumise à l’enregistrement – et le décès sera soumise aux droits de succession.

II. Question posée à la Cour constitutionnelle : comment justifier une différence de traitement entre donataires d’avoirs mobiliers?

Prenons A qui a deux enfants B et C.  A procède à deux donations : à B, il donne un portefeuille-titres  de 1.000.000 euros et à C, un CAV d’une valeur de rachat au moment de la donation de 1.000.000 euros. Les deux donations sont soumises à l’enregistrement : chacune génère un impôt sur les donations de 30.000 euros.  A décède.  À son décès, la valeur du le portefeuille-titres et du CAV a augmenté.  Alors que B est quitte de tous droits, C devra quant à lui s’acquitter de droits de succession sur cette plus-value.

Comment justifier pareille différence de traitement ?

La Cour constitutionnelle ne répond pas ?

Si la Cour tente de comprendre la volonté du législateur de soumettre à imposition toute distribution d’un contrat d’assurance-vie au moment du décès du preneur initial afin de traiter les bénéficiaires de pareils contrats de la même manière, qu’il y ait eu donation ou pas, elle ne répond pas à la question précise qui lui est posée.  Certes, elle invoque une forme de spécificité du produit d’investissement que serait le CAV sans en préciser toutefois la teneur si ce n’est en invoquant que ce produit permet de procurer, après la donation, un avantage supérieur à la valeur de rachat au moment de la donation, sans que le bénéficiaire de la donation, en tant que preneur, ne fournisse lui-même des prestations quelconques.  N’en est-il pas de même avec un portefeuille-titres ? Selon la Cour constitutionnelle, le donataire-bénéficiaire ne recueillerait qu’au moment du décès du de cujus-preneur initial les prestations qui résultent de la relation juridique avec l’assureur. 

Qu’en conclure ?

Selon la Cour constitutionnelle, le législateur flamand a délibérément choisi de soumettre à l’impôt successoral les sommes qu’un bénéficiaire reçoit d’un contrat qui lui a pourtant été donné préalablement car, en réalité, c’est au moment du décès, le contrat se dénouant, qu’il perçoit réellement ce que le preneur voulait lui transmettre.   Tel n’est pas le cas pour d’autres biens.  Ainsi, le législateur a-t-il pu, selon la Cour, créer cette différence de traitement.  On ne compare pas des pommes et des poires. On regrettera toutefois qu’une distinction plus franche n’ait pas été effectuée. Cet arrêt laissera le praticien sur sa faim.

III. Quid en Wallonie et à Bruxelles ?

Cet arrêt permet de conclure que la donation d’un CAV dans les deux autres régions est toujours possible et que, dans l’état actuel de la législation, il n’y aura pas de droits de succession dus sur une quelconque plus-value. 

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JOBSDEAL ET GOUVERNEMENT EN AFFAIRES COURANTES: OÙ EN EST-ON ?

Département : 

Alors que le nombre de chômeurs est estimé à 345.000 et que le nombre de postes vacants s’élevait à 134.570 fin 2017, 2018 devait être l’année d’exécution du jobsdeal, accord présenté par le Gouvernement fédéral fin juillet et ayant pour objectifs principaux de stimuler davantage les personnes inactives à participer au marché du travail et de pourvoir les postes en pénurie. Cet accord comprend un ensemble de mesures dont la plupart ont été concrétisées dans un projet de loi ou un projet d’arrêté royal déjà approuvés par le Conseil des ministres.

I. MESURES DÉJÀ EN VIGUEUR 

1. Assouplissement des conditions de la clause d’écolage

Un travailleur salarié, dont la rémunération excède 34.180 EUR et qui bénéficie d’une formation payée par son employeur peut être tenu, en vertu d’une clause d’écolage, de rembourser en partie le cout de formation en cas de départ (démission ou licenciement pour motif grave) avant l’expiration d’un délai convenu. La clause doit être conclue par écrit, individuellement pour chaque travailleur, et au plus tard au moment où débute la formation. Sa durée de validité doit être proportionnelle à la durée et au coût de la formation, et le montant dû par le travailleur doit diminuer (80% - 50% - 20%) suivant que son départ intervient au début ou à la fin (avant 1/3 - entre 1/3 et 2/3 - après 2/3) de la période convenue.

En exécution du jobsdeal, une loi du 14 octobre 2018, entrée en vigueur le 10 novembre 2018, prévoit à présent que pareille clause peut être conclue indépendamment du salaire du travailleur si elle concerne une formation à un métier en pénurie.

2. Droit individuel à une fin de carrière en douceur

Depuis le 1er janvier 2018, le travailleur âgé d’au moins 58 ans peut opter pour un allégement de sa charge de travail et se voir octroyer une intervention financière par le secteur ou l’employeur en compensation de la perte de salaire. Cette indemnité est exclue de la notion de rémunération et de ce fait exonérée de cotisations sociales, à condition toutefois que :

  • les mesures visant à alléger la charge de travail (glissement d’un travail en équipe ou de nuit vers un régime de jour normal, diminution de la charge de travail) aient pour conséquence une perte de salaire ;
  • le travailleur preste encore effectivement à concurrence d’un 4/5èmes temps minimum ;
  • le travailleur ait atteint l’âge de 60 ans si la mesure consiste uniquement en un passage d’un emploi à temps plein à un emploi 4/5èmes temps ;
  • l’indemnité soit fixée par une CCT sectorielle ou d’entreprise ou par une modification du règlement de travail, stipulant expressément les mesures pour lesquelles elle est octroyée, prises en application de la CCT n°104 concernant la mise en œuvre d'un plan pour l'emploi des travailleurs âgés pour les entreprises relevant du champ d’application de cette CCT.

Un arrêté royal du 12 décembre 2018 a simplifié la procédure, ressentie comme trop lourde sur le plan administratif. Depuis le 1er janvier 2019, l’indemnité complémentaire peut également être régie par une convention individuelle écrite conclue entre le travailleur et l’employeur, tout en étant exonérée de cotisations sociales aux mêmes conditions que l’indemnité régie par CCT ou modification du règlement de travail.

II. MESURES APPROUVÉES MAIS PAS ENCORE EN Vigueur

1. Projets d’arrêtés royaux

Une série de projets d’arrêtés royaux ont été approuvés par le Conseil des ministres en novembre et début décembre 2018.

a. Modifications en matière de crédit-temps de fin de carrière et de crédit-temps formation

Les conditions d’âge pour bénéficier d’un crédit-temps de fin de carrière d’une part et d’allocations d’interruption durant le crédit-temps d’autre part, ne sont pas encore harmonisées. Le crédit-temps peut être obtenu auprès de l’employeur dès 55 ans en règle générale (sous réserve de certaines exceptions où l’âge d’accès est abaissé à 50 ans), tandis que les allocations d’interruption ne peuvent être obtenues qu’à partir de 60 ans (ou à partir de 58 ans, portés à 60 ans au 1er janvier 2019, dans les cas d’exceptions prévus par l’arrêté royal du 12 décembre 2001). Cette différence concerne toutes les premières demandes ou les nouvelles demandes non continues intervenues à partir du 1er janvier 2015.

Donc, concrètement, un travailleur salarié peut, en règle générale, bénéficier d’un crédit-temps de fin de carrière dès ses 55 ans, mais il ne pourra percevoir des allocations que lorsqu’il aura 60 ans.

Un premier projet d’arrêté royal relève la condition d’âge pour le droit au crédit-temps de 55 à 60 ans, ce qui aura donc pour effet de faire coïncider le droit d’accès au crédit temps de fin de carrière avec le bénéfice des allocations d’interruption.

Un deuxième projet approuvé d’arrêté royal offre la possibilité aux travailleurs âgés qui ont bénéficié d’allocations dans le cadre d’un crédit-temps de fin de carrière avant le 1er janvier 2015, et qui l’ont interrompu pour prendre un congé thématique, de reprendre ensuite leur crédit-temps avec maintien du droit aux allocations.

Enfin, un troisième projet d’arrêté royal prévoit que la durée du crédit-temps avec motif « formation », qui est actuellement de 36 mois maximum, peut être prolongée de 12 mois pour atteindre 48 mois, si la formation permet d’accéder à un métier en pénurie.

b. Indemnités d’incapacité de travail pour les travailleurs indépendants après l’âge de la pension

Le Gouvernement a décidé d’ouvrir un droit aux indemnités d’incapacité de travail de 6 mois maximum aux personnes, tant salariées qu’indépendantes, qui continuent à travailler après l’âge légal de la pension et qui tombent malades. Actuellement, elles perdent le droit aux indemnités d’incapacité de travail dès qu’elles atteignent cet âge, et sont donc contraintes de partir à la retraite quand elles tombent malade. Un projet d’arrêté royal exécute cette décision dans le régime des travailleurs indépendants (cf. infra pour les travailleurs salariés).

c. Cumul des allocations d’interruption avec l’exercice d’une activité indépendante

Le travailleur du secteur privé et du secteur public qui décide de réduire ses prestations de travail dans le cadre des congés thématiques, de l’interruption de carrière et du crédit-temps, pourra cumuler ses allocations d’interruption avec les revenus d’une activité d’indépendant à titre complémentaire.

d. Paiement accéléré des allocations de maternité aux travailleuses indépendantes

Le paiement des allocations de maternité peut intervenir jusqu’à un mois après la dernière semaine du repos postnatal, ce qui conduit à des indemnisations très tardives. Afin de remédier à cette situation, un paiement mensuel couvrant chaque semaine échue au moment du paiement est prévu, et le premier versement doit intervenir dans les 30 jours à compter du premier jour du repos de maternité.

e. Renforcement des conditions d’accès au régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC)

Un projet d’arrêté royal modifiant l’arrêté royal du 3 mai 2007 fixant le régime de chômage avec complément d’entreprise (ancienne prépension) rehausse, dans le régime général de la CCT n°17, la condition de carrière à 41 ans (contre 40 ans actuellement) et l’âge d’accès au RCC, lorsqu’il s’agit d’une entreprise en difficulté ou en restructuration, à 59 ans et à 60 ans en 2020 (contre 56 ans actuellement). En outre, dès 2020, le bénéficiaire d'un RCC dans le cadre de la reconnaissance d'une entreprise en difficulté ou en restructuration, ne pourra être dispensé de l’obligation de disponibilité adaptée sur le marché du travail qu’à partir de 65 ans ou lorsqu’il justifie d’un passé professionnel de 43 ans (contre 63 ans ou 41 ans actuellement).

2. Projet de loi : mobilité durable

Deux projets de loi ont été déposés par le Gouvernement en matière de mobilité durable. L’un relatif à la modification du régime cash for car, et l’autre visant à instaurer un budget de mobilité. Ces mesures, qui font également partie du deal pour l’emploi sont détaillées dans notre tetralert « Cash for car et budget mobilité : un double emploi ? ».

Aux dernières nouvelles, le budget mobilité pourrait bien entrer en vigueur en mars de cette année. La Commission Finances du Parlement a en effet adopté mercredi dernier le texte instaurant le budget mobilité. Il pourra être définitivement adopté, après avoir été voté en commission des Affaires sociales et en séance plénière.

La modification dans le régime cash for car n’a cependant pas encore été votée. Il est prévu qu’elle fasse l’objet d’une seconde lecture dans deux semaines.

3. Avant-projet de loi

En novembre, le Conseil des ministres a également approuvé un avant-projet de loi qui met en œuvre plusieurs autres mesures du jobsdeal :

a. Salaire de départ pour les jeunes

Pour encourager l’embauche des jeunes, une loi du 26 mars 2018 a instauré une réduction du salaire brut (-6, -12 ou -18%) des travailleurs âgés de 18 à 20 ans au bénéfice des employeurs. Afin que la rémunération nette du jeune demeure inchangée, l’employeur lui paie un supplément forfaitaire, exonéré de retenues fiscales et de cotisations sociales. Un tableau détaillant les montants de ce supplément forfaitaire en fonction de l’âge et de la rémunération non réduite est prévu par la loi mais il est apparu, après analyse, que l’effet sur le salaire net d’une réduction du salaire brut peut fortement différer selon la situation. L’avant-projet de loi revoit le système : le supplément ne sera plus calculé sur la base d’un tableau, mais il sera déterminé par la différence entre le salaire net calculé sur la base de la rémunération brute réduite et le salaire net calculé sur la base de la rémunération brute non réduite.

b. Outplacement pour les travailleurs dont le contrat prend fin pour force majeure médicale

La rupture du contrat de travail pour cause de force majeure médicale ne constituant pas légalement un licenciement, ces travailleurs n’ont pas droit à un outplacement (procédure de reclassement professionnel). Un droit à l’outplacement (d’une valeur de 1800 EUR et offert par l’employeur) ou à un accompagnement équivalent via les fonds sectoriels sera dorénavant prévu pour ces travailleurs.

c. Inscription rapide auprès des services pour l’emploi

Afin d’assurer une transition rapide vers un nouvel emploi, les travailleurs licenciés doivent s’inscrire auprès des services régionaux de l’emploi dans le mois suivant la fin de leur contrat de travail. L’avant-projet de loi prévoit que le travailleur dispensé de prester son préavis devra dorénavant s’inscrire dans un délai d’un mois à compter de l’accord sur la dispense des prestations, sans attendre la fin de son contrat de travail. L’employeur sera tenu de l’informer par écrit de cette obligation.

d. Nouvel assouplissement en matière de clause d’écolage

Des conditions plus souples ont déjà été introduites (cf. supra). En vertu de l’avant-projet de loi, une telle clause pourra s’appliquer même quand la formation menant à un métier en pénurie se situe dans le cadre règlementaire ou légal requis pour l’exercice de la profession.

e. Indemnités d’incapacité de travail pour les travailleurs salariés après l’âge de la pension

Un travailleur salarié peut décider de continuer à travailler après avoir atteint l’âge légal de la pension pour atteindre une fraction de carrière complète ou, si celle-ci est déjà atteinte, recevoir une pension plus élevée. Actuellement, ce travailleur n’a droit aux indemnités d’incapacité de travail que jusqu’au dernier jour du mois suivant le mois au cours duquel l’incapacité de travail a débuté. Étant donné qu’il a en principe droit à un salaire garanti pendant 30 jours, les indemnités d’incapacité de travail lui sont accordées pour une durée très limitée. Il devra donc se contenter de sa pension de retraite après cette période. Il peut reprendre le travail après sa période de maladie, mais il ne se constitue plus de droits de pension supplémentaires. À l’avenir, le travailleur salarié qui n’a pas encore effectivement bénéficié de sa pension de retraite pourra bénéficier d’indemnités d’incapacité pendant 6 mois maximum.

Avec cet avant-projet de loi, la quasi-totalité du volet social du deal pour l’emploi a été approuvée par le Conseil des ministres. Reste encore à concrétiser les mesures relatives à la dégressivité des allocations de chômage et à la réforme des barèmes. La première vise à augmenter les allocations de chômage de la première période et à renforcer la dégressivité durant les périodes ultérieures. La seconde consiste à lier le salaire non plus à l’âge – ce système pénalisant la mobilité des travailleurs et favorisant le licenciement des travailleurs âgés en cas de restructuration - mais à la compétence et à la productivité.

4. Projet de loi portant « JOBSDEAL »

Plusieurs mesures du volet fiscal ont également été concrétisées dans un projet de loi « portant JOBSDEAL » déposé à la Chambre le 20 décembre 2018, alors que le Gouvernement avait déjà remis sa démission mais qu’elle était tenue en suspens par le Roi.

a. Exonération à l’impôt sur les revenus de certaines primes de formation octroyées par les Régions

Les primes régionales octroyées pour le suivi d’une formation menant à un métier en pénurie seront exonérées à l’impôt sur les revenus à concurrence de maximum 350 euros (montant de base : 220 euros), à condition que la prime soit accordée à des personnes qui étaient des chômeurs indemnisés au début de la formation et que la formation en vue d’un métier en pénurie ait été suivie avec succès.

b. Extension de l’exonération du précompte professionnel à la navigation en système

Le Code des impôts sur les revenus 1992 prévoit une réduction du coût salarial des travailleurs qui effectuent des prestations en équipe ou de nuit, par une exonération du versement d’une partie du précompte professionnel. Cette exonération sera étendue aux travailleurs dans la batellerie qui, en raison de la forme particulière de leur travail en équipe (« la navigation en système »), n’entraient pas en ligne de compte pour cette dispense.

c. Augmentation du nombre d’heures de  travail supplémentaire bénéficiant d’un traitement fiscal avantageux

Le Code des impôts sur les revenus 1992 traite les 130 premières heures supplémentaires de manière avantageuse tant pour le travailleur (en prévoyant une réduction d’impôts) que pour les employeurs (en prévoyant une dispense de versement d’une partie du précompte professionnel). L’avant-projet de loi porte temporairement ce nombre à 180 heures, et sera, en cas d’évaluation positive de cette mesure en juin 2020, convertie en une mesure permanente. Les augmentations existantes à 360 heures pour l’Horeca et à 180 heures pour la construction sont maintenues.

d. Salaire de départ pour les jeunes

Le supplément octroyé aux jeunes de 18 à 20 ans dont la rémunération est réduite, ne sera plus forfaitaire mais compensatoire (cf. l’avant-projet de loi supra). Le projet de loi remplace la notion de « supplément forfaitaire » par « supplément compensatoire ».

III. Et maintenant ?

L’Etat belge est-il plongé dans cinq mois d’immobilisme, si bien que les mesures approuvées du jobsdeal vont passer à la trappe ? Pas nécessairement.

En affaires courantes, le champ d’action du Gouvernement est limité aux affaires urgentes (dans lesquelles il faut agir rapidement pour préserver les intérêts de l’Etat), aux affaires banales (dans lesquelles les décisions visent à assurer la continuité de la gestion des services publics, de la police et de l’État) et aux affaires en cours (aboutissement normal des procédures entamées avant la démission du Gouvernement, dont pourraient faire partie les points du jobsdeal déjà approuvés par le Gouvernement).

Dans ces limites, des projets de loi peuvent passer, à condition toutefois d’obtenir une majorité au Parlement. Notons que le projet de loi mettant en œuvre le volet fiscal du Jobsdeal a été abandonné le 15 janvier dernier à défaut de consensus en commission des Finances de la Chambre. La raison? Quand le texte a été déposé à la Chambre le 20 décembre 2018, le Gouvernement ne disposait plus de majorité puisque la N-VA l'avait déjà quitté.

Quant aux projets d’arrêtés royaux exécutant le jobsdeal, ils ne sont pas soumis au vote du Parlement. Avant leur entrée en vigueur, les étapes à suivre sont les suivantes : avis du Conseil d’Etat, signature du Roi, publication au Moniteur Belge. Dans le contexte actuel (avec un gouvernement minoritaire et à proximité de l'échéance électorale), ils semblent avoir plus de chance d’aboutir que les projets de loi. Toutefois, les arrêtés royaux pourraient être annulés par le Conseil d’Etat saisi d’un recours en annulation, s’il estime qu’ils dépassent les limites de l’expédition des affaires courantes.

Mais les projets de loi et arrêtés royaux ne sont pas les seuls moyens de concrétiser le jobsdeal. Des propositions de loi (initiées par les membres de la Chambre ou du Sénat) peuvent encore être déposées au Parlement pour le mettre en œuvre. D’après les dernières nouvelles, le MR, la N-VA, le CD&V et l’Open Vld seraient tombés d’accord ce jeudi 17 janvier pour déposer dans les prochains jours au Parlement des propositions de loi qui mettent en œuvre le jobsdeal tant dans son volet fiscal que dans son volet social. La N-VA aurait également préparé une proposition de loi au sujet de la dégressivité des allocations de chômage. Quant à la réforme des barèmes, dossier peu populaire qui, outre sa complexité, se heurte à une vive opposition syndicale, ses chances d’aboutir sont, au vu de la situation politique actuelle, pour ainsi dire inexistantes.

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CASH FOR CAR ET BUDGET DE MOBILITE : UN DOUBLE EMPLOI ?

Département : 

Juste avant la crise, le gouvernement a déposé deux projets de loi en matière de mobilité durable. D’une part, il entend étendre le système du cash for car (allocation de mobilité) ayant connu peu de succès jusqu’à présent (Projet II). D’autre part, de façon encore plus ambitieuse, il se propose d’instaurer un budget de mobilité visant à modifier – durablement – les comportements en vue d’une mobilité plus respectueuse de l’environnement (Projet I).

I. Coexistence du budget de mobilité avec l’allocation de mobilité (cash for car)

Les deux systèmes visent à préserver l’environnement en incitant les travailleurs à abandonner leur voiture de société en surnombre.

Tandis que le cash for car présente une certaine rigidité en obligeant le travailleur d’opter soit pour le maintien soit pour l’abandon intégral de sa voiture de société et les avantages y liés contre l’octroi d’une allocation de mobilité, le budget de mobilité offre plus de flexibilité, en permettant au travailleur de l’utiliser, selon son propre choix, pour s’offrir soit une voiture respectueuse de l’environnement, soit des modes de transport alternatifs et durables, soit du cash, soit encore une combinaison de ces avantages dans les proportions qu’il détermine lui-même.

L’employeur pourra, mais ne devra pas, choisir d’instaurer au sein de sa société un des deux systèmes ou les deux systèmes côte à côte. Le travailleur pourra, mais ne devra pas, opter pour un des deux.

Reste à espérer que le budget de mobilité aura, de par sa flexibilité, plus de succès que n’a connu jusqu’à présent le cash for car.

Dans la situation actuelle de la législation, le système cash for car ne s’adresse qu’aux employeurs qui offrent déjà depuis une certaine période des voitures de société à (une partie de) leurs travailleurs (avec une exception pour les jeunes entreprises) et aux travailleurs qui en bénéficient (sauf en cas d’engagement sous certaines conditions).

Les deux projets prévoient que tant l’allocation que le budget de mobilité seront également ouverts aux travailleurs qui sont éligibles à une voiture de société en vertu de la politique salariale de l’employeur. La raison en est évidente. Il était absurde – connaissant le but de l’allocation de réduire le nombre de voitures de société –, d’obliger le travailleur à passer par la voiture de société avant de pouvoir bénéficier de l’allocation de mobilité.

II. Bref rappel du régime cash for car et modifications prévues par le projet de loi

1. Principe

Restitution par le travailleur du véhicule de société et des avantages y afférents contre l’octroi d’une allocation de mobilité annuelle.

2. Instauration

Compétence de décision exclusive de l’employeur.

3. Octroi

Demande écrite du travailleur et acceptation écrite de l’employeur, formant l’accord, qualifié de document social.

4. Conditions

Dans le chef de l’employeur :

Il doit avoir mis à la disposition de (une partie de) ses travailleurs une voiture de société depuis une période ininterrompue d’au moins 36 mois précédant la décision d’instaurer le cash for car, étant entendu que cette période d’attente ne s’applique pas aux entreprises actives depuis moins de 36 mois, à condition qu’elles mettent à disposition de (une partie de) leurs travailleurs une voiture de société.

Le Projet II rajoute une 2ème condition dans le chef de l’employeur en précisant qu’il ne peut octroyer l’allocation qu’aux travailleurs qui ont une voiture de société ou y sont éligibles en vertu de la politique relative aux voitures de société.

Dans le chef du travailleur :

  1. Au moment de la demande, il doit bénéficier depuis une période d’au moins 3 mois ininterrompus d’une voiture de société et
  2. Il doit avoir eu une voiture de société pendant au moins 12 mois durant les 36 mois précédant la demande (avec la même exception pour les jeunes entreprises).

En vertu du Projet II, le régime sera dorénavant également ouvert aux travailleurs qui sont éligibles à une voiture de société depuis au moins 3 mois au moment de la demande et pendant au moins 12 mois durant la période de 36 mois précédant la demande, avec la même exception pour les jeunes entreprises.

Les deux conditions ne s’appliquent pas lors de l’entrée en service du travailleur, s’il bénéficiait auprès de son précédent employeur (i) d’une allocation de mobilité ou (ii) d’une voiture de société pendant au moins 12 mois au cours des 36 mois précédant la demande (pas applicable s’il s’agit d’une jeune entreprise), étant entendu que si la période est inférieure à 12 mois, il peut la compléter auprès de son nouvel employeur, si celui-ci l’accepte. Le délai d’attente est de 1 mois dans ces cas.

En vertu du Projet II, il ne faudra plus vérifier ces conditions d’attente lors de l’engagement du travailleur ou en cas de changement de fonction ou de promotion avant le 1er janvier 2019.

Concernant l’allocation :

Elle ne peut pas être octroyée en remplacement total ou partiel d’avantages existants autres que la voiture de société.

Le projet II prévoit une exception lorsque l’allocation remplace un avantage reçu en compensation d’un refus d’une voiture de société.

5. Montant de l'allocation de mobilité

Une somme d’argent qui correspond à la valeur annuelle de l’avantage de l’utilisation de la voiture de société restituée, évaluée à 24 ou 20 % de 6/7èmes de la valeur catalogue de la voiture selon que l’employeur prenait ou non en charge les frais de carburant liés à l’utilisation personnelle, diminué le cas échéant du montant de la participation financière du travailleur à l’avantage.

6. Traitement parafiscal et fiscal

Parafiscal :

Traitement identique à l’avantage de la voiture de société (pas d’assujettissement aux cotisations sociales ordinaires, mais paiement par l’employeur de la cotisation de solidarité).

Fiscal :

  • Avantage imposable = 4 % de 6/7èmes de la valeur catalogue (ne pouvant être inférieur à 820 EUR/an indexés ; 1.310 EUR en 2018).
  • Pas de cumul avec les exonérations fiscales des indemnités de déplacement domicile-lieu de travail (sauf si le travailleur cumulait déjà depuis trois mois la voiture de société et une telle indemnité).

7. Durée

Jusqu’à ce que le travailleur (i) exerce une fonction pour laquelle le système salarial de l’employeur ne prévoit pas de voiture de société ou (ii) bénéficie à nouveau d’une voiture de société.

Le Projet II prévoit logiquement que l’allocation cessera aussi si le travailleur bénéficie d‘un budget de mobilité.

8. Statut

Traitement identique à l’avantage de la voiture de société et donc notamment poursuite de paiement pendant la période de salaire garanti et intégration dans la rémunération servant de base au calcul de l’indemnité compensatoire de préavis (ICP).

III. Budget de mobilité

En attente du sort réservé au Projet I à la chambre, nous vous donnons ci-après un bref aperçu de son contenu.

1. Principe

Restitution du véhicule de société contre un budget, pouvant être consacré, selon le choix du travailleur, à un ou plusieurs des trois piliers du projet de loi :

  1. Une voiture respectueuse de l’environnement, satisfaisant à des critères écologiques déterminés (voiture électrique, émission de CO² limitée…).
  2. Des modes de transport alternatifs et durables (train, tram, bus, vélo (partagé), cyclomoteur (partagé), motocyclette électrique (partagée), voiture partagée, taxi, location de véhicule, etc.).
    Il est à souligner que certains frais relatifs au logement établi dans un rayon de 5 km du lieu de travail y sont assimilés, de même que le paiement d’une indemnité kilométrique ou la mise à disposition d’un vélo pour les trajets domicile-travail.
  3. Le (solde du) budget en cash.

2. Instauration

Compétence de décision exclusive de l’employeur.

3. Octroi

Demande écrite du travailleur et acceptation écrite de l’employeur, formant l’accord, qualifié de document social.

4. Conditions

Dans le chef de l’employeur :

  1. Il doit avoir mis à la disposition de (une partie de) ses travailleurs une voiture de société depuis les 36 mois précédant la décision d’instaurer le budget mobilité, avec la même exception pour les jeunes entreprises (cf. supra).
  2. Il ne peut octroyer le budget mobilité qu’aux travailleurs qui disposent effectivement d’une voiture de société ou y sont éligibles en raison de la catégorie de fonction qu’ils occupent en vertu de la politique relative aux voitures de société.

Dans le chef du travailleur ;

  1. Il doit bénéficier d’une voiture de société ou y avoir été éligible, en vertu de la politique relative aux voitures de société de l’employeur, depuis au moins 3 mois sans interruption au moment de la demande.
  2. Il doit avoir eu une voiture de société ou y avoir été éligible pendant au moins 12 mois durant les 36 mois précédant la demande. Cette condition n’est pas applicable lors de l’engagement du travailleur, ou en cas de changement de fonction, ou de promotion avant le 1er janvier 2019, ou encore si l’employeur est une jeune entreprise qui octroie des voitures de société.

Concernant le budget :

Il ne peut pas être octroyé en remplacement total ou partiel d’avantages existants autres que la voiture de société, sauf en cas de remplacement d’un avantage reçu en compensation d’un refus d’une voiture de société.

5. Montant du budget

Coût annuel brut total pour l’employeur d’une voiture de société, en ce compris les charges fiscales et parafiscales et tous les frais de financement et d’utilisation (prix de leasing ou de location, carburant, cotisation de solidarité, TVA non déductible etc.), diminué le cas échéant du montant de la participation financière du travailleur à l’avantage de la voiture de société. Le budget évolue avec la fonction du travailleur mais n’est pas indexé. Une adaptation conventionnelle ne peut être supérieure à ce qu’aurait donné l’application de l’indexation.

6. Traitement parafiscal et fiscal

Voiture écologique : Traitement identique à l’avantage de la voiture de société.

Transports alternatifs : Entièrement exonérés (para)fiscalement pour le travailleur et déductible pour l’employeur.

Budget en cash : Assujetti à une cotisation sociale spéciale de 38,07 % dans le chef du travailleur. Exonéré fiscalement dans le chef du travailleur et déductible pour l’employeur.

Le budget mobilité n’est pas cumulable avec les exonérations fiscales des indemnités de déplacement domicile-lieu de travail (sauf si le travailleur cumulait déjà depuis trois mois la voiture de société et une telle indemnité).

7. Durée

Jusqu’à ce que (i) le travailleur exerce une fonction pour laquelle la politique salariale de l’employeur ne prévoit pas de voiture de société (ii) il bénéficie à nouveau d’une voiture de société ou d’une allocation de mobilité.

8. Statut

Traitement identique à l’avantage lié à l’usage privé de la voiture de société, et donc notamment poursuite de paiement pendant les périodes de salaire garanti et intégration dans la rémunération servant de base au calcul de l’ICP.

IV. Lequel des deux systèmes choisir … ?

Le budget de mobilité, s’il voit le jour…, devrait avoir plus de succès que le cash for car n’en a  jusqu’à présent, en raison de la possibilité offerte au travailleur de « disposer » à sa guise du budget, en l’allouant partiellement ou totalement soit à une voiture écologique, soit à d’autres moyens de transports plus durables, soit à une combinaison des deux, ou encore en s’octroyant le budget partiellement voire totalement en cash. Cette dernière option est cependant clairement découragée par le gouvernement au profit des deux premiers piliers, puisque très concrètement, le travailleur qui opterait intégralement pour le 3ème pilier se verrait pénalisé, son budget étant diminué de 38 %. Dans ce cas, le travailleur ferait mieux d’opter pour le cash for car, plus avantageux financièrement.

Le choix du travailleur entre les deux systèmes, si ce choix lui est offert par son employeur, sera donc essentiellement guidé par le but qu’il recherche. S’il souhaite avoir du cash, il optera pour le cash for car. S’il ne peut se passer de sa voiture de société tout en se souciant de l’environnement, il optera pour la voiture écologique, le cas échéant combiné avec d’autres modes de transport, voire une partie en cash.

Quant à l’employeur, l’instauration des deux systèmes ne devrait pas entrainer plus de tracas administratifs que l’octroi de voitures de société (à confirmer par arrêté royal). C’est en tout cas à espérer, au risque de voir cette belle initiative du gouvernement rester lettre morte. Aucune raison donc a priori de ne pas offrir les deux alternatives à ses travailleurs.

L’intention du gouvernement d’impulser un changement de mentalité et d’encourager une mobilité durable est louable. Reste à espérer que les employeurs et travailleurs soient conscientisés par la nécessité de réduire le nombre de voitures et s’intéressent de plus près à ces deux systèmes offrant une alternative à la voiture de société, présentant chacune ses intérêts en fonction des circonstances.

Reste à voir si cette dernière vague de réformes liées au "jobsdeal" du gouvernement ne tombera pas à l'eau en même temps que ce dernier.

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COMMENT DÉCLARER SON IMMEUBLE À L’ETRANGER OU CELUI MIS À DISPOSITION GRATUITEMENT PAR L’ENTREPRISE? Le fisc ne sait pas, ne peut pas, et il reste planté là…

Département : 

A. QUE DOIT-ON déclarer lorsque l’on est propriétaire d’une seconde résidence à l’étranger ?

La jurisprudence européenne fixe des balises mais ne trace pas la route pour autant. Et le législateur belge reste bien en peine de se conformer au droit européen…

1. La loi

L’on sait que le sort fiscal d’un immeuble diffère selon qu’il se situe en Belgique ou à l’étranger : dans le 1er cas, la base imposable se compose du revenu cadastral indexé, majoré de 40%, que le bien ne soit pas loué ou qu’il soit donné en location à des fins privées alors que dans le 2nd, la base imposable (à des seules fins  de progressivité en cas de CPDI) est composé de la valeur locative réelle. On voit immédiatement poindre un traitement différent sans justification

Lorsque le bien est situé à l’étranger, les conventions préventives de la double imposition conclues entre les Etats et basées sur le modèle de l’OCDE prévoient habituellement que seul l’Etat dans lequel se trouve l’immeuble dispose du pouvoir d’imposition. L’immeuble est alors taxé à l’étranger et exonéré en Belgique. La valeur locative réelle du bien (pour un immeuble non loué) ou le montant total des loyers et des avantages locatifs (lorsque le bien est loué) doit toutefois être reprise dans la déclaration fiscale en Belgique en vue du calcul de la réserve de progressivité (qui vise à tenir compte des revenus perçus à l’étranger pour déterminer le taux applicable aux autres revenus imposables en Belgique). Or, cette valeur est généralement bien supérieure au revenu cadastral belge, qui ne reflète généralement pas la valeur locative réelle des immeubles en Belgique.

Il en résulte donc une inégalité flagrante de traitement selon que l’immeuble se situe ou non en Belgique.

2. Les condamnations par la CJUE

Par deux fois la Belgique s’est donc vue condamnée par la Cour de justice de l'UE pour ses règles contraires à la libre circulation des capitaux.

Une circulaire est intervenue en juin 2016, soit après le 1er arrêt de la Cour prononcé le 11 septembre 2014, pour tenter de mettre fin au problème des immeubles non donnés en location. Celle-ci permet alors au contribuable de ne retenir que la valeur locative du bien telle que déterminée par l’administration fiscale de l’Etat où se situe l’immeuble, diminuée des impôts étrangers. Cette circulaire ne réglait toutefois pas la situation des immeubles donnés en location.
Dans son second arrêt rendu le 13 avril 2018, la CJUE a donc condamné une deuxième fois la Belgique en exhortant cette dernière a également adapter sa législation vis-à-vis des biens donnés en location à des fins privées.

3. Que faire ?

Résultat des courses, les dispositions fiscales belges relatives à l’évaluation des immeubles situés à l’étranger sont contraires au droit européen, il y a lieu de prendre en compte « une autre valeur ». Oui mais laquelle ? A défaut d’une quelconque réaction législative, cette question fut jusqu’ici abandonnée aux Cours et tribunaux. 

La Cour d’appel d’Anvers (2 juin 2015) et le Tribunal de première instance de Bruxelles (24 février 2017) avaient tous deux décidés de prendre en compte, pour des immeubles non donnés en location situés en France, la valeur locative brute telle que fixée par le fisc français pour le calcul des taxes foncières et de la taxe d’habitation, diminuée de la taxe foncière (et pas la taxe d’habitation) retenue à l’étranger. Cette approche était au demeurant déjà prévue par le commentaire administratif 13/8, Com.IR 92, rappelé dans la circulaire de juin 2016 précitée.   

La Cour d’appel de Liège (28 juin 2017) a quant à elle eu l’occasion de statuer sur un immeuble donné en location, et a validé la thèse d’un contribuable qui s’était basé sur un communiqué de la Commission européenne du 22 mars 2012 qui évaluait « entre 20 et 25% de la valeur de marché les revenus immobiliers de source domestique ». La Cour a ainsi accepté de prendre en compte un montant de 22, 5% des loyers perçus par le contribuable sur son immeuble au Gd Duché du Luxembourg.     

Dans l’intervalle, le Tribunal de première instance d’Anvers (24 avril  2017) avait quant à lui repris 1% de la valeur d’achat d’un bien non loué situé en Italie dans la mesure où l’Italie ne connait pas d’équivalent au revenu cadastral belge et où, dans le cas d’espèce, le contribuable ne disposait que de l’acte d’achat de immeuble sans autre élément permettant d’en évaluer la valeur locative.

Si cette jurisprudence tente de palier aux manquements du législateur, il n’en reste pas moins que c’est bien à ce dernier de fixer les règles. Il échet malheureusement de constater que tel n’est actuellement toujours pas le cas. Dans le cadre du conclave budgétaire de cet été 2018, le Ministre des Finances aurait toutefois été chargé de se pencher sur la question…

B. Mise à disposition gratuite d’un immeuble : encore un compromis à la Belge…

Le problème ne date pas d’hier : mettre un immeuble (bâti) gratuitement à disposition d’une personne physique (employé, cadre, dirigeant d’entreprise, etc.) dans le cadre de l’activité professionnelle de cette dernière représente un avantage de toute nature (ATN) au sens de l’article 36, CIR 92,  qui ne vaut pas la même chose selon que le disposant est une personne morale ou une personne physique.

En effet, les règles d’évaluation de l’ATN retiré de cette mise à disposition gratuite sont nettement moins favorables lorsque le disposant est une personne morale : l’avantage fixé forfaitairement par arrêté royal à 100/60 du revenu cadastral, majoré, le cas échéant, de 2/3 s’il s’agit d’un logement meublé, est alors multiplié par 3,8 (pratiquement le quadruple d’un immeuble mis à disposition par une personne physique !). Ce coefficient est toutefois réduit à 1,25 pour les immeubles modestes dont le revenu cadastral non indexé n’excède pas 745 EUR.

Exemple : Pour une valeur fictive de 100 (100/60 du RC), un employé qui dispose de l’immeuble mis à disposition par la société qui l’emploie sera donc taxé sur une valeur de 380 (100 x 3,8) au lieu de 100 si ce même immeuble était mis à disposition par son employeur personne physique.

Cette différence de traitement a été condamnée à de multiples reprises par les Cours et tribunaux du nord du pays (Gand, 24 mai 2016 ; Anvers, 24 janvier 2017 ; Gand, 20 février 2018 ; Civ. Anvers, 16 février 2018 ; Civ. Anvers, 02 mars 2018), et plus récemment encore par le Tribunal de première instance de Namur (15 mars 2018), en raison de son inconstitutionnalité. 

Ces décisions avaient toutes conclues à l’absence de justification raisonnable et objective à la distinction opérée par l’arrêté royal et ont conduit l’administration a publié en mai dernier une circulaire supprimant en pratique les coefficients précités de 3,8 et 1,25 lors du calcul de l’ATN. Cette position devait rester valable en attendant les modifications de l’arrêté royal qui s’imposent.

Lors du conclave budgétaire de cet été, la décision fut prise de fixer un coefficient fixe de 2, que l’immeuble soit mis à disposition par une personne physique ou morale, et quel que soit le montant du RC non indexé. Aucun projet de loi n’a toutefois encore été publié. Affaire à suivre donc…

*    *    *

2018 semble être l’année de tous les possibles en matière de fiscalité relative aux immeubles et place sous le feu des projecteurs le rôle essentiel joué par nos cours et tribunaux. Cette jurisprudence met en lumière le caractère manifestement erroné de notre fiscalité immobilière fondée sur un revenu cadastral dépassé. Faute d’un législateur proactif, les cours et tribunaux font bouger les lignes et tentent de maintenir l’Etat de droit sur les rails.

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Les secrets d'affaires en droit du travail

Département : 

Le 12 juin dernier, le Gouvernement a demandé à la Chambre de voter un projet de loi relatif à la protection des secrets d’affaires. La Belgique doit en effet transcrire en droit national la directive (UE) 2016/943 du Parlement Européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secret d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicite.

Le but est de garantir un même niveau de protection des secrets d’affaires dans l’ensemble des pays de l’UE, en prévoyant une série de normes de conduite identiques dans chaque pays.

Les secrets d’affaires comprennent les savoir-faire d’une entreprise, les secrets de fabrique ou d’affaires ou certaines informations que cette entreprise peut détenir, qu’elle considère comme secrètes et qui possèdent, à ce titre, une valeur commerciale à protéger.

Le projet de loi prévoit des modifications du Code de droit économique, du Code judiciaire ainsi que de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail.

L’actuel article 17, 3°, de cette loi prévoit que le travailleur a l’obligation de s’abstenir, tant au cours du contrat qu’après la cessation de celui-ci, de divulguer les secrets de fabrication ou d’affaires, ainsi que le secret de toute affaire à caractère personnel ou confidentiel dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de son activité professionnelle.

Les notions de secret d’affaires ou d’information confidentielle ne sont pas définies dans la loi du 3 juillet 1978. Pour combler cette lacune, le législateur veut utiliser des définitions identiques de ces notions en droit économique et en droit du travail.

Le Gouvernement propose donc au Parlement de modifier l’article 17, 3°, de la loi du 3 juillet 1978 et de le libeller comme suit :

« Le travailleur s’interdit de s’abstenir tant au cours du contrat de travail qu’après la cessation de celui-ci :

  1. De divulguer de manière illicite au sens de l’article 8/1 du Livre XI du Code de droit économique un secret d’affaires au sens de l’article 1.17/1, 1°, du même code, dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de son activité professionnelle ainsi que de divulguer le secret de toute affaire à caractère personnel ou confidentiel dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de son activité professionnelle ;
  2. […] ».

La notion de secret d’affaires en droit du travail est donc la même qu’en droit économique.

Est un secret d’affaires toute information qui répond à toutes les conditions suivantes :

  1. Elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l’assemblage exact de ses éléments, elle n’est pas généralement connue des personnes appartenant au milieu qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
  2. Elle a une valeur commerciale parce qu’elle est secrète ; et
  3. Elle a fait l’objet de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète.

Le même Code de droit économique prévoit encore ce qu’il faut entendre par « obtention illicite d’un secret d’affaires », à savoir, l’obtention d’un secret d’affaires sans le consentement du détenteur du secret d’affaires lorsqu’elle est réalisée par le biais :

1° d’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier informatique ou d’une appropriation ou copie non autorisée de ces éléments, que le détenteur du secret d’affaires contrôle de façon licite et qui contiennent ledit secret d’affaires ou dont le secret d’affaires peut être déduit ;

2° de tout autre comportement qui, eu égard aux circonstances, est considéré comme contraire aux usages honnêtes en matière commerciale. 

L’utilisation, la divulgation d’un secret d’affaires est considérée comme illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement du détenteur du secret d’affaires par une personne dont il est constaté qu’elle répond à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

1° elle a obtenu le secret d’affaires de façon illicite ;

2° elle agit en violation d’un accord de confidentialité ou de toute autre obligation de ne pas divulguer le secret d’affaires ;

3° elle agit en violation d’une obligation contractuelle ou de toute autre obligation limitant l’utilisation du secret d’affaires.

L’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est aussi considérée comme illicite lorsqu’une personne savait ou aurait dû savoir que ce secret avait été obtenu de façon illicite.

Ces différentes interdictions ne peuvent cependant pas atteindre à la liberté de la presse, à des divulgations pour des motifs d’intérêt public mais aussi, pour ce qui concerne le droit du travail, à l’autonomie des partenaires sociaux et leur droit de conclure des conventions collectives.

En outre, les dispositions relatives à la protection de secret d’affaires ne peuvent pas limiter l’utilisation, par les travailleurs, de l’expérience et des compétences acquises de façon honnête dans l’exercice normal de leurs fonctions et ne peuvent pas leur imposer des restrictions supplémentaires autres que celles prévues par la loi.

Le projet prévoit encore ce qu’il faut entendre par une obtention licite d’un secret d’affaires, à savoir :

1° une découverte ou une création indépendante ;

2° l’étude d’un produit qui a été mis à la disposition du public ou qui est, de façon licite, en possession de la personne qui détient l’information ;

3° l’exercice du droit des travailleurs ou des représentants des travailleurs à l’information et la consultation, conformément au droit national et aux pratiques nationales ;

4° et toute autre pratique qui est conforme aux usages honnêtes en matière commerciale.

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DERNIÈRES ÉVOLUTIONS FISCALES EN RÉGION WALLONNE - DROITS DE DONATION

Département : 

Ces dernières années, concurrence fiscale aidant, la Région wallonne a adopté de nombreux décrets visant à simplifier et diminuer ses droits de donation. Le projet de décret adopté en commission ce lundi 16 juillet  2018 par le parlement wallon continue dans cette lancée.

i. Pour rappel, un premier pas encourageant fut déjà réalisé par le décret du 13 décembre 2017 portant diverses modifications fiscales. Depuis le 1er janvier 2018, la Région wallonne a supprimé le tarif de 7,7% applicable pour les donations mobilières enregistrées entre tiers. Seuls subsistent donc aujourd’hui, pour les donations mobilières, le taux de 3,3% en ligne directe et le taux de 5,5% entre toute autre personne. Ceci en fait la Région la plus  intéressante pour les donations enregistrées à un tiers puisque le taux de 7% en Régions bruxelloise et flamande a été maintenu.

Entre autre, soulignons l’exonération complète des droits de succession sur «  la part nette du conjoint ou du cohabitant légal ayant droit dans l'habitation qui servait de résidence principale au défunt et à son conjoint ou cohabitant légal, depuis au moins cinq ans à la date de son décès. Ce régime d’exonération fiscale s’applique à présent dans les trois Régions du pays même si de légères différences subsistent au niveau des conditions d’application de cette exonération.

ii. Le projet de décret adopté en commission ce lundi 16 juillet 2018 est à nouveau porteur de bonnes nouvelles.

a. Une nouvelle diminution des droits de donation immobilière :

En effet, le gouvernement wallon souhaite diminuer les droits de donation immobilière en limitant (1°) les catégories de donataires et (2°) les tranches imposables. Le nombre de tarifs applicables passerait ainsi de 39 à 8… Il n’y aurait en effet plus que deux catégories de donataires et quatre tranches d’imposition.

Les nouveaux tarifs applicables seraient les suivants :

 

Ligne directe, entre époux et cohabitants légaux

Entre autre personnes

Tranche de donation

Pourcentage d’imposition

Pourcentage d’imposition

De 0€ à 150.000 €

3%

10%

De 150.000 € à 250.000 €

9%

20%

De 250.000 € à 450.000 €

18%

30%

Au-delà de 450.000 €

27%

40%

 

Si, un père, résident fiscal wallon, souhaite aujourd’hui donner un bien immobilier estimé à 400.000 € à ses deux fils, les droits de donation s’élèvent à 27.000 € alors qu’ils sont de 18.000 € en Région bruxelloise et flamande. Si les taux proposés dans l’avant-projet de décret sont maintenus, les droits de donation seraient ramenés à 18.000 €, soit l’équivalent des deux autres Régions.

De même, si la donation a lieu entre une tante et ses deux neveux, les droits de donation en Région wallonne sont à ce jour de 80.000 € alors qu’ils sont de 50.000 € en Région bruxelloise et flamande. L’application de ces nouveaux tarifs permettra également d’arriver à un résultat équivalent à celui des deux autres Régions.

Corollairement à cette simplification des droits de donation immobilière envisagée, les tarifs particuliers applicables, sous conditions, à la donation de résidence principale ont été supprimés. A l’instar des deux autres Régions, les mêmes tarifs seront utilisés pour toutes les donations immobilières.

b. Éclaircie en ce qui concerne les pactes successoraux :

Dans le cadre de la loi du 31 juillet 2017 modifiant des libéralités et successions, publiée au Moniteur belge le 1er septembre 2017, il sera possible dès le 1er septembre 2018 de rédiger des pactes successoraux. L’utilité de ces pactes est évidemment importante vu la possibilité de mettre tous ses héritiers autour de la table, d’évoquer toutes les opérations de donation réalisées par le passé, leur valorisation, leurs conditions, … et de tout figer à la date du pacte afin que ces donations ne puissent plus être contestées par un héritier au jour de l’ouverture de la succession du donateur. Le formalisme imposé par la loi à ces pactes successoraux est important (afin de protéger des héritiers qui renoncent à certains de leurs droits avant l’ouverture de la succession) et requière impérativement la rédaction d’un acte notarié. La question qui subsistait était celle du  régime fiscal applicable à la révélation volontaire de donations non-enregistrées en Belgique dans cet acte enregistré. Il est certain que si, à l’occasion de cette révélation, d’anciennes donations, non-enregistrées en Belgique, étaient imposées aux droits de donation, le succès de ces pactes successoraux serait fortement compromis.

A l’occasion de ce projet de décret, le gouvernement wallon, s’alignant ainsi sur la Région flamande, confirme que ces anciennes donations, non-enregistrées, ne feraient l’objet d’aucune imposition.

*         *          *

Par ce nouveau projet de décret, la Région wallonne entend renforcer son attractivité fiscale par rapport aux deux autres Régions et augmenter ses recettes en encourageant, grâce à la diminution et la simplification de ses taux, les donations immobilières.

En outre, le législateur fiscal wallon entend soutenir le législateur fédéral qui a voulu moderniser le droit patrimonial et successoral en permettant la conclusion de pactes successoraux. On ne peut donc qu’encourager ce type d’initiative qui offre l’avantage d’apporter au justiciable une certaine cohérence juridique.

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DISPOSITIF PREVENTIF DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET DU FINANCEMENT DU TERRORISME : LES ADMINISTRATEURS DOIVENT IDENTIFIER LES BENEFICIAIRES EFFECTIFS ET COMMUNIQUER LEURS INFORMATIONS AU REGISTRE UBO

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Un article 14/1 a été inséré dans le Code des sociétés par la loi du 18 septembre 2017 transposant la quatrième directive AML (ci-après « Directive BC/FT »). Un article 58/11 a, quant à lui, été inséré dans la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les fondations, les partis politiques européens et les fondations politiques européennes.

I. Obligation des administrateurs

Ainsi, les ASBL, les fondations et les sociétés doivent recueillir et conserver des informations adéquates, exactes et actuelles sur qui sont leurs bénéficiaires effectifs. Que vise-t-on ? Au moins le nom, la date de naissance, la nationalité et l’adresse du ou des bénéficiaire(s) effectif(s).

Les administrateurs des ASBL, des fondations et des sociétés devront transmettre, dans le mois, à partir du moment où les informations relatives aux bénéficiaires effectifs sont connues ou modifiées, et ce, par voie électronique, les données collectées au registre des bénéficiaires effectifs, plus communément appelé « registre UBO ».

A défaut d’agir en ce sens, les administrateurs seront punis d’une amende de 50 à 5.000 euros.

Par ailleurs, les administrateurs des personnes morales visées ci-dessus devront bien évidemment communiquer aux entités assujetties  - lorsqu’elles respectent leur obligation d’identification du bénéficiaire effectif - les informations ainsi recueillies, outre les informations sur le propriétaire légal.

Rappelons qu’à défaut d’agir en ce sens, l’entité assujettie ne pourra nouer la relation d’affaires (puisqu’elle ne peut respecter son obligation d’identification du bénéficiaire effectif) et que la question d’une éventuelle déclaration en cas de soupçon de ce chef sera analysée.

II. Bénéficiaires effectifs

La notion de « bénéficiaire effectif », déjà introduite par la loi du 18 janvier 2010 dans le dispositif préventif, a été modifiée et précisée.

Aujourd’hui, la notion de « bénéficiaire effectif » vise trois hypothèses :

(i) la ou les personne(s) physique(s) qui, en dernier ressort, possède(nt) ou contrôle(nt) le client, le mandataire du client ;

(ii) le bénéficiaire des contrats d’assurance-vie ;

(iii) la ou les personne(s) physique(s) pour lesquelles une opération est exécutée ou une relation d’affaires nouée.

Les sociétés, ASBL et les fondations doivent recueillir les informations sur la première catégorie.

Sont considérés comme possédant ou contrôlant en dernier ressort :

(i) Dans les cas des sociétés :

A. La ou les personne(s) physique(s) qui possède(nt), directement ou indirectement, un pourcentage suffisant de droit de vote ou une participation suffisante dans le capital de cette société, y compris au moyen d’actions au porteur.

La Loi dispose que sera considérée comme une participation directe suffisante le fait qu’une personne physique possède plus de 25% des droits de vote ou plus de 25% des actions ou du capital de la société. Cette détention de plus de 25% est un indice de pourcentage suffisant de droit de vote ou de participation directe suffisante.

La Loi dispose en outre qu’une participation détenue par une société contrôlée par une ou plusieurs personne(s) physique(s), ou par plusieurs sociétés qui sont contrôlées par la ou les même(s) personne(s) physique(s), à hauteur de plus de 25% pour des actions ou de plus 25% du capital de la société est un indice de participation indirecte suffisant.

B. La ou les personne(s) physique(s) qui exerce(nt) le contrôle de cette société par d’autres moyens.

L’exercice du contrôle par d’autres moyens peut être établi notamment, précise le texte, conformément aux critères visés à l’article 22, §§1er à 5 de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, ou aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises.

C. Si, après avoir épuisé tous les moyens possibles, et pour autant qu’il n’y ait pas de motif de suspicion, aucune des personnes visées aux points (i) et (ii) n’est identifiée, ou s’il n’est pas certain que la ou les personne(s) identifiée(s) soi(en)t les bénéficiaires effectifs, la ou les personne(s) physique(s) qui occupe(nt) la position de dirigeant principal.

(ii) Dans le cas des associations sans but lucratif et des fondations :

A. Les administrateurs et membres des conseils d’administration ;

B. Les personnes habilitées à la représenter;

C. Les fondateurs des fondations ;

D. Les personnes chargées de la gestion journalière ;

E. Les personnes physiques ou, lorsque ces personnes n’ont pas encore été désignées, la catégorie de personnes physiques dans l’intérêt principal desquelles l’association sans but lucratif ou la fondation a été constituée ou opère;

F. Toute autre personne physique exerçant par d’autres moyens le contrôle en dernier ressort sur l’association sans but lucratif ou la fondation.

III. Registre UBO

Il est créé, au sein de l’administration générale de la Trésorerie du Service Public Fédéral Finances, un service chargé d’un registre centralisé des bénéficiaires effectifs dénommé « registre UBO ».

Nous avons vu que les administrateurs des ASBL, des fondations et des sociétés l’alimenteront. Mais qui y aura accès ? Réponse dans un arrêté royal encore à paraître…

En réalité, la question de l’accès au registre UBO est controversée.

Selon les travaux parlementaires, celui-ci est accordé uniquement aux fins de permettre aux entités assujetties de respecter leurs obligations en matière préventive. Toutefois, dans l’avant-projet de loi-programme, il était prévu de modifier les articles 322 et 338 du CIR 92 pour permettre à l’administration fiscale (i) d’avoir accès audit registre et (ii) d’échanger les informations avec les autorités fiscales étrangères.

IV. Obligation de l’actionnaire ?

L’article 515bis du Code des sociétés a été inséré, pour rappel, par la loi du 18 janvier 2010 implémentant la troisième directive. Cette disposition emporte l’obligation pour toute personne physique ou morale qui acquiert les titres représentatifs ou non du capital, conférant le droit de vote dans des sociétés anonymes (autres que celles soumises à l’obligation de transparence) et qui ont émis des actions au porteur ou dématérialisées, de déclarer à la société, au plus tard le cinquième jour ouvrable suivant le jour de l’acquisition, le nombre de titres qu’elle possède lorsque les droits de vote afférents à ces titres atteignent une quantité de 25% ou plus du total des droits de vote existant au moment de la réalisation de l’opération donnant lieu à la déclaration.

Cette disposition est modifiée et prévoit aujourd’hui que cette obligation pèse sur toute personne physique qui acquiert lesdits titres directement ou indirectement.

V. Conclusion

Le dispositif préventif a été fortement remanié à l’occasion de la transposition de la quatrième directive. La cinquième directive est, quant à elle, en cours de préparation.

L’on constate, en ce qui concerne l’identification du bénéficiaire effectif, que la boucle est bouclée :

(i) l’actionnaire doit déclarer à la société ses participations de plus de 25% ;

(ii) les ASBL, les fondations et les sociétés doivent recueillir les informations exactes, adéquates et utiles concernant leurs bénéficiaires effectifs et doivent les communiquer (i) au registre UBO et (ii) aux entités assujetties lorsqu’elles accomplissent leur obligation d’identification en matière préventive ;

(iii) les entités assujetties ne peuvent nouer la relation d’affaires ni procéder à l’opération si l’identification n’est pas effectuée.

Ainsi, le dispositif préventif du blanchiment d’argent aura amené une transparence.

Celle-ci n’est pas encore suffisante aux yeux de certains Etats qui souhaiteraient que le registre UBO soit accessible bien évidemment à toute autorité fiscale, mais pas uniquement. La France soutient une accessibilité dudit registre à tout tiers, notamment aux journalistes d’investigation…

Affaire à suivre…

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LOI-PROGRAMME DU 25 DÉCEMBRE 2017 : TOUR D’HORIZON DES CHANGEMENTS EN DROIT SOCIAL

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Le 25 décembre 2017, une Loi-Programme (ci-après « la Loi ») a été adoptée par la Chambre et publiée au Moniteur belge le 29 décembre. Outre les changements en matière fiscale, cette Loi contient aussi différentes mesures relatives au droit social et au droit de la sécurité sociale.

Parmi celles-ci, les cinq plus significatives sont les suivantes:

  • l’augmentation de la cotisation spéciale de sécurité sociale pour les pensions complémentaires ;
  • l’extension des flexi-jobs aux secteurs du commerce et aux pensionnés ;
  • l’introduction d’une nouvelle prime bénéficiaire au profit des salariés sur les bénéfices distribuables ;
  • l’instauration d’une cotisation d’activation en cas de dispense de prestations de travailleurs avec maintien de rémunération ;
  • l’introduction d’une cotisation de responsabilisation en matière d’occupation de travailleurs à temps partiel.

I. L’augmentation de la cotisation spéciale de sécurité sociale pour les pensions complémentaires

Début 2012, une cotisation spéciale de sécurité sociale, dite « Wijninckx », a été introduite, s’élevant à 1,5% sur les versements effectués par l’employeur dans le cadre de la constitution d’une pension complémentaire d’un travailleur. Elle a été instaurée pour lutter contre les « pensions complémentaires élevées », pouvant parfois dissimuler une rémunération déguisée. Ladite cotisation Wijninckx, supplémentaire à la cotisation patronale ordinaire de 8,86%, s’applique lorsque, pour un travailleur salarié, la somme des contributions et/ou primes patronales en vue de la constitution d'une pension complémentaire dépasse le seuil de 30.000 euros par an (montant indexé pour 2017 : 31.836,00 EUR). L’employeur doit donc vérifier pour chaque année de contribution si le seuil est dépassé pour un travailleur déterminé et, si c’est le cas, payer cette cotisation spéciale sur la partie qui dépasse ce montant. Tant les montants payés par l'employeur que ceux payés par le travailleur sont pris en considération pour déterminer si le seuil de 30.000 euros est dépassé, mais la cotisation spéciale n'est calculée que sur la partie de ces contributions qui excède le seuil et qui est payée par l'employeur. Un régime similaire s'applique aux indépendants.

Dans la Loi, le pourcentage de la cotisation spéciale est doublé : il passe de 1,5% à 3% au 1er janvier 2018.

En outre, en vertu de la loi du 30 septembre 2017 portant des dispositions diverses en matière sociale, le montant fixe de 30.000 euros sera remplacé, à partir du 1er janvier 2019, par un « objectif de pension », par travailleur. Ainsi, la cotisation sera due si, au 1er janvier de l'année qui précède l'année de cotisation, la somme de la pension légale et de la pension complémentaire d'un travailleur dépasse le montant maximal de « l'objectif de pension ». Cet objectif de pension équivaut au montant maximum des pensions du secteur public multiplié par la fraction de carrière. À partir de cette date, la contribution spéciale sera due sur le montant total des contributions patronales - et plus uniquement sur la partie des contributions qui excède 30.000 euros -, si la somme de la pension complémentaire et de la pension légale dépasse l’objectif de  pension.

II. L’extension des flexi-jobs au secteur du commerce et aux travailleurs pensionnés

Fin novembre 2015, le législateur a introduit le concept de « flexi-job », limité, dans un premier temps, au secteur de l’Horeca. Ce système permet à ceux qui ont déjà une activité à titre principal (correspondant au minimum à un 4/5 temps) de travailler dans un établissement Horeca, en bénéficiant d’un salaire net non barémique convenu entre les parties, mais soumis au minimum légal prévu pour le flexi-salaire (minimum 9,18 euros/heure), augmenté du flexi-pécule de vacances (7,67 % du flexi-salaire).

La rémunération nette est exonérée d’impôt et une cotisation sociale patronale spéciale de 25% est due. Le travailleur tire du flexi-job un revenu net plus élevé que celui résultant d’une occupation normale et l’employeur bénéficie d’un coût total plus bas.

Le Gouvernement a décidé d’étendre la possibilité de flexi-jobs à partir du 1er janvier 2018 aux secteurs du commerce, tant les PME que la grande distribution, qu’il s’agisse du secteur alimentaire, du commerce de détail ou encore du secteur de la coiffure et des soins de beauté (la Loi établit une liste détaillée des secteurs concernés).

En outre, il a également décidé d’étendre cette possibilité avantageuse aux travailleurs pensionnés (à l’exclusion de ceux bénéficiant d’une allocation de transition), ceux-ci ayant déjà fortement contribué dans le passé au financement de la sécurité sociale.

III. L’introduction d’une nouvelle prime bénéficiaire sur les bénéfices distribuables

Le Gouvernement souhaite améliorer le pouvoir d’achat et encourager le développement des entreprises. Dans cet esprit, il a proposé une mesure permettant aux employeurs d’octroyer à leurs travailleurs salariés une prime sur les bénéfices distribuables de l’exercice comptable, la « prime bénéficiaire », avec un traitement fiscal et social intéressant : le travailleur paie une cotisation de solidarité égale à 13,07% du montant de la prime et une taxe de 7% (taxe assimilée aux impôts sur les revenus), tandis que pour l’employeur, la prime est considérée comme une dépense non admise et est donc soumise à l’impôt de sociétés (29% pour 2018).

Via cette prime, représentant soit une somme forfaitaire, soit un pourcentage de la rémunération ou du bénéfice distribuable, les employeurs pourront récompenser de manière simple et flexible leurs travailleurs salariés. La prime bénéficiaire pourra être identique pour tous les travailleurs ou catégorisée, sans qu’elle ne puisse venir en remplacement d’une rémunération.

Ladite prime pourra être octroyée à partir du 1er janvier 2018 (année comptable 2017). Le montant total octroyé ne pourra dépasser 30% de la masse totale des rémunérations brutes à charge de l’employeur.

IV. L’instauration d’une cotisation d’activation en cas de dispense de prestations avec maintien de rémunération

La pratique consistant à dispenser de prestations les travailleurs âgés, tout en maintenant tout ou partie de leur rémunération, en dehors du mécanisme du régime de chômage avec complément d’entreprise, n’a cessé de croître. Pour lutter contre cette tendance consistant à laisser ces personnes à leur domicile en continuant à les payer plutôt que de les encourager à se réorienter, la Loi instaure une cotisation d’activation à charge des employeurs, à partir du 1er janvier 2018, pour les travailleurs dispensés de prestations après le 28 septembre 2017.

Cette cotisation spéciale d'activation est due (i) lorsqu’un travailleur ne fournit aucune prestation durant un trimestre complet auprès du même employeur, à l'exception des suspensions légales (incapacité de travail, vacances annuelles, etc.), et (ii) dans le cas de dispense de prestations durant la période de préavis.

Le taux de la cotisation d’activation sera défini en fonction de l’âge du travailleur au moment où il est dispensé de prestations et restera constant jusqu’à l’âge de la pension légale (selon une échelle allant de 20% du salaire trimestriel brut du travailleur de moins de 55 ans, avec un minimum de 300 euros, à 10% pour ceux qui ont plus de 62 ans au moment de l’octroi de la dispense, avec un minimum de 225,60 euros).

La Loi prévoit des réductions et des exonérations de cette cotisation dans certains cas, par exemple si une formation organisée par l’employeur a été imposée et suivie par le travailleur.

V. L’introduction d’une cotisation de responsabilisation en matière d’occupation de travailleurs à temps partiel

La loi-Programme du 22 décembre 1989 prévoit une obligation légale selon laquelle le travailleur à temps partiel doit se voir attribuer, par priorité, un emploi à temps plein ou à temps partiel déclaré vacant dans l’entreprise lorsqu'il a introduit une demande à ce propos.

Pour renforcer le respect de cette obligation lorsque la demande d’obtention d’un emploi vacant est introduite par un travailleur à temps partiel qui a le statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits et qui bénéficie d’une allocation de garantie de revenus, une cotisation de responsabilisation est instaurée à charge de l’employeur si celui-ci ne respecte pas le principe de priorité. Cette cotisation s’élève à 25 euros par travailleur et reste due tant que l’obligation légale n’est pas respectée.

La cotisation de responsabilisation s’appliquera aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2018 et sera destinée à l’ONSS-Gestion Globale des travailleurs salariés. Le contrôle de la présence ou pas d’heures complémentaires disponibles sera effectué sur la base des déclarations ONSS.

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LA RÉFORME DU DROIT SUCCESSORAL : QUE FAIRE AVANT LE 1ER SEPTEMBRE 2018 ?

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La loi du 31 juillet 2017, publiée au Moniteur belge, a introduit de profondes modifications dans notre code civil. Le législateur entend simplifier et moderniser les règles actuelles tout en permettant une plus grande liberté de disposer de son patrimoine. Ainsi, figure de proue de cette réforme, la quotité disponible sera à l’avenir équivalente à 50% du patrimoine, quel que soit le nombre d’enfants. Le législateur a voulu tenir compte de l’évolution de la société (i) les personnes vivent de plus en plus longtemps et (ii) ont souvent plusieurs vies. Cette loi sera applicable à toutes les successions ouvertes à partir du 1er  septembre 2018.  Tous les actes de donation même antérieurs seront donc, en principe, soumis aux nouvelles règles sauf dans certains cas (automatiquement ou par le biais  d’une confirmation notariée devant intervenir avant le 1er  septembre 2018).

I. Les principaux changements

1. La réserve et la réduction des donations

Aujourd’hui, les héritiers réservataires sont les descendants, le conjoint et en l’absence de descendants, les ascendants. La quotité disponible est quant à elle égale à 50% (si un enfant), 1/3 (si deux enfants) et ¼ (si trois enfants ou plus)..

A partir du 1er  septembre 2018, la réserve des descendants s’entendra comme une réserve globale égale à la moitié de la succession. L’autre moitié sera affectée à la quotité disponible.

La réserve du conjoint survivant n’a pas été modifiée (sauf en ce qui concerne la réserve concrète qui a été étendue au droit  de bail sur la maison d’habitation). Toutefois, lors de l’appréciation de cette réserve, il a été prévu que le conjoint survivant ne pourra plus faire valoir son droit à la réduction sur des libéralités effectuées avant son mariage avec le donateur.

La réserve des ascendants  a, elle, été supprimée et remplacée par une créance alimentaire en cas de besoin (limitée à un quart de la succession).

Le défunt pourra donc disposer librement de la moitié de son patrimoine.  A partir du 1er septembre 2018, la  réduction d’une donation se fera en moins prenant.  Le donataire gardera donc le bien et devra compenser notamment en argent.  Il peut toutefois consentir à une réduction en nature. Grande nouveauté de la loi : la valorisation des biens.  On prendra en compte, dans le cadre de la réduction,  la valeur indexée des actifs donnés au jour de la donation. Cependant si le donateur n’a pas pu disposer librement des biens donnés à cause, par exemple, d’une charge d’indisponibilité ou d’un usufruit, la valorisation du bien se fera au jour où la charge cessera ou l’usufruit s’éteindra.

2. Le rapport des donations

Le rapport des donations vise à maintenir l’égalité entre les différents héritiers réservataires. A défaut de précision, les libéralités à l’égard du conjoint et des descendants sont aujourd’hui présumées rapportables.

Trois changements importants sont ici à noter.

  • Seules les donations faites aux descendants seront encore présumées rapportables.
    Le rapport n’existera donc plus pour ou envers le conjoint survivant. Toutefois, pour les donations effectuées avant le 1er septembre 2018, le législateur a cependant permis le maintien des règles relatives au mode du rapport telles que prévues lors de la donation.
  • Le rapport des donations sera effectué en moins prenant et tenant compte de leur valeur indexée au jour de la donation (harmonisation avec les règles applicables en matière de réduction ; distinction opérée selon que le donataire ait pu disposer librement ou non des biens donnés).
  • S’il est aujourd’hui possible de transformer une donation rapportable en donation non-rapportable, le contraire ne l’est pas. La nouvelle loi permettra, sous réserve de l’accord du donataire, un changement dans les deux sens.

3. Les pactes sur successions futures

Le principe de l’interdiction des pactes sur succession future reste d’application mais est assoupli. La loi a en effet prévu des pactes successoraux globaux (impérativement à conclure avec tous les héritiers en ligne descendante) et ponctuels (pouvant intervenir entre certains d’entre eux).  Dans les deux cas, ces pactes successoraux devront revêtir la forme notariée et respecter un formalisme important.

Ces pactes permettront de figer les donations réalisées afin d’éviter toute contestation entre les héritiers au jour de l’ouverture de la succession du donateur. Ce dernier devra les détailler  et les valoriser afin de démontrer que selon lui, un équilibre, aussi subjectif soit-il, a été maintenu entre ses différents descendants. Si toutes les parties signent cette convention, elles renoncent de façon définitive à leur droit de demander la réduction d’une donation ou d’en contester la valeur.

Outre le lourd formalisme attaché à la mise en place de ces pactes, certaines incertitudes fiscales risquent également d’en limiter l’engouement : l’acte devant être notarié, les droits d’enregistrement seraient-ils dus sur les donations déjà intervenues et précisément inventoriées dans le pacte ? La question reste ouverte.

4. La conversion de l’usufruit du conjoint survivant

La conversion de l’usufruit du conjoint survivant demeure possible, sauf en ce qui concerne le logement familial (il faut et il faudra toujours l’accord du conjoint survivant).  Toutefois, si aujourd’hui le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation, il n’en jouira plus de la même manière demain.  La nouvelle loi ne requiert en effet  plus l’intervention du magistrat en cas d’enfants d’une autre union.  En outre,  cette conversion ne pourra être discutée et seules les tables légales seront applicables.

II. IMPACTS SUR LES PLANIFICATIONS SUCCESSORALES MISES EN PLACE

Nous nous sommes penchés sur quelques situations fréquemment rencontrées dans la pratique afin de les analyser à la lumière de la nouvelle loi.

1. Entre époux

La donation entre époux, mariés en régime de séparation de biens, est souvent privilégiée lorsque les enfants sont encore jeunes.  Elle est très souple (révocabilité des donations entre époux) et si elle  est rapportable en nature, maintient les effets ‘naturels’ en cas du décès du donateur : les enfants se voient rapporter le bien donné en nue-propriété et le conjoint survivant garde l’usufruit.  Du point de vue fiscal toutefois, les droits de succession sont évités.

Vu la suppression du rapport par le conjoint survivant des libéralités reçues du défunt, cette façon de procéder devra être revue. En effet, les actifs donnés au conjoint ne seront plus rapportés à la succession mais imputés prioritairement sur la quotité disponible. Au décès du second des époux, si les actifs donnés se trouvent encore dans son patrimoine, les enfants du donateur paieront des droits de succession sur ces actifs (sauf planification préalable par ledit second époux). Il serait donc intéressant, dans l’hypothèse fréquente où le donateur ne souhaite pas avantager en tant que tel son conjoint par rapport à ses enfants, de planifier une donation à son conjoint, rapportable en nature à l’égard de la succession et ce, avant le 1er septembre 2018.

L’application des règles transitoires prévues par la loi permet en effet que toutes les donations déjà réalisées (au 1er septembre 2018) sur la base de ce schéma resteront applicables, au jour du décès du donateur, telles que prévues et voulues initialement par ce dernier.

2. Envers les descendants

Dans le cadre des donations, lorsqu’un donateur possédait des actifs de valeurs et nature différente (cash, titres et immobilier), il était fréquent de recourir à la technique du « double acte ». Cette méthode consistait à donner les mêmes biens, le même jour, à tous les descendants en indivision afin d’éviter, au jour de l’ouverture de la succession du donateur, que l’application des règles de rapport ne fassent naître des inégalités non-souhaitées entre les enfants. C’était alors ensuite aux enfants de sortir des indivisions et de répartir les actifs donnés entre eux, selon leurs affinités. Cette méthode pourrait perdre sa raison d’être vu l’harmonisation des règles de valorisation en la matière. Il suffira en effet que la valeur des biens donnés, au jour de la donation (en pleine propriété) soit la même pour chacun des donataires.

Toutefois, il conviendra de (i) penser au conjoint envers duquel ces donations ne seront plus rapportables et (ii) à l’égalité’ des règles en matière de valorisation qui seront anéanties en cas de donation avec réserve d’usufruit. 

En ce qui concerne le conjoint, si la donation intervient, après le mariage, et qu’elle est effectuée avec réserve d’usufruit, le législateur a prévu dans ce cas, un usufruit « continué » pour le conjoint survivant. Cet usufruit étant un droit nouveau de nature successorale, nous partons de l’hypothèse qu’il ne sera pas imposé en droits de succession. Cette disposition permettra donc in fine, comme auparavant, au conjoint survivant de bénéficier d’un usufruit successoral non taxable sur les biens donnés par son époux aux enfants.

Par contre, en ce qui concerne le rapport, on devra se baser sur la valeur du bien au jour du décès (si le défunt n’avait pas renoncé à son usufruit préalablement) et partant, des iniquités liées uniquement au rapport pourraient ressurgir.  La technique du double acte ne sera donc pas nécessairement révolue.

3. Envers des tiers

S’il est vrai que l’augmentation de la quotité disponible permettra dans la grande majorité des cas d’avantager de façon plus large des tiers, il est cependant à noter que, dans certains cas particuliers, la situation sera différente et ce, notamment lorsque le défunt aura voulu réduire son conjoint à sa réserve. Dans ce cas, le législateur a prévu que la réserve des descendants (c’est-à-dire des enfants) devait être libre d’usufruit. Par conséquent, la réserve du conjoint survivant s’imputera pour son usufruit sur la quotité disponible. Ainsi les libéralités en pleine propriété qu’auraient fait le défunt à des tiers (et qui s’imputent nécessairement sur la quotité disponible) se verront systématiquement réduites à la nue-propriété.  Par contre, si les droits du conjoint survivant ne sont pas réduits par testament, le démembrement usufruit/nue-propriété interviendra comme précédemment, entre les enfants et le conjoint. 

L’un des axes majeurs de la réforme était précisément celui-ci : un principe d’autonomie accrue traduit par l’élargissement quantitatif de la quotité disponible  et ce, afin de permettre d’effectuer des legs plus importants à des tiers tels que des beaux-enfants (tenant compte par ailleurs des taux favorables dans les différentes régions) ou des œuvres philanthropiques.

Tout le monde est concerné même ceux qui n’y penseraient pas: Il conviendra en effet d’être très attentif et de vérifier la formulation des dispositions testamentaires actuelles : une personne qui a trois enfants et qui lègue à un ami/une fondation la plus grande quotité disponible, lui lègue aujourd’hui un quart de sa succession alors qu’à partir du 1er  septembre 2018, elle lui lèguera la moitié de sa succession.

III. CONCLUSION

Cette réforme  nous amène à revenir sur nos pratiques passées afin de s’assurer que la volonté initiale du donateur ou du testateur sera respectée à la lumière des nouvelles dispositions légales.

Les équilibres familiaux ont en effet été modifiés et il est important d’utiliser les dix prochains mois pour vérifier si les actes de donation ou les dispositions testamentaires contiennent des mentions devant être corrigées ou s’il convient d’en confirmer le maintien dans une déclaration expresse chez le notaire.

Pour le futur, les nouvelles règles accorderont plus de liberté au donateur/testateur et plus de sécurité juridique au donataire/légataire.

Enfin, il sera absolument nécessaire de suivre l’évolution de la réforme en cours sur les régimes matrimoniaux car les liens entre les deux matières sont indissociables et auront également des impacts sur l’organisation patrimoniale des familles.

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Plan Cafetaria : C'est la soupe à la grimace pour l'ONSS

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I. position du problème

L’arrêt rendu le 8 mars 2017 par la Cour du travail de Liège, division Neufchâteau, nous donne l’occasion de nous pencher sur la question de l’instauration d’un « Plan cafétéria » au sein de son entreprise et de son admissibilité par l’ONSS.

II. Faits à la base du litige

Une entreprise occupant 135 personnes a fait appel à un cabinet de conseil en matière de stratégie salariale. Ce dernier a constaté que le salaire moyen des employés était supérieur aux barèmes de la commission paritaire dont dépendait l’entreprise. Dans son rapport, le cabinet de conseil proposait de réduire le revenu professionnel brut des employés en mettant en place un revenu alternatif qui prendrait la forme d’une allocation familiale extra-légale exempte de cotisations de sécurité sociale.

Suite à ce rapport, l’entreprise a mis en place un « plan cafétéria » en faveur de ses employés, c’est-à-dire une forme flexible de rémunération qui permet au travailleur de composer lui-même ou de modifier une partie de son package salarial. Dans ce cadre, plusieurs employés ont opté pour une conversion de leur rémunération mensuelle brute en une allocation familiale extra-légale.

Le plan cafétéria mis en place n’altérait pas le montant de la pension des travailleurs, ne modifiait pas leurs droits au chômage et respectait les barèmes minima de la commission paritaire compétente.

III. Contrôle de l’onss

Un peu plus de trois ans après l’instauration du plan cafétéria, l’ONSS effectue un contrôle au sein de l’entreprise et décide de procéder à des rectifications des déclarations trimestrielles déposées par l’entreprise.

L’ONSS entendait soumettre le complément aux allocations familiales légales aux cotisations sociales aux motifs que les indemnités versées par l’employeur comme complément aux avantages accordés par l’une des branches de la sécurité sociale ne sont exemptées de cotisations de sécurité sociale que pour autant que :

  • L’objectif de l’employeur soit effectivement d’accorder un complément aux avantages accordés par l’une des branches de la sécurité sociale ;
  • L’indemnité garde son caractère de complément, condition que l’ONSS considère remplie pour autant que l’avantage ne dépasse pas le montant de 600 EUR par enfant par an.

Or, en l’espèce, selon l’ONSS, aucune de ces conditions n’est remplie.

D’une part, l’indemnité dépasse le montant maximum autorisé. D’autre part, l’Office estime que l’intention de l’employeur n’est pas de compléter les allocations familiales légales car le complément n’est pas accordé à l’ensemble des travailleurs de l’entreprise qui ont des enfants, mais uniquement à ceux dont une partie de la rémunération a été négociée.

Par conséquent, l’ONSS décide de soumettre la totalité des montants versés au titre d’allocations familiales extralégales aux cotisations de sécurité sociale, et non uniquement la partie excédant le montant admis par enfant et par an.

IV. Jugement du Tribunal du travail de Liège, division de Neufchâteau

Après avoir demandé, en vain, à l’ONSS de retirer sa décision de régularisation, l’entreprise introduit un recours devant le Tribunal du travail estimant notamment qu’aucune disposition légale ne détermine un montant au-delà duquel l’avantage doit être considéré comme de la rémunération.

Le tribunal du travail estime que l’allocation familiale extralégale versée constitue de la rémunération passible de cotisations sociales. L’entreprise est déboutée.

V. Arrêt de la Cour du travail de Liège

La Cour du travail va réformer le jugement et donner tort à l’ONSS, après avoir examiné les deux arguments qu’il soulevait.

Le premier argument de l’ONSS consistait à dire que l’employeur, en convertissant une partie de la rémunération brute de ses employés en un complément aux allocations familiales légales, ne poursuit pas un objectif social mais un objectif économique, l’employeur voulant, en réalité, diminuer ses charges patronales.

La Cour du travail rejette l’argument.

Le texte légal ne requiert pas que l’intention de l’employeur soit principalement ou exclusivement sociale lorsqu’il accorde un avantage social complémentaire et n’exclut pas que l’employeur poursuive également un objectif économique. Elle ajoute que la conclusion d’une convention par laquelle un employé accepte de renoncer à une partie de sa rémunération en contrepartie d’une indemnité complémentaire à une prestation de sécurité sociale ne poursuit pas un but illicite. Enfin, la Cour fait remarquer que si l’objectif poursuivi est effectivement économique dans le chef de l’employeur, il n’en est pas pour autant moins social dans le chef du travailleur puisque ce dernier a vu le montant de sa rémunération nette annuelle augmenter de l’ordre de 3%.

En second lieu, l’ONSS soulevait que l’avantage était accordé de manière discriminatoire dans la mesure où seuls les employés ayant négocié une partie de leur salaire bénéficiaient du complément aux allocations familiales légales. Cela n’a pas convaincu la Cour.

Si la loi impose à l’employeur qui accorde des avantages d’ordre social complémentaires à son personnel, de les accorder sans distinction à tous les travailleurs appartenant à une même catégorie, cette obligation est faite à l’employeur et n’affecte pas la notion de rémunération. Le non-respect par l’employeur de cette obligation ne pourrait à lui seul justifier que les avantages en cause soient considérés comme de la rémunération. Il appartient, le cas échéant, aux employés de l’entreprise, et non à l’ONSS, de faire valoir leur droit à un régime non discriminatoire d’avantages sociaux.

VI. Conclusion

Dans cet arrêt, la Cour du travail avalise, dans son principe, le « plan cafétéria », mis en place par l’entreprise, permettant à l’employeur et à ses travailleurs de flexibiliser le package salarial global, notamment en réduisant la rémunération mensuelle brute, sur laquelle se calculent les cotisations de sécurité sociale, et en optant pour un avantage social complémentaire exempté de cotisations sociales.

La Cour rappelle également que la seule condition pour qu’un avantage accordé par l’employeur au titre de complément aux avantages accordés pour les diverses branches de la sécurité sociale soit exempté de cotisations de sécurité sociale est que l’avantage ou indemnité accordé ait pour objet de compenser la perte des revenus du travail ou de compenser l’augmentation des dépenses provoquées par la réalisation d’un des risques couverts par les diverses branches de la sécurité sociale. L’exclusion de la notion de rémunération, passible de cotisations sociales, vaut sans aucune autre restriction.

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LICENCIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC : LA COUR CONSTITUTIONNELLE TACLE LA COUR DE CASSATION !

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I. POSITION DU PROBLÈME

Une question ayant longtemps divisé les juridictions du travail était celle de savoir si une autorité publique, lorsqu’elle envisageait de rompre le contrat de travail d’un de ses agents contractuels devait, tout comme elle doit le faire en cas de révocation d’un agent statutaire, respecter les principes généraux de bonne administration, et plus particulièrement le principe de l’audition préalable et de la motivation formelle de la décision de licenciement.

II. Position de la Cour de cassation

Dans notre Tetralert du mois d’octobre 2016, nous vous informions que la Cour de cassation avait définitivement tranché cette controverse, par son arrêt du 12 octobre 2015 (R.G. n° S.13.0026.N), en jugeant que l’employeur du secteur public ne devait ni procéder à l’audition préalable de l’agent contractuel avant de le licencier, ni motiver sa décision de licenciement. La Cour a simplement constaté que les règles relatives à la cessation des CDI (articles 32, 3°, 37 §1er al. 1er et 39 §1er al. 1er de la loi du 3 juillet 1978) n’imposent pas à l’employeur d’entendre le travailleur avant de procéder à son licenciement. Le juge qui en déciderait autrement méconnaîtrait la loi.

III. La Cour constitutionnelle interrogée

Par son arrêt du 6 juillet 2017 (n° 86/2017), la Cour constitutionnelle est venue raviver ce débat. La Cour était saisie d’une question préjudicielle par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles, devant lequel une ouvrière, engagée sous contrat de travail par une commune bruxelloise, invoquait une discrimination par rapport à ses collègues statutaires pour avoir été licenciée sans être entendue préalablement.

Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle énonce, tout d’abord, que les travailleurs du secteur public, qu’ils soient engagés sous statut ou sous contrat de travail, se trouvent dans des situations comparables lorsqu’il s’agit de déterminer les conditions dans lesquelles ils peuvent être valablement privés de leur emploi. Elle constate ensuite qu’à la différence des contractuels, les statutaires ont le droit d’être entendus par l’autorité publique avant l’adoption d’une mesure grave liée à leur attitude ou à leur comportement. Elle en déduit l’existence d’une différence de traitement, qui ne peut être raisonnablement justifiée par la différence de statut juridique en vertu duquel ils sont occupés par l’autorité publique. La Cour constitutionnelle conclut donc à la discrimination.

IV. Conclusion

La Cour constitutionnelle ne contredit pas la Cour de cassation, mais leurs raisonnements, chacune dans sa sphère propre de compétences, aboutissent à des conclusions inverses. La Cour de cassation constate que les règles relatives à la cessation des CDI prévues par la loi du 3 juillet 1978 n’obligent pas un employeur à entendre le travailleur avant de procéder à son licenciement. En vertu d’un principe général de bonne administration, il ne peut être dérogé à ces règles en considérant que l’employeur qui n’entend pas le travailleur commet une faute. Mais la Cour constitutionnelle, elle, considère que les dispositions de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail qui autorisent une autorité publique à licencier un travailleur sous contrat de travail sans être obligée de l’entendre préalablement créent une différence de traitement inadmissible entre ce travailleur et celui engagé sous statut. Les dispositions de la loi sont donc inconstitutionnelles parce qu’elles créent une discrimination.

Au vu de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle, on ne pourra donc que conseiller aux employeurs publics, lorsqu’ils envisagent de licencier un de leurs agents sous contrat de travail, de procéder préalablement à son audition afin de l’entendre dans ses moyens de défense.

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NE JETEZ PAS LA SOCIÉTÉ DE DROIT COMMUN AVEC L’EAU DU BAIN

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I. Saga de l’immatriculation scindée : Standpunt n° 15004

La saga de l’immatriculation scindée continue de faire des vagues en Région flamande : en cause la mise en ligne, le 26 avril 2017,  sur le site internet du VLABEL, de la dernière mise à jour de la décision 15004, avec cette fois-ci pour cible la donation de la nue-propriété des parts de la société de droit commun.

Pour rappel, l’article 2.7.1.0.7 du Code flamand de la fiscalité, ci-après « CFF » (pendant de l’article 9 du Code des droits de succession) comporte une fiction selon laquelle les biens meubles ou immeubles acquis en usufruit par le futur défunt et en nue-propriété par ses héritiers seront considérés comme faisant partie de la succession de l’usufruitier, sauf à démontrer que l’acquisition ne déguisait pas en soi une libéralité au profit du tiers bénéficiaire. Sur la base d’une interprétation de la jurisprudence de la Cour de cassation, l’administration avait, de longue date, admis que la preuve contraire était valablement rapportée si les parties démontraient qu’une donation préalable (même du parent à l’enfant) avait permis cette acquisition scindée.

On se rappellera toutefois que ce mécanisme avait été repris dans la liste noire éditée par l’administration fédérale dans sa circulaire du 19 juillet 2012 pour en être supprimé, ensuite, dans la circulaire du 10 avril 2013.

Toutefois, le répit fut de courte durée puisque, par une décision du 19 avril 2013, l’administration considéra que la preuve contraire exigée à l’article 9 du Code des droits de succession ne pourrait consister en une donation préalable.

Après avoir été fermement rappelée à l’ordre par le Ministre des finances, l’administration finit par publier une décision (RJ S9/06-07), le 18 juillet 2013, selon laquelle une donation préalable pourra valoir comme preuve contraire dans deux hypothèses (i) lorsque la donation préalable aura été soumise à la perception des droits d’enregistrement de la donation, ou  (ii) lorsqu’il sera démontré que le bénéficiaire de la donation pouvait librement disposer des avoirs, ce qui serait, par exemple, le cas s’il était démontré que la donation effectuée par l’acquéreur de l’usufruit n’était pas spécifiquement destinée à financer l’acquisition de la nue-propriété dans le cadre de l’acquisition scindée.

Par une décision du 21 mars 2016 (n°15004), le VLABEL a pris position quant à l’application de l’article 2.7.1.0.7 du CFF : en ce qui concerne l’achat scindé de biens meubles ou immeubles, la position du VLABEL suit la position fédérale susmentionnée.  Néanmoins, une mention complémentaire a été ajoutée, divergeant diamétralement avec la position fédérale en ce qui concerne l’immatriculation scindée.

En effet, le VLABEL précise que l’article 2.7.1.0.7 est également applicable aux inscriptions scindées de titres et de placements financiers. La preuve contraire de la présomption peut être rapportée de la même manière que celle décrite pour l’achat scindé de biens.

En d’autres termes, le VLABEL va exactement à l’encontre de la position fédérale puisque, dans sa décision reprise dans le répertoire de l’administration, il est expressément indiqué que la décision en matière d’acquisition scindée n’est pas appliquée par analogie aux inscriptions scindées.

II. Application à la société de droit commun

1. Les titres de la société de droit commun et le sous-jacent

Dans sa nouvelle version, le VLABEL s’attaque aux sociétés de droit commun. Comme celles-ci n’ont pas la personnalité juridique, elles sont – rappelle le VLABEL - fiscalement transparentes. Partant, pour VLABEL, lorsqu’on analyse la question des impôts d’enregistrement ou de succession, c’est aux avoirs sous-jacents qu’il conviendra d’avoir égard. Lorsque les avoirs apportés à la société de droit commun consistent en des titres ou placements financiers, la présomption de l’article 2.7.0.1.7 du CFF s’appliquera. Dès lors à défaut de pouvoir rapporter la preuve d’une donation préalablement enregistrée (pour renverser la présomption de libéralité), l’immatriculation des titres ou placements financiers sous-jacents en démembrement sera considérée comme un legs.

Cette immatriculation scindée sera soit (i) matérielle (telle qu’elle ressort du registre des parts ou des documents bancaires) ou (ii) juridique (résultant d’actes en ce sens telle, par exemple, une donation avec réserve d’usufruit).

2. Le « résultat » de la société de droit commun

S’agissant de la société de droit commun, le VLABEL va un pas plus loin dans son raisonnement.

Ainsi, la présomption de libéralité pourra aussi s’appliquer aux fruits de ces titres et placements financiers.

En effet, si le produit de ces avoirs devait lui-même être immatriculé en nue-propriété et usufruit (pour les héritiers d’une part, et le de cujus, d’autre part) alors l’article 2.7.1.0.7 du CFF s’appliquerait  également à ces fruits.

Un tableau synthétique pourrait être établi comme suit :

Donation préalable enregistrée

Fruits civils distribués

Utilisation des fruits civils par l’usufruitier

Article

2.7.0.1.7

Oui

Oui

Pleine propriété

Pas d’application (attention toutefois si donation par l’usufruitier dans les trois  ans précédant le décès : application de l’article 2.7.1.0.5)

Oui

Oui

Usufruit-

Nue-propriété

Application sur le nouveau démembrement

Non

Non

-

Oui sur le tout (donation préalable – fruits civils et autres produits)

Non

Oui

Pleine propriété

Application sur le tout, en ce compris les fruits civils mais possibilité de réduction

Oui

Non

-

Application sur les fruits civils mais pas sur la donation préalable ni sur les plus-values

 

3. Remplacement des titres et placements financiers initiaux

La position 15004 précise toutefois que le remplacement des titres et placement financiers initialement immatriculés de manière scindée par d’autres titres et placements également immatriculés de manière scindée n’est pas considéré comme  une nouvelle immatriculation scindée. En conséquence, pour renverser la présomption de l’article 2.7.1.0.7 du CFF, il suffira pour le nu-propriétaire de démontrer une absence de libéralité déguisée pour l’immatriculation initiale uniquement.

4. Entrée en vigueur

La taxation aura lieu si l’usufruitier est résident flamand au moment de son décès, quelle que fût sa résidence au moment de l’immatriculation scindée des titres intervenue à partir du 1er juin 2017.

Ceci vise donc également les fruits perçus depuis cette date même si la donation des « parts » de la société de droit commun était antérieure.

III. CONCLUSION

En toute logique, on ne peut que s’inquiéter de cette position du VLABEL, pour plusieurs raisons.

A priori simple, cette décision (i) remet en cause l’opposabilité du contrat de sociétés et (ii) suscitera de nombreuses questions quant à la notion même de fruits civils.

Ainsi, comme le confirme VLABEL dans un exemple repris sous la position 15004, les plus-values ne sont en principe pas considérées comme des fruits civils au sens strict du terme, et ne sont, par définition, pas distribuables. En outre, il existe encore à l’heure actuelle des controverses sur l’attribution à l’usufruitier de certains dividendes. Quid en pratique de l’individualisation de ces revenus non distribuables par rapport aux autres types de revenus de la société au fur et à mesure des années ? L’on peut craindre que l’impôt de succession ne soit réclamé pour le tout.

En conclusion, quelle solution peut-on envisager pour les résidents flamands désireux de transmettre leurs effets mobiliers à leurs héritiers sans se départir de la gestion effective de ces biens ?

D’abord, veiller pour les donations déjà intervenues pour le passé, à verser les fruits civils, dans leur ensemble, en pleine propriété à l’usufruitier et ce depuis le 1er juin 2017.

Ensuite, à l’avenir, il conviendra certainement de se placer en dehors d’un démembrement. Il ne faut en effet pas nécessairement « jeter la société de droit commun avec l’eau du bain ». Si l’immatriculation scindée doit être laissée de côté, il est néanmoins possible de continuer de gérer ces biens par l’intermédiaire de cette société. Dans ce cas, la transmission des titres et espèces devra avoir été consentie en amont, en pleine propriété et avec charge de rente par exemple, de manière à échapper à l’application de l’article 2.7.1.0.7 du CFF, qui, comme nous l’avons vu, vise uniquement les situations de démembrement en nue-propriété et usufruit de titres et produits financiers.

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MISE À DISPOSITION GRATUITE D’UN IMMEUBLE PAR UNE SOCIÉTÉ À SON DIRIGEANT : OÙ EN SOMMES-NOUS SUR LA THÉORIE DE LA RÉMUNÉRATION ?

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Tout avantage perçu par un dirigeant de sa société constitue une rémunération.  Tel sera également le cas si la société prend en charge des frais privés. Cet avantage de toute nature sera donc imposé comme tel.  En principe, sur la base de la valeur réelle de l’avantage ainsi octroyé ou, lorsque l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus y déroge, de manière forfaitaire.  Tel sera notamment le cas pour :

  • Les frais de véhicule ;
  • La mise à disposition d’un immeuble ;
  • La prise en charge du chauffage et/ou de l’électricité ;
  • La mise à disposition d’un PC et/ou d’une connexion internet ;
  • Etc.

Il est indéniable que ce mécanisme permet un allégement de la charge fiscale.  L’économie de cette optimisation suppose toutefois que les frais exposés demeurent déductibles dans le chef de la société.  C’est par ce biais que l’administration lutte, depuis de nombreuses années, contre les structures qu’elle juge (trop) abusives.  C’est tout particulièrement vrai pour les sociétés-villas et/ou les frais liés à des immeubles (quasi-)exclusivement affectés à l’usage privé du(des) dirigeant(s).

Après plus de quinze ans d’une jurisprudence manifestement contra legem (point I & II ci-dessous), le nouvel état de la jurisprudence développé par la Cour de cassation, poussée dans le dos par les Cours d’appel d’Anvers et de Gand, est plus inquiétant encore (point III ci-dessous).

I. DE l’ARRÊT DERWA à LA THÉORIE DE LA RÉMUNÉRATION

Le Code des impôts sur les revenus (CIR 92) a toujours prévu qu’une charge est déductible dès lors qu’elle :

  • se rattache à l’activité professionnelle ;
  • a été consentie en vue d’acquérir ou de conserver des revenus ;
  • a été exposée pendant l’exercice imposable ;
  • est établie au moyen de documents probants.

Aussi redoutable que soit déjà cette disposition qui laisse au contribuable l’intégralité de la charge de la preuve, ceci n’avait pas empêché la Cour de cassation d’en renforcer encore la rigueur en limitant les charges déductibles aux dépenses « inhérentes à l'exercice de la profession, c'est-à-dire qu'elles se rattachent nécessairement à l'activité sociale ».

Quoiqu’elle ajoutait une condition à la loi, cette jurisprudence avait conduit la pratique à développer deux pis-aller et ce, en particulier dans le cadre d’opérations d’achat scindé d’immeubles affectés en tout ou en partie à l’usage privé des dirigeants de la société :

II. QUAND LA COUR DECASSATION REVIENT À PLUS DE RIGUEUR, LE GOUVERNEMENT PREND PEUR…

Dans deux arrêts rendus en juin 2015, la Cour de cassation est revenue frontalement sur cette jurisprudence. Elle a considéré, en effet, que l’administration ajoutait une condition à loi lorsqu’elle refusait la déduction d’une dépense au motif que celle-ci aurait pour seul objectif d’obtenir une avantage fiscal et ne serait  donc pas liée à l’objet social de la société qui l’a exposée.

Ce revirement a créé un certain émoi au sein du gouvernement qui prônait, à l’époque, une modification de la loi motivée, selon lui, par le fait que « les constructions dans le cadre desquelles des résidences secondaires sont intégrées dans une société peuvent être contrecarrées moyennant une réécriture de l’article 49 CIR ».

Cette modification législative ne sera peut-être même pas nécessaire…

III. RETOUR DE MANIVELLE

Dans deux arrêts rendus le 14 octobre 2016 - l’un confirmant un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers, l’autre confirmant un arrêt de la Cour d’appel de Gand -, la Cour de cassation est venue fourbir les armes de l’administration.

Elle considère désormais que des frais pris en charge par la société pour son dirigeant et qui constituent une rémunération imposable dans le chef de ce dernier ne sont pas pour autant automatiquement déductibles dans le chef de la société.

Selon cette jurisprudence, encore faut-il que la société qui postule la déduction de ces frais soit en mesure de démontrer que ceux-ci ont été consentis en vue d’acquérir ou de conserver des revenus et qu’ils rémunèrent, par conséquent, des prestations réellement fournies par le dirigeant à la société et dont cette dernière est en mesure d’établir la preuve.

Cette nouvelle jurisprudence interpelle d’autant plus que l’un de ces deux arrêts concernait une société unipersonnelle de médecin dont les frais d’immeubles, constitutifs de rémunération dans le chef du gérant, ont été rejetés au motif que la société n’établissait pas la réalité des prestations fournies…  On imagine mal comment la société a pu, dans le cas d’espèce, générer de quelconques revenus sans ces prestations.

IV. CONCLUSION

Les circonstances dans lesquelles ces décisions ont été rendues interpellent.

La seule manière, selon nous, de comprendre ces décisions sans porter atteinte au principe de non-ingérence de l’administration dans l’opportunité des décisions de gestion d’une société, consiste à faire le lien avec la jurisprudence, par ailleurs constante, de la Cour de cassation en matière de management fees :

  • la réalité des prestations peut être établie sur la base  d’un ensemble d’éléments sans qu’un contrat et des factures non-contestées ne suffisent à cet effet ;
  • l’administration ne peut, cependant et sur cette seule base, remettre en cause le niveau ou la structure de la rémunération ;
  • sauf évidemment, si elle parvient à démontrer que les frais exposés « dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels », mais ceci implique une toute autre démarche.

Ce n’est malheureusement pas la direction adoptée dans les deux ressorts de Cour d’appel qui sont à l’origine de cette jurisprudence.  Un arrêt récent rendu par la Cour d’appel d’Anvers le 28 mars 2017 en témoigne encore.

Espérons donc que la Cour de cassation sera (très) rapidement appelée à clarifier sa jurisprudence et ceci, avec, cette fois, la rigueur qui s’impose.

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LOI SUR LE TRAVAIL FAISABLE ET MANIABLE (PARTIE II)

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Dans notre Tetralert du mois d’avril 2017, nous vous présentions les mesures composant le « Socle » de la Loi du 5 mars 2017 sur le travail faisable et maniable, entrées en vigueur le 1er février 2017, et qui sont d’application pour toutes les entreprises et tous les travailleurs. Les mesures composant le « Menu », qui font l’objet de la présente Tetralert, offrent quant à elles la possibilité aux secteurs d’élaborer des règles sur mesure. Chaque secteur peut entamer des négociations afin d’activer ces possibilités au niveau sectoriel ou au sein des entreprises.

Le Menu comprend un premier volet sur le « travail maniable » et un second volet sur le « travail faisable ».

I. TRAVAIL MANIABLE

Les mesures destinées à rendre le travail plus maniable sont les suivantes :

1. Élargissement du Plus minus conto

Le système du Plus minus conto, limité initialement au secteur de l’industrie automobile, est rendu accessible à toutes les entreprises du secteur privé. Ce système permet aux entreprises d’occuper les travailleurs jusqu’à dix heures par jour et quarante-huit heures par semaine, sans qu’aucun sursalaire ne soit dû, pour autant que la durée du travail hebdomadaire soit respectée en moyenne sur une période de référence de six ans maximum. Pour le mettre en place, les entreprises doivent néanmoins répondre à des conditions cumulatives relativement strictes (e.a. appartenir à un secteur caractérisé par une forte concurrence internationale, être soumis à des cycles de production ou de développement s’étalant sur plusieurs années, etc.), de sorte qu’un nombre restreint d’entreprises pourra finalement le mettre en œuvre.

2. Contrat de travail intérimaire à durée indéterminée

Une entreprise de travail intérimaire peut désormais conclure un contrat de travail à durée indéterminée avec un intérimaire, fixant les conditions générales relatives aux missions d’intérim successives dont ce dernier sera chargé (ex : territoire géographique dans lequel s’effectueront les missions, fixation des périodes de travail et de repos etc.). Ce contrat doit également décrire les emplois pour lesquels l’intérimaire pourra être envoyé chez un utilisateur. Avant chaque mission, une lettre de mission indiquant notamment la durée du contrat, l’horaire de travail et la rémunération convenue doit être remise au travailleur. Le CDI intérimaire permet, d’une part, aux agences d’intérim de constituer un « pool » de travailleurs dont le profil est fort recherché, et d’autre part, de garantir aux intérimaires le droit à une indemnité de rupture en cas de rupture de leur contrat par l’agence d’intérim. Les intérimaires ont également droit à un salaire minimum garanti pendant les périodes d’intermission. Pour que ce régime soit pleinement d’application, une convention collective de travail (CCT) doit encore être adoptée par la commission paritaire (CP) pour le travail intérimaire déterminant notamment le modèle du CDI intérimaire ainsi que les modalités de calcul du salaire garanti.

3. Réforme du groupement d’employeurs

Plusieurs entreprises peuvent constituer un groupement d’employeurs (GE) qui engage des travailleurs qui seront mis à leur disposition. Ce système permet l’occupation partagée de travailleurs entre des entreprises qui soit n’ont pas besoin, soit n’ont pas les moyens de les occuper à temps plein. D’une part, la loi Peeters simplifie la procédure d’autorisation ministérielle pour fonctionner en tant que GE, qui peut désormais être délivrée pour une durée indéterminée, et d’autre part, fixe à cinquante le nombre maximum de travailleurs pouvant être occupés par le GE. Ce seuil pourra être relevé par arrêté royal. Enfin, les membres du GE seront désormais solidairement responsables des dettes fiscales et sociales du GE, chaque membre pouvant donc être contraint d’apurer l’intégralité des dettes du groupement.

4. Simplification du travail à temps partiel

Aujourd’hui, la loi oblige l’employeur à reprendre dans le règlement de travail tous les régimes et horaires de travail à temps partiel pratiqués dans l’entreprise. Cette obligation sera supprimée à partir du 1er octobre 2017, et ce tant pour les horaires à temps partiel fixes que variables.

Pour les horaires variables (qui ne précisent pas à l’avance les jours et heures de travail), le règlement de travail devra fixer un cadre général, prévoyant notamment la plage journalière pendant laquelle et les jours de la semaine lors desquels des prestations de travail peuvent être prévues, la durée journalière minimale et maximale, le moyen et le délai de communication des horaires aux travailleurs concernés (au moins cinq jours ouvrables à l’avance, sauf convention contraire). Si, outre l’horaire, le régime de travail est également variable, le règlement de travail devra mentionner la durée du travail hebdomadaire minimale et maximale. Le contrat de travail pourra, quant à lui, se contenter de renvoyer au cadre général et ne devra mentionner que la durée du travail par semaine. Les entreprises ont jusqu’au 31 mars 2018 pour adapter leur règlement de travail.

En cas d’horaire fixe, le contrat de travail se suffit à lui-même puisque ce dernier mentionne expressément le régime et l’horaire de travail convenus. Si l’horaire est organisé par cycle, soit une succession d’horaires journaliers qui s’étend sur plus d’une semaine, le contrat de travail devra détailler ce cycle et indiquer l’ordre dans lequel les horaires sont prestés.

Enfin, les obligations relatives à la publicité des horaires à temps partiel et à la surveillance des dérogations à l’horaire normal de travail sont simplifiées et adaptées aux technologies actuelles.

Ces mesures entrent en vigueur le 1er octobre 2017.

5. E-commerce

Une nouvelle dérogation expresse à l’interdiction du travail de nuit (soit le travail effectué entre 20h et 6h) est prévue pour l’exécution de toutes les activités liées au commerce électronique dans les entreprises du secteur de la distribution.

II. TRAVAIL FAISABLE

Les mesures destinées à rendre le travail plus faisable sont les suivantes :

1. Les horaires flottants

Alors que, jusqu’à présent, ils n’étaient que tolérés par l’Inspection sociale, les horaires flottants sont désormais légalisés. Le système des horaires flottants permet au travailleur de fixer le début et la fin de sa journée de travail, ainsi que de ses pauses, dans le respect des « plages mobiles » et des heures de présence obligatoire, appelées « plages fixes », fixées par l’employeur. C’est donc le travailleur lui-même qui détermine, dans une certaine mesure, son horaire de travail. Le travailleur perçoit chaque mois la rémunération normale pour la durée hebdomadaire moyenne dans l’entreprise. Aucun sursalaire n’est dû pour autant que le travailleur ne preste pas plus de neuf heures par jour et quarante-cinq heures par semaine.

À l’issue de la période de référence, qui est en principe de trois mois, un solde positif ou négatif de douze heures maximum peut être reporté sur la période de référence suivante. Si le travailleur est en déficit de plus de douze heures, l’employeur pourra récupérer le salaire indu au-delà des douze heures sur la rémunération des mois suivants. Inversement, si le travailleur a un solde positif supérieur à douze heures, il n’aura droit à la rémunération normale pour les heures excédentaires que pour autant qu’elles aient été effectuées à la demande de l’employeur.

L’entreprise peut introduire le système des horaires flottants, soit par la conclusion d’une CCT, soit par la modification du règlement de travail. L’entreprise doit se munir d’un système de mesurage du temps de travail, permettant au travailleur de consulter, à tout moment, le solde positif ou négatif par rapport à la durée du travail dans l’entreprise.

2. Congé pour soins palliatifs et crédit-temps

La durée totale de l’interruption de carrière complète pour soins palliatifs est portée de deux à trois mois. Concrètement, le travailleur pourra désormais prolonger deux fois d’un mois le congé pour soins palliatifs, chaque fois pour une durée d’un mois.

Les partenaires sociaux, au niveau interprofessionnel, ont quant à eux élargi de trente-six à cinquante-et-un mois le droit au crédit-temps pour motifs de soins ou d’assistance.

Rappelons que l’accès au système du crédit-temps est limité aux travailleurs du secteur privé, tandis que le système de l’interruption de carrière est accessible tant aux travailleurs du secteur public qu’aux travailleurs du secteur privé. 

3. L’épargne-carrière

La loi offre la possibilité au travailleur d’épargner du temps, tels que les congés extralégaux non pris, les heures supplémentaires volontaires ou encore les heures supplémentaires prestées dans le système des horaires flottants pouvant faire l’objet d’un report. En revanche, il ne pourra épargner ni les jours de congés légaux, ni les jours de remplacement de jours fériés, ni les jours de réduction du temps de travail (RTT). Le travailleur pourra ensuite épuiser le « temps épargné » en prenant congé, plus tard, dans le courant de sa période d’engagement. A la fin de son contrat, le travailleur aura droit au paiement intégral de son épargne.

La mise en place effective de ce système dans l’entreprise suppose la conclusion d’une CCT sectorielle dans un délai de six mois, après la saisine du Président de la Commission paritaire. A défaut de CCT sectorielle conclue endéans ce délai, les entreprises pourront, par le biais d’une CCT conclue au niveau de l’entreprise, déterminer notamment les périodes de temps pouvant être épargnées et la manière dont ce temps pourra être utilisé.

La loi permet néanmoins aux partenaires sociaux d’harmoniser le système par la conclusion d’une CCT intersectorielle, et ce jusqu’au 1er août 2017. Si cette CCT voit le jour, les CCT sectorielles éventuellement conclues dans l’intervalle n’auront plus de raison d’être.

4. Le don de congés

La loi permet aux travailleurs de faire don de leurs jours de congé à des collègues qui ont un enfant gravement malade, âgé de moins de vingt-et-un ans. Seuls les congés dont le travailleur dispose librement peuvent être cédés. Pas question donc de céder les quatre semaines de congés légaux, mais uniquement les congés  extralégaux, accordés par contrat de travail ou par CCT d’entreprise (ex : congés d’ancienneté) ou les jours de RTT. Le don de congés, qui doit être accepté par l’employeur, est anonyme et sans aucune contrepartie dans le chef du donateur. De son côté, le parent de l’enfant malade doit avoir épuisé l’ensemble de ses jours de vacances et de repos pour en bénéficier. Sa demande ne peut porter sur plus de deux semaines, mais est renouvelable.

L’introduction du don de congés dans l’entreprise suppose la conclusion d’une CCT sectorielle. Ce n’est que si aucune CCT n’est adoptée dans un délai de six mois après la saisine du Président de la Commission paritaire que le don de congés pourra être introduit par CCT d’entreprise ou, à défaut de délégation syndicale, par règlement de travail.

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LOI SUR LE TRAVAIL FAISABLE ET MANIABLE – PARTIE I

Département : 

Comme cela a été longuement souligné dans la presse, le Ministre Kris Peeters a la volonté de moderniser le droit du travail, de le rendre plus en phase avec la rapidité des échanges économiques et d’offrir plus de flexibilité pour permettre aux travailleurs de mieux concilier les impératifs vie privée-vie professionnelle.

Le 23 février dernier, la Chambre a donné son feu vert au projet de loi sur le travail faisable et maniable déposé par le gouvernement Michel le 4 janvier 2017. La loi, rebaptisée « Loi Peeters », a été publiée au Moniteur ce mercredi 15 mars.

I. INTRODUCTION

La loi, qui vise à mettre en place un cadre pour un droit du travail modernisé, comporte deux groupes de dispositions :

  1. Un premier baptisé « socle » qui comprend des dispositions qui seront d’application pour toutes les entreprises et tous les travailleurs ;
  2. (Un deuxième que le Ministre Peeters baptise « menu », consistant en un cadre légal permettant aux secteurs d’élaborer des règles spécifiques. Le menu comprend un premier volet sur le « travail maniable » et un second volet sur le « travail faisable ».

Dans la présente Tetralert, nous vous présentons les quatre mesures que comporte le « socle ».

Les mesures du « menu » vous seront présentées dans notre prochaine Tetralert (partie II).

II. LE SOCLE

Le socle comporte quatre mesures :

  • l’annualisation du temps de travail ;
  • le régime des heures supplémentaires volontaires  et l’augmentation de la « limite interne » ;
  • le nouveau régime concernant la formation des travailleurs ;
  • Le cadre légal pour le télétravail occasionnel.

1. Annualisation du temps de travail dans le régime de la « petite flexibilité »

Le régime de la « petite flexibilité », prévu par l’article 20bis de la loi sur le travail, permet à l’employeur de faire varier les horaires de travail en fonction du rythme de l’activité et/ou des besoins de l’entreprise. Moyennant l’adaptation du règlement de travail ou la conclusion d’une CCT, les travailleurs peuvent ainsi prester jusqu’à deux heures en plus ou en moins que l’horaire normal journalier, sans dépasser la limite de neuf heures par jour, et jusqu’à cinq heures de plus ou de moins que l’horaire normal hebdomadaire, sans dépasser la limite de quarante-cinq heures par semaine, pour autant que la durée hebdomadaire de travail en vigueur au sein de l’entreprise soit respectée en moyenne sur la période de référence.

Concrètement, dans une entreprise dans laquelle la durée normale de travail est fixée respectivement à trente-huit heures par semaine et à sept  heures trente-six minutes par jour, dans le cadre d’un horaire fixe, la petite flexibilité permet d’occuper les travailleurs au minimum cinq heures et trente-six minutes et au maximum neuf heures par jour et au minimum trente-trois heures et au maximum quarante-trois heures par semaine.  

Les dépassements des limites journalière et hebdomadaire, dans les limites autorisées et dans le respect de l’horaire affiché, ne donnent pas lieu au paiement d’un sursalaire. Le travailleur est payé sur la base de l’horaire hebdomadaire moyen.

La petite flexibilité exige le respect de certaines mesures de publicité, parmi lesquelles l’obligation d’afficher l’horaire en cours au moins sept jours avant son entrée en vigueur.

Alors que la loi prévoyait jusqu’à présent que la moyenne de la durée hebdomadaire de travail devait être respectée sur une période de référence ne pouvant excéder une année, tout en autorisant la possibilité de fixer une période de référence plus courte, par exemple d’un trimestre, la loi Peeters fixe, de manière intangible, la durée de la période de référence à une année civile (ou à une autre période de douze mois consécutifs). Il n’est désormais plus possible de prévoir une période de référence plus courte.

2. Heures supplémentaires

2.1. Travailler plus pour gagner plus

En cas d’heures supplémentaires, la loi prévoit (i) le paiement d’un sursalaire de 50% ou de 100% de la rémunération, selon qu’elles sont effectuées en semaine (samedi y compris) ou les dimanches et les jours fériés et (ii) impose l’octroi d’un repos compensatoire.

Tandis que le sursalaire est payé à la fin de la période de paie au cours de laquelle les heures supplémentaires sont effectuées, la rémunération normale afférente à ces heures est payée au moment où le repos compensatoire est accordé.

La loi Peeters permet désormais au travailleur de se porter volontaire pour la prestation d’un quota de cent heures supplémentaires qui ne devront pas être récupérées. A la fin de la période de paie, le travailleur percevra le sursalaire lié aux heures supplémentaires prestées, mais aussi la rémunération normale afférente à ces heures. Le travailleur qui opte pour ce système pourra donc gagner davantage puisqu’il ne sera plus contraint de compenser ses prestations supplémentaires par un repos compensatoire équivalent.

2.2. Hausse de la « limite interne »

Pour éviter que les travailleurs ne soient astreints à une forte charge de travail pendant une trop longue période, la loi limite le nombre maximal d’heures supplémentaires qu’un travailleur peut effectuer. En d’autres mots, dès que la limite interne est atteinte, l’employeur doit immédiatement octroyer du repos compensatoire.

Jusqu’à présent, lorsque la période de référence était de trois mois, la limite interne était de septante-huit heures supplémentaires. Lorsque la période de référence était de douze mois, cette limite était fixée à nonante et une heures, pouvant même être portée à cent trente voire cent quarante-trois heures, moyennant accord au sein de l’entreprise ou de la commission paritaire.

Sous la loi Peeters, le principe reste le même, mais la limite interne est dorénavant fixée à cent quarante-trois heures, quelle que soit la durée de la période de référence prévue dans l’entreprise.

Si la durée hebdomadaire de travail en vigueur dans l’entreprise est de trente-huit heures à respecter sur une période de référence de douze mois, le travailleur devra obligatoirement être mis au repos, avant la fin de la vingt-quatrième semaine de travail, s’il a travaillé en moyenne quarante-quatre heures par semaine depuis le début de la période de référence. A défaut, il dépassera la limite interne (24 x 44h – 24 x 38h = 144h). Dans les mêmes conditions de travail, lorsque la période de référence est de trois mois, le travailleur n’aura pas atteint la limite interne au moment de l’octroi obligatoire du repos compensatoire à l’issue des treize semaines de la période de référence.

Les heures supplémentaires « volontaires », dont question au point précédent, sont prises en considération pour la limite interne, à l’exception des vingt-cinq premières heures. En d’autres termes, la limite interne maximale est augmentée de vingt-cinq heures pour les travailleurs volontaires qui effectuent jusqu’à cent heures supplémentaires.

3. L’objectif de formation individuelle

L’objectif interprofessionnel actuel consistant à affecter 1,9 % de la masse salariale totale à la formation est remplacé, dès 2017, par un objectif de cinq jours de formation par an par équivalent temps plein. Cet objectif sera concrétisé soit par CCT sectorielle, soit par la création d’un « compte formation individuel » au niveau de l’entreprise, dont le fonctionnement doit encore être déterminé.

A défaut d’initiative au sein du secteur ou de l’entreprise, les travailleurs pourront prétendre à deux jours en moyenne de formation par an et par équivalent temps plein, à répartir de manière équilibrée entre eux.

Le temps de formation donne droit à la rémunération normale, qu’elle soit dispensée pendant ou en dehors des heures de travail.

Le législateur invite le Roi à prévoir un régime dérogatoire pour les PME et va jusqu’à exclure les TPE (occupant moins de dix travailleurs) considérant que la formation s’y fait de façon informelle.

4. Le télétravail occasionnel

La loi introduit un cadre pour le télétravail effectué de manière occasionnelle, plus souple que celui existant pour le télétravail organisé de manière régulière. Ainsi, l’employeur peut se contenter d’inscrire au règlement de travail les mentions faisant normalement l’objet d’un avenant au contrat pour chaque travailleur individuellement.

Le travailleur peut demander à en bénéficier en cas de force majeure (ex : une panne de voiture) ou pour des raisons personnelles (ex : visite chez le médecin), pour autant que la fonction qu’il exerce soit compatible avec le télétravail. Le travailleur doit introduire sa demande, dans un délai raisonnable, en précisant le motif qui le justifie. Si l’employeur estime ne pas pouvoir y faire droit, par exemple pour des raisons liées aux nécessités de fonctionnement du service ou de l’entreprise, il motive et notifie sa décision au travailleur par écrit.

Nous conseillons aux employeurs d’adapter leur règlement de travail, afin d’y lister, comme la loi l’y autorise, les activités et fonctions incompatibles avec le télétravail. Il veillera en outre à déterminer si un ordinateur sera mis à disposition du travailleur ou si celui-ci pourra prétendre à un remboursement forfaitaire des frais engendrés par le télétravail. Enfin, l’employeur pourrait également en profiter pour fixer le délai endéans lequel le travailleur doit introduire sa demande.

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