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CASH FOR CAR ET BUDGET DE MOBILITE : UN DOUBLE EMPLOI ?

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Juste avant la crise, le gouvernement a déposé deux projets de loi en matière de mobilité durable. D’une part, il entend étendre le système du cash for car (allocation de mobilité) ayant connu peu de succès jusqu’à présent (Projet II). D’autre part, de façon encore plus ambitieuse, il se propose d’instaurer un budget de mobilité visant à modifier – durablement – les comportements en vue d’une mobilité plus respectueuse de l’environnement (Projet I).

I. Coexistence du budget de mobilité avec l’allocation de mobilité (cash for car)

Les deux systèmes visent à préserver l’environnement en incitant les travailleurs à abandonner leur voiture de société en surnombre.

Tandis que le cash for car présente une certaine rigidité en obligeant le travailleur d’opter soit pour le maintien soit pour l’abandon intégral de sa voiture de société et les avantages y liés contre l’octroi d’une allocation de mobilité, le budget de mobilité offre plus de flexibilité, en permettant au travailleur de l’utiliser, selon son propre choix, pour s’offrir soit une voiture respectueuse de l’environnement, soit des modes de transport alternatifs et durables, soit du cash, soit encore une combinaison de ces avantages dans les proportions qu’il détermine lui-même.

L’employeur pourra, mais ne devra pas, choisir d’instaurer au sein de sa société un des deux systèmes ou les deux systèmes côte à côte. Le travailleur pourra, mais ne devra pas, opter pour un des deux.

Reste à espérer que le budget de mobilité aura, de par sa flexibilité, plus de succès que n’a connu jusqu’à présent le cash for car.

Dans la situation actuelle de la législation, le système cash for car ne s’adresse qu’aux employeurs qui offrent déjà depuis une certaine période des voitures de société à (une partie de) leurs travailleurs (avec une exception pour les jeunes entreprises) et aux travailleurs qui en bénéficient (sauf en cas d’engagement sous certaines conditions).

Les deux projets prévoient que tant l’allocation que le budget de mobilité seront également ouverts aux travailleurs qui sont éligibles à une voiture de société en vertu de la politique salariale de l’employeur. La raison en est évidente. Il était absurde – connaissant le but de l’allocation de réduire le nombre de voitures de société –, d’obliger le travailleur à passer par la voiture de société avant de pouvoir bénéficier de l’allocation de mobilité.

II. Bref rappel du régime cash for car et modifications prévues par le projet de loi

1. Principe

Restitution par le travailleur du véhicule de société et des avantages y afférents contre l’octroi d’une allocation de mobilité annuelle.

2. Instauration

Compétence de décision exclusive de l’employeur.

3. Octroi

Demande écrite du travailleur et acceptation écrite de l’employeur, formant l’accord, qualifié de document social.

4. Conditions

Dans le chef de l’employeur :

Il doit avoir mis à la disposition de (une partie de) ses travailleurs une voiture de société depuis une période ininterrompue d’au moins 36 mois précédant la décision d’instaurer le cash for car, étant entendu que cette période d’attente ne s’applique pas aux entreprises actives depuis moins de 36 mois, à condition qu’elles mettent à disposition de (une partie de) leurs travailleurs une voiture de société.

Le Projet II rajoute une 2ème condition dans le chef de l’employeur en précisant qu’il ne peut octroyer l’allocation qu’aux travailleurs qui ont une voiture de société ou y sont éligibles en vertu de la politique relative aux voitures de société.

Dans le chef du travailleur :

  1. Au moment de la demande, il doit bénéficier depuis une période d’au moins 3 mois ininterrompus d’une voiture de société et
  2. Il doit avoir eu une voiture de société pendant au moins 12 mois durant les 36 mois précédant la demande (avec la même exception pour les jeunes entreprises).

En vertu du Projet II, le régime sera dorénavant également ouvert aux travailleurs qui sont éligibles à une voiture de société depuis au moins 3 mois au moment de la demande et pendant au moins 12 mois durant la période de 36 mois précédant la demande, avec la même exception pour les jeunes entreprises.

Les deux conditions ne s’appliquent pas lors de l’entrée en service du travailleur, s’il bénéficiait auprès de son précédent employeur (i) d’une allocation de mobilité ou (ii) d’une voiture de société pendant au moins 12 mois au cours des 36 mois précédant la demande (pas applicable s’il s’agit d’une jeune entreprise), étant entendu que si la période est inférieure à 12 mois, il peut la compléter auprès de son nouvel employeur, si celui-ci l’accepte. Le délai d’attente est de 1 mois dans ces cas.

En vertu du Projet II, il ne faudra plus vérifier ces conditions d’attente lors de l’engagement du travailleur ou en cas de changement de fonction ou de promotion avant le 1er janvier 2019.

Concernant l’allocation :

Elle ne peut pas être octroyée en remplacement total ou partiel d’avantages existants autres que la voiture de société.

Le projet II prévoit une exception lorsque l’allocation remplace un avantage reçu en compensation d’un refus d’une voiture de société.

5. Montant de l'allocation de mobilité

Une somme d’argent qui correspond à la valeur annuelle de l’avantage de l’utilisation de la voiture de société restituée, évaluée à 24 ou 20 % de 6/7èmes de la valeur catalogue de la voiture selon que l’employeur prenait ou non en charge les frais de carburant liés à l’utilisation personnelle, diminué le cas échéant du montant de la participation financière du travailleur à l’avantage.

6. Traitement parafiscal et fiscal

Parafiscal :

Traitement identique à l’avantage de la voiture de société (pas d’assujettissement aux cotisations sociales ordinaires, mais paiement par l’employeur de la cotisation de solidarité).

Fiscal :

  • Avantage imposable = 4 % de 6/7èmes de la valeur catalogue (ne pouvant être inférieur à 820 EUR/an indexés ; 1.310 EUR en 2018).
  • Pas de cumul avec les exonérations fiscales des indemnités de déplacement domicile-lieu de travail (sauf si le travailleur cumulait déjà depuis trois mois la voiture de société et une telle indemnité).

7. Durée

Jusqu’à ce que le travailleur (i) exerce une fonction pour laquelle le système salarial de l’employeur ne prévoit pas de voiture de société ou (ii) bénéficie à nouveau d’une voiture de société.

Le Projet II prévoit logiquement que l’allocation cessera aussi si le travailleur bénéficie d‘un budget de mobilité.

8. Statut

Traitement identique à l’avantage de la voiture de société et donc notamment poursuite de paiement pendant la période de salaire garanti et intégration dans la rémunération servant de base au calcul de l’indemnité compensatoire de préavis (ICP).

III. Budget de mobilité

En attente du sort réservé au Projet I à la chambre, nous vous donnons ci-après un bref aperçu de son contenu.

1. Principe

Restitution du véhicule de société contre un budget, pouvant être consacré, selon le choix du travailleur, à un ou plusieurs des trois piliers du projet de loi :

  1. Une voiture respectueuse de l’environnement, satisfaisant à des critères écologiques déterminés (voiture électrique, émission de CO² limitée…).
  2. Des modes de transport alternatifs et durables (train, tram, bus, vélo (partagé), cyclomoteur (partagé), motocyclette électrique (partagée), voiture partagée, taxi, location de véhicule, etc.).
    Il est à souligner que certains frais relatifs au logement établi dans un rayon de 5 km du lieu de travail y sont assimilés, de même que le paiement d’une indemnité kilométrique ou la mise à disposition d’un vélo pour les trajets domicile-travail.
  3. Le (solde du) budget en cash.

2. Instauration

Compétence de décision exclusive de l’employeur.

3. Octroi

Demande écrite du travailleur et acceptation écrite de l’employeur, formant l’accord, qualifié de document social.

4. Conditions

Dans le chef de l’employeur :

  1. Il doit avoir mis à la disposition de (une partie de) ses travailleurs une voiture de société depuis les 36 mois précédant la décision d’instaurer le budget mobilité, avec la même exception pour les jeunes entreprises (cf. supra).
  2. Il ne peut octroyer le budget mobilité qu’aux travailleurs qui disposent effectivement d’une voiture de société ou y sont éligibles en raison de la catégorie de fonction qu’ils occupent en vertu de la politique relative aux voitures de société.

Dans le chef du travailleur ;

  1. Il doit bénéficier d’une voiture de société ou y avoir été éligible, en vertu de la politique relative aux voitures de société de l’employeur, depuis au moins 3 mois sans interruption au moment de la demande.
  2. Il doit avoir eu une voiture de société ou y avoir été éligible pendant au moins 12 mois durant les 36 mois précédant la demande. Cette condition n’est pas applicable lors de l’engagement du travailleur, ou en cas de changement de fonction, ou de promotion avant le 1er janvier 2019, ou encore si l’employeur est une jeune entreprise qui octroie des voitures de société.

Concernant le budget :

Il ne peut pas être octroyé en remplacement total ou partiel d’avantages existants autres que la voiture de société, sauf en cas de remplacement d’un avantage reçu en compensation d’un refus d’une voiture de société.

5. Montant du budget

Coût annuel brut total pour l’employeur d’une voiture de société, en ce compris les charges fiscales et parafiscales et tous les frais de financement et d’utilisation (prix de leasing ou de location, carburant, cotisation de solidarité, TVA non déductible etc.), diminué le cas échéant du montant de la participation financière du travailleur à l’avantage de la voiture de société. Le budget évolue avec la fonction du travailleur mais n’est pas indexé. Une adaptation conventionnelle ne peut être supérieure à ce qu’aurait donné l’application de l’indexation.

6. Traitement parafiscal et fiscal

Voiture écologique : Traitement identique à l’avantage de la voiture de société.

Transports alternatifs : Entièrement exonérés (para)fiscalement pour le travailleur et déductible pour l’employeur.

Budget en cash : Assujetti à une cotisation sociale spéciale de 38,07 % dans le chef du travailleur. Exonéré fiscalement dans le chef du travailleur et déductible pour l’employeur.

Le budget mobilité n’est pas cumulable avec les exonérations fiscales des indemnités de déplacement domicile-lieu de travail (sauf si le travailleur cumulait déjà depuis trois mois la voiture de société et une telle indemnité).

7. Durée

Jusqu’à ce que (i) le travailleur exerce une fonction pour laquelle la politique salariale de l’employeur ne prévoit pas de voiture de société (ii) il bénéficie à nouveau d’une voiture de société ou d’une allocation de mobilité.

8. Statut

Traitement identique à l’avantage lié à l’usage privé de la voiture de société, et donc notamment poursuite de paiement pendant les périodes de salaire garanti et intégration dans la rémunération servant de base au calcul de l’ICP.

IV. Lequel des deux systèmes choisir … ?

Le budget de mobilité, s’il voit le jour…, devrait avoir plus de succès que le cash for car n’en a  jusqu’à présent, en raison de la possibilité offerte au travailleur de « disposer » à sa guise du budget, en l’allouant partiellement ou totalement soit à une voiture écologique, soit à d’autres moyens de transports plus durables, soit à une combinaison des deux, ou encore en s’octroyant le budget partiellement voire totalement en cash. Cette dernière option est cependant clairement découragée par le gouvernement au profit des deux premiers piliers, puisque très concrètement, le travailleur qui opterait intégralement pour le 3ème pilier se verrait pénalisé, son budget étant diminué de 38 %. Dans ce cas, le travailleur ferait mieux d’opter pour le cash for car, plus avantageux financièrement.

Le choix du travailleur entre les deux systèmes, si ce choix lui est offert par son employeur, sera donc essentiellement guidé par le but qu’il recherche. S’il souhaite avoir du cash, il optera pour le cash for car. S’il ne peut se passer de sa voiture de société tout en se souciant de l’environnement, il optera pour la voiture écologique, le cas échéant combiné avec d’autres modes de transport, voire une partie en cash.

Quant à l’employeur, l’instauration des deux systèmes ne devrait pas entrainer plus de tracas administratifs que l’octroi de voitures de société (à confirmer par arrêté royal). C’est en tout cas à espérer, au risque de voir cette belle initiative du gouvernement rester lettre morte. Aucune raison donc a priori de ne pas offrir les deux alternatives à ses travailleurs.

L’intention du gouvernement d’impulser un changement de mentalité et d’encourager une mobilité durable est louable. Reste à espérer que les employeurs et travailleurs soient conscientisés par la nécessité de réduire le nombre de voitures et s’intéressent de plus près à ces deux systèmes offrant une alternative à la voiture de société, présentant chacune ses intérêts en fonction des circonstances.

Reste à voir si cette dernière vague de réformes liées au "jobsdeal" du gouvernement ne tombera pas à l'eau en même temps que ce dernier.

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