Jusqu’il y a peu, seuls deux régimes coercitifs de « reclassement professionnel » étaient prévus pour les travailleurs licenciés : (1) le régime général et (2) le régime particulier pour les travailleurs âgés d’au moins 45 ans (I).
Dans une volonté d’accompagnement des travailleurs en incapacité de travail de longue durée, et dans la continuité de l’instauration du trajet de réintégration mis en place par l’arrêté royal du 28 octobre 2016, un troisième régime coercitif de reclassement professionnel pour « les travailleurs dont le contrat de travail prend fin du fait que l’employeur invoque la force majeure médicale à la suite d’un trajet de réintégration » a fait son apparition dans la loi du 7 avril 2019 relative aux dispositions sociales de l’accord pour l’emploi (II).
I. Ce qui existe : Deux régimes coercitifs de reclassement professionnel (rappel)
1. Régime coercitif général
Le régime général de reclassement professionnel est organisé aux articles 11/1 à 11/11 de la première section du chapitre V de la loi du 5 septembre 2001 visant à améliorer le taux d'emploi des travailleurs (ci-après, « la Loi »).
Champ d’application :
- Travailleurs licenciés hors faute grave et hors licenciement collectif, qui ont droit à un délai de préavis d’au moins 30 semaines (a) ou à une indemnité compensatoire de préavis équivalente à au moins 30 semaines de rémunération (b) ;
- Employeurs du secteur privé et public (travailleurs contractuels).
Offre de reclassement :
(a) Travailleur licencié moyennant prestation de préavis :
- Offre écrite de l’employeur dans les 4 semaines après le début du préavis ;
- A défaut, mise en demeure par le travailleur dans les 4 semaines suivant l’expiration de ce terme et offre écrite de l’employeur dans les 4 semaines de la mise en demeure ;
- Offre acceptée ou refusée par le travailleur dans les 4 semaines.
(b) Travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis :
- Offre écrite de l’employeur dans les 15 jours après la fin du contrat de travail ;
- A défaut, mise en demeure par le travailleur dans les 39 semaines suivant l’expiration de ce terme et offre écrite de l’employeur dans les 4 semaines ;
- Offre acceptée ou refusée par le travailleur dans les 4 semaines.
Contenu et déroulement de la procédure de reclassement :
(a) Travailleur licencié moyennant prestation de préavis :
- 60 heures de reclassement durant une période maximale de 12 mois ;
- Les heures de reclassement sont imputées sur les congés rémunérés pour rechercher un nouvel emploi;
- Possibilité de redémarrage de la procédure de reclassement en cas de non-commencement ou d’interruption.
(b) Travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis :
-
60 heures de reclassement durant une période maximale de 12 mois, divisée en 3 phases de maximum 20 heures d’accompagnement :
I.Pendant 2 mois au maximum à partir du début du programme ;
II.Pendant les 4 mois suivants ;
III.Pendant le dernier délai de 6 mois. - Possibilité de redémarrage de la procédure de reclassement en cas de non-commencement ou d’interruption.
L’offre de reclassement professionnel doit répondre aux critères de qualité prévus par la Loi.
Coût :
(a) Travailleur licencié moyennant prestation de préavis :
- Pas d’évaluation financière dans la Loi ;
-
À charge de l’employeur.
Situation particulière de licenciement avec effet immédiat durant le préavis : Possibilité pour l’employeur de réduire l’indemnité de préavis selon la formule suivante : A/60 x 4 semaines de rémunération, ‘A’ représentant les heures de reclassement encore à suivre.
(b) Travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis :
- Valeur du reclassement correspond à 1/12ème de la rémunération annuelle de l’année civile précédant le licenciement, avec une valeur minimale de 1.800 euros et une valeur maximale de 5.500 euros (fourchettes proratisées en cas de régime de travail à temps partiel) ;
-
Droit de l’employeur de réduire l’indemnité compensatoire de préavis à concurrence de 4 semaines de rémunération (tant en cas d’acceptation que de refus de l’offre).
Attention ! : Réduction non plafonnée à la valeur maximale de 5.500 euros.
Exception : Pas de réduction en cas d’incapacité du travailleur de suivre le reclassement pour des raisons médicales (certificat médical remis endéans les 7 jours de la prise de connaissance du licenciement ou constat par deuxième médecin mandaté par l’employeur).
2. Régime coercitif particulier
Le cadre du régime particulier de reclassement professionnel est organisé aux articles 12 à 17 de la seconde section du chapitre V de la Loi et a été mis en œuvre par la CCT n°82 du 10 juillet 2002 relative au droit au reclassement professionnel pour les travailleurs de 45 ans et plus qui sont licenciés. Il s’agit d’un régime résiduaire, qui s’applique aux travailleurs qui ne remplissent pas les conditions du régime général.
Champ d’application :
-
Travailleurs licenciés hors faute grave et hors licenciement collectif, âgés d’au moins 45 ans et comptant au moins 1 an d’ancienneté ininterrompue au sein de l’entreprise ;
Exclusion des (i) travailleurs qui peuvent bénéficier de la pension de retraite (ii) travailleurs à temps partiel (dont la durée hebdomadaire de travail moyenne est inférieure à la moitié de la durée de travail à temps plein), (iii) travailleurs qui ne devraient pas être disponibles pour le marché de l’emploi en cas de chômage complet indemnisé à l’issue du délai de préavis ou de la période couverte par une indemnité compensatoire de préavis.
Exception : Obligation d’offrir une procédure de reclassement au travailleurs à temps partiel (situation (ii)) qui en fait la demande dans les 2 mois de la notification du congé, sauf s’il se trouvent également dans la situation (iii). Dans ce cas, l’offre doit être faite dans les 15 jours de la demande - Employeurs du secteur privé.
Offre de reclassement :
(a) Travailleur licencié moyennant prestation de préavis :
- Offre écrite de l’employeur durant le préavis ou avant l’expiration d’un délai de 15 jours après expiration du préavis ;
- À défaut, mise en demeure par le travailleur dans le mois après expiration de ce terme et offre de l’employeur dans le mois suivant la mise en demeure ;
- Offre acceptée ou refusée par le travailleur dans le mois à dater du moment où l’employeur fait l’offre ou dans le mois après la fin du contrat de travail.
(b) Travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis :
- Offre formulée par l’employeur dans les 15 jours après la fin du contrat de travail ;
- A défaut, mise en demeure du travailleur dans les 9 mois qui suivent l’expiration de ce terme. Le cas échéant, employeur tenu de faire une offre dans le mois qui suit la mise en demeure ;
- Offre ensuite acceptée ou rejetée dans le mois par le travailleur.
Contenu et déroulement de la procédure de reclassement :
Idem procédure de reclassement du régime général applicable au travailleur licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis d’au moins 30 semaines (b).
Si la procédure de reclassement professionnel se déroule durant le préavis, les jours et heures utilisés sont imputés sur le congé rémunéré pour sollicitation.
Possibilité de démarrage ou reprise du programme de reclassement professionnel en cas de non-commencement ou d’interruption.
Coût :
À charge de l’employeur, sauf dans les secteurs prévoyant une prise en charge collective.
II. Ce qui est nouveau : Troisième régime coercitif de reclassement professionnel
La rupture du contrat de travail pour force majeure médicale ne constituant pas un licenciement, aucune procédure de reclassement professionnel ne devait être offerte aux travailleurs malades dont le contrat de travail prenait fin de cette manière.
La loi du 7 avril 2019 relative aux dispositions sociales de l’accord pour l’emploi a introduit, en insérant des articles 18 à 18/4 dans la Loi, un nouveau régime de reclassement professionnel coercitif, défini comme suit : « un ensemble de services et de conseils de guidance adaptés à un employé ayant un problème de santé, fournis par un prestataire de services, pour le compte d’un employeur, afin de permettre à ce travailleur de retrouver lui-même et le plus rapidement possible un emploi auprès d’un nouvel employeur ou de développer une activité professionnelle en tant qu’indépendant ».
Ce nouveau régime est entré en vigueur le 29 avril 2019.
Champ d’application :
- Travailleurs dont le contrat de travail prend fin pour force majeure médicale invoquée par l’employeur ;
- Employeurs du secteur privé (sauf s’ils relèvent d’un secteur qui organise un accompagnement équivalent à charge d’un Fonds sectoriel de sécurité d’existence) et du secteur public (travailleurs contractuels).
Offre de reclassement :
- Offre formulée par l’employeur dans les 15 jours de la rupture du contrat de travail ;
- Acceptation par le travailleur dans les 4 semaines suivant la formulation de l’offre. À défaut, extinction du droit au reclassement professionnel.
Contenu et déroulement de la procédure de reclassement :
- Au moins 30 heures au cours d’une période de maximum 3 mois (prenant fin à l’issue de maximum 6 mois après le début de celle-ci) ;
- Possibilité de redémarrage de la procédure de reclassement en cas de non-commencement ou d’interruption.
L’offre doit répondre aux mêmes critères qualitatifs que ceux prévus pour le régime coercitif général et doit être adaptée aux capacités du travailleur souffrant d’un problème de santé.
Le médecin-conseil de la mutuelle est informé du début et du contenu de l’offre dans les 15 jours suivant le début de la procédure (par le bureau de reclassement professionnel avec l’accord du travailleur ou par le travailleur même).
Coût :
1.800 euros à charge de l’employeur.
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Après la tentative de reclassement préalable qu’impose de facto le trajet de réintégration pour les travailleurs en incapacité de longue durée, dont le succès en pratique reste mitigé, le législateur a souhaité instaurer une mesure supplémentaire visant à augmenter l’employabilité de ces travailleurs sur le marché du travail après la rupture de leur contrat de travail pour force majeure médicale.
Cette nouvelle mesure d’accompagnement sur mesure remplira-t-elle mieux son objectif que ne l’a fait jusqu’ici le trajet de réintégration, à savoir, permettre aux travailleurs ayant des problèmes de santé de retravailler ? On ne peut que l’espérer.